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Le secret des affaires sert à faire pression sur la presse. Exemple !

Edouard Perrin au prix Louise Weiss - AJE France
Edouard Perrin au prix Louise Weiss - AJE France

(BRUXELLES2) Lors d'une entrevue avec plusieurs journalistes, l'eurodéputée française Constance Le Grip - en charge du rapport sur le secret d'affaires - n'avait pas bien saisi pourquoi les journalistes étaient inquiets de l'actuelle directive sur le secret des affaires. "Je ne comprends pas vraiment comment un journaliste pourrait être poursuivi pour violation du secret des affaires "expliquait-elle bravement. La preuve, la voici, concrète, réelle !

Un des révélateurs du Luxleaks poursuivi pénalement

Elle concerne un des journalistes qui a contribué, avec l’ICIJ (International Consortium of Investigative Journalists), à rendre publiques les pratiques courantes d’évasions fiscales et de rescrits fiscaux - ce qu'on appelle le Luxleaks. L'enquête d'Edouard Perrin — « Paradis fiscaux: les secrets des grandes entreprises » —, a étédiffusée sur France 2 dans l’émission « Cash investigation », et récompensée par le Prix Louise Weiss du journalisme européen décerné par la section française de l’Association des Journalistes européens en 2012 (NB : dont je suis un des vice-présidents).

Le cabinet Price Waterhouse Coopers porte plainte

Depuis, Edouard Perrin a, en effet, été inculpé pour « vol domestique, violation du secret professionnel, violation de secrets d’afaires, blanchiment et accès frauduleux à un système de traitement automatisé de données » suite à une plainte en juin 2012 au Luxembourg du cabinet Price Waterhouse Coopers, cabinet qui est à l’origine de ces montages financiers. Il est condamné pour avoir fait et n'avoir fait que son travail de journaliste.

Une atteinte au droit de l'information

Comme nous l'écrivons à l’AJE – France, cette inculpation n'est pas normale. « Les charges de vol de documents confidentiels, et de violation du secret des affaires retenues contre Edouard Perrin et les ex-employés de PwC sont clairement une tentative de contrôle, voire de censure des journalistes et des lanceurs d’alerte. Combien de scandales seraient passés sous silence sans ce travail indispensable à l’exercice démocratique ?  » Il est « inquiétant de constater qu’au mépris du droit européen et des législations sur le droit à l’information et la liberté d’expression, Edouard Perrin et ses sources soient inculpés ».  d’Edouard Perrin, journaliste à l’agence de presse Premières lignes, par la justice luxembourgeoise, dans le scandale financier dit « LuxLeaks ».

Un cas exemplaire sur la directive en cours de débat

La directive européenne sur le « secret des affaires », actuellement en discussion, devra formellement garantir cette liberté d’informer, et non pas demander aux journalistes de se justifier comme actuellement (lire notre analyse : Secret des affaires … le retour. Attention danger !). Les institutions européennes, garantes de la liberté de la presse, doivent désormais traduire leurs paroles en actes. Elles doivent ainsi oeuvrer pour garantir plus strictement les droits des journalistes dans la directive sur le droit des affaires.

Aux institutions d'agir

Le gouvernement luxembourgeois qui va prendre la présidence le 1er juillet de l'Union européenne devrait faire le nécessaire pour éviter que cette affaire n'entache durant les six mois prochains sa présidence. PwC (*) qui est à l'origine de la plainte devrait être interdite de tout marché public ou contrat passé avec les institutions européennes tant qu'elle maintient son attitude.

(Nicolas Gros-Verheyde)

(*) le cabinet PwC a notamment été chargé récemment par la Commission européenne de réaliser une étude d'impact sur l'obligations pesant sur les banques en vertu de la nouvelle directive dite CRD4. Il avait réalisé pour le compte de l'Olaf - l'office de lutte anti-fraude - une étude sur la corruption dans les marchés publics européens. PwC est un habitué des contrats européens d'étude. Il avait réalisé une étude en 2008 sur les règles de facturation en matière de TVA figurant dans la directive TVA.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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