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L’Europe groggy par la crise grecque

Jeroen Dijsselbloem à la conférence de presse de l'Eurogroupe le 27 juin qui voit le départ de la délégation grecque (crédit : CUE)
Jeroen Dijsselbloem à la conférence de presse de l'Eurogroupe le 27 juin qui voit le départ de la délégation grecque (crédit : CUE)

(BRUXELLES2) Ce n’est pas moi, c’est lui ! Tout le week-end, cette antienne a résonné par déclarations, communiqués et twitters interposés entre les dirigeants grecs et européens. Entre Bruxelles et Athènes, après la réunion avortée de l’Eurogroupe samedi après-midi, il y a davantage qu’un différend technique, il y a une incompréhension grandissante, un amour déçu, amer.

La Grèce, sur qui on avait mis tant d’espoir, vantée il y a quelques années comme la réussite même de la bonne utilisation des fonds européens, apparaît aujourd’hui comme l’enfant insolent, menteur et… dépensier. L’Europe, qui fait partie même de l’ADN grec, se montre égoïste, hautaine et peu respectueuse de la démocratie selon le gouvernement Tsipras.

Un manque de confiance réciproque qui se traduit bien quand on écoute le ministre grec des Finances, Yanis Varoufakis raconter, par le menu, sur son blog, la réunion dramatique du 27 juin. « L'idée même que le gouvernement allait consulter son peuple a été traitée avec incompréhension et souvent avec dédain proche du mépris. On m'a même demandé: 'Comment voulez-vous que les gens ordinaires à comprendre ces questions complexes ?' » La Commission européenne, de son côté, a dénoncé la décision « unilatérale des autorités grecques d’abandonner le processus de négociation » Elle a même décidé de publier le détail des propositions faites à la Grèce, brisant l’omerta, « dans l’intérêt de la transparence et pour l’information du peuple grec ». Un fait exceptionnel qui en dit long sur l’état d’esprit ambiant.

En bref, la vaisselle est cassée. Et personne n’a envie d’en acheter une nouvelle en commun. L’Europe est groggy. Mais elle n’est pas restée inactive pour autant. Toute la journée du dimanche, le téléphone a fonctionné entre les dirigeants européens. Car l’inconnue est maximale et les risques multiples.

D’une part, il faut limiter les dégâts un défaut grec. La Banque centrale européenne a été appelée à la rescousse. Après une réunion exceptionnelle, dimanche, la BCE a assuré vouloir travailler étroitement avec la Banque de Grèce « pour maintenir la stabilité financière ». Ainsi « l’assistance de liquidités d’urgence » qui maintient en survie les banques grecques va être « maintenue ». Et Athènes a annoncé une stricte limitation des fonds pouvant être retirés comme la fermeture des banques.

Ensuite, chacun sera suspendu, lundi, aux réactions des marchés. Les mesures prises suffiront-elles ? L’inconnue est totale. Un choc monétaire n’est pas à exclure. Et la contagion de la crise à d’autres pays doit être contenue. Chypre, la Slovaquie ou le Portugal sont particulièrement « exposés », selon les indiscrétions d’experts européens.

Enfin, il va falloir essayer de garder la Grèce dans la Zone Euro, en lui évitant la faillite, sans avoir l’air de revenir sur la discussion avortée de l’Eurogroupe ni accepter les demandes grecques. Autrement dit la quadrature du cercle. Une porte de sortie pourrait être l’effacement, partiel, de la dette grecque. Une hypothèse clairement mise sur la table… par les Américains. « Il est important d’arriver à une solution qui inclut une discussion sur la réduction de la dette » a indiqué le secrétaire US au Trésor Lew dans ses entretiens téléphoniques avec ses homologues allemand Wolfgang Schäuble et français Michel Sapin. Tandis que Barack Obama exhortait la chancelière allemande, Angela Merkel, à faire « tous les efforts » pour permettre à la Grèce de « reprendre les réformes et la croissance au sein de la zone euro ». Autrement dit pas de Grexit possible pour Washington !

En France, François Hollande a convoqué un conseil restreint à l’Elysée pour ce lundi. Et à Bruxelles, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, parlera devant la presse vers 13h. Autant dire que l’heure est grave. Après « Je suis venu te dire que je m’en vais » de Gainsbourg, les Européens auront-ils le courage de chantonner à la Grèce, comme Jacques Brel : « Ne me quitte pas » et de terminer par un « Formidable » de Stromae. Rien n’est moins sûr…

(Nicolas Gros-Verheyde) paru dans Sud-Ouest, le 29 juin.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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