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Le Non Grec : Bruxelles n’a pas réussi à conquérir les coeurs et les esprits

Les Européens semblent incapables d'appliquer certains préceptes basiques en matière de conviction des "peuples" (crédit : Otan - Operation tageer en Afghanistan)
Les Européens semblent incapables d'appliquer certains préceptes basiques en matière de conviction des "peuples" (crédit : Otan - Operation tageer en Afghanistan)

(BRUXELLES2) Une fois de plus, le coeur européen a été battu largement lors d'une consultation par référendum. Une fois de plus, les sondages qui prédisaient un Oui-Non ont été totalement démentis. Une fois de plus, les Européens ont été abasourdis par le résultat, hésitant entre l'admonestation et le ton froid sans penser à chercher où était l'erreur. Est-ce pour autant l'idée européenne qui est vaincue ? Ou la façon de la défendre ? Je pencherai pour la seconde option.

Des informations distillées qui n'ont cessées d'être démenties par les faits

A écouter le martèlement qu'ont produit les différentes structures européennes, on avait comme un malaise à être Européen la semaine dernière. Les arguments utilisés étaient partiaux, qu'il s'agisse de l'analyse juridique et économique, et de l'appréciation politique. Que n'a-t-on en effet entendu dans les couloirs européens. Tout d'abord, le parlement grec n'allait pas voter pour l'organisation du référendum (c'était samedi 27 juin). Le parlement a voté à une large majorité. Deuxième 'ligne de défense' : ce référendum est illégal et il va être annulé par la justice. Cela n'a pas été le cas. Le Conseil d'Etat a validé l'organisation. Pour l'instant, personne ne conteste le résultat. La participation a été importante (62,5% selon les résultats définitifs) sans être pour autant massive mais suffisante pour donner un résultat incontestable. Troisièmement, l'organisation du référendum va entraîner immédiatement la coupure de toutes les lignes budgétaires de la Banque centrale européenne. Et, le chaos sera immédiat. Rien de tout cela n'est arrivé. Le Financial Times a même été jusqu'à prédire un prélèvement sur les comptes en banques... Enfin, on a laissé entendre que le Oui était tout proche de l'emporter. On en était presque à discuter de la constitution d'un gouvernement technique etc. Tout cela est tombé comme un château de cartes dès les premiers résultats partiels qui donnaient plus de 60% de Non. Un chiffre qui s'est confirmé et même amplifié au fil de la soirée avec 61,31% selon le résultat définitif. L'écart de voix entre le Non et le Oui : plus d'un million de voix étant assez notable.

ResultatsReferendumGrec5Juil2015Definitif

S'inspirer de la théorie de la contre-insurrection

Il y a comme une 'erreur système' au dispositif européen qui martèle si fort des arguments tout aussi populistes et fallacieux que ceux qu'il prétend combattre. La volonté d'intégrer les peuples à la "chose" européenne paraissait bien lointaine. Les institutions européennes n'ont pas réussi à « Convaincre les coeurs et les esprits » comme en 2005 en France et aux Pays-Bas. Les dirigeants européens feraient bien de relire le général Petraus, qui a le plus récemment théorisé cette conception de la contre insurrection : « Gagner les cœurs signifie persuader la population que leur meilleur intérêt est servi par les succès des contre-insurgés. Gagner les esprits signifie convaincre la population que la force peut les protéger et que la résistance est inutile ». Comme dans les référendum en France et aux Pays-Bas en 2005, ce 'Non' n'est pas un refus à l'Europe ou à leur gouvernement, malgré ce que proclament certains commentateurs ou mouvements extrêmes. C'est un 'Non' à une certaine idée de l'Europe, lointaine, arrogante qui dit 'moi je sais', 'il n'y a qu'un seul choix', celui que je vous propos. Et vous êtes 'un ignare, un incapable'.

A cent lieues des idées qui font la base de l'Europe

Dire que ce vote entraîne un "Grexit" automatiquement, voire la sortie de l'Europe, est un parfait exemple de cette attitude. Certes en terminant le dernier plan mis sur la table, fin juin, ce qui n'était qu'auparavant qu'une supputation devient une option de crise. Il n'est aujourd'hui tabou. Mais l'agiter comme une menace, la peur, a eu l'effet contraire de l'effet recherché. Chez certains responsables européens, notamment dans plusieurs Etats membres, était bien perceptible la volonté d'humilier la Grèce et les Grecs... Dans une sorte de chantage : c'est çà où le chaos. Si présente chez certains qu'elle ne pouvait que provoquer un vrai malaise chez ceux qui croient vraiment à l'idée européenne. Méconnaître, sous-estimer un adversaire est partir au combat avec un sacré désavantage. L'humilier au surplus, c'est la défaite assurée. « Ne poussez pas à bout un ennemi aux abois. » dit Sun Tzu.

Dans cette campagne, on était très loin des idées européennes à la fois de la solidarité, de l'intégration et de la négociation... en bref de la communauté et de l'union. L'objectif de l'Europe ce n'est en effet pas d'unir ce qui est semblable, c'est d'unir dans une communauté de destins des peuples et des Etats dissemblables, de les solidariser dans une union qui les rapproche et non pas les éloigne. Le raté de cette campagne éclair, c'est cela...

(Nicolas Gros-Verheyde)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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