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La France pas si généreuse que cela dans l’accueil des réfugiés

(B2) La publication par Eurostat des dernières statistiques de demandeurs d’asile enregistrés dans l’Union européenne tord le coup à certaines idées reçues, notamment d’une France réceptacle de toute la misère du monde. C’est le contraire, la « patrie » des droits de l’Homme est un des plus durs envers les demandeurs et un des moins généreux.

En un an, le nombre de demandeurs d’asile enregistrés dans l’Union européenne (UE) a bondi de presque la moitié. Environ 191 000 personnes (+44%) ont fait une demande d’asile dans un des 28 pays de l’Union européenne, soit un nombre record de 626 000 demandeurs en 2014, selon l’office européen des statistiques (Eurostat). La France est un des pays qui a connu une des plus importantes diminutions du nombre de demandeurs d’asile en 2014 par rapport à 2013, avec une diminution de 5%. De quoi tordre le coup à certaines idées.

L’Allemagne et la Suède plus généreuses

En chiffres absolus, c’est l’Allemagne qui reçoit le plus de demandes d’asile. Elle accueille près d’un tiers des demandes d’asile (un peu plus de 200.000 demandes sur un total de 626.000 demandes), suivie de la Suède (81 200), et de l’Italie (64 600). La France est en quatrième position juste derrière l’Italie (avec 62 800 demandeurs, soit 10%) et de la Hongrie (42 800).

En ratio de nombre de demandes par habitant, c’est la… Suède qui est la préférée, recevant le plus de demandes, loin devant tous les autres (8,4 demandeurs d’asile pour mille habitants). Mais en seconde position, la Hongrie (4,3 demandeurs d’asile), l’Autriche (3,3), Malte (3,2). La France est juste au-dessous de la moyenne européenne (1,2 demandeur d’asile par millier d’habitants), avec 1 demandeur d’asile pour 1000 habitants.

Une France très stricte

Si on regarde le nombre de demandes acceptées – avec octroi du statut de demandeur – la situation est légèrement différente. Le nombre total de réfugiés atteint 162.000 dans toute l’Europe. Un chiffre bien inférieur, au nombre des demandes, du fait du tri dans les dossiers et du décalage dans le temps. Il faut étudier chaque dossier un par un et rendre une décision. Mais on retrouve toujours le même trio de tête (Allemagne, Suède, Italie) pour ceux qui acceptent les réfugiés.

Ce qui saute aux yeux est que la France est très stricte, beaucoup plus stricte que la plupart des autres pays de l’Union européenne. Elle n’a octroyé le statut de réfugié ainsi qu’à 15.000 personnes environ. La patrie des droits de l’Homme n’accepte, en fait, qu’un peu plus d’une demande sur cinq, là où les Néerlandais acceptent deux demandes sur trois et les Britanniques deux demandes sur cinq. Il n’y a que deux ou trois pays à être encore plus dur : le Luxembourg qui accepte une demande sur six, la Croatie et la Hongrie qui n’octroient le statut de réfugié que dans un cas sur 10 !

La guerre civile syrienne provoque un afflux.

La majeure partie de l’augmentation des demandes est due au conflit syrien. Le nombre de demandes d’asile de Syriens a plus que doublé, passant de 50 000 demandeurs en 2013 à près de 123 000 en 2014. Naturellement, le nombre de Syriens admis dans l’UE au statut de réfugié ne cesse de croître. En 2014, ainsi l’Allemagne a octroyé le statut de réfugié à presque 25.000 Syriens, la Suède à 16.000 personnes et la Bulgarie et les Pays-Bas, 6.000 environ. La France, là encore est à la traîne de la générosité, n’accueillant que 2000 Syriens. Trois fois moins qu’en Bulgarie et juste deux fois plus que Chypre, un tout petit Etat seulement.

(Nicolas Gros-Verheyde)

Demandeurs d’asile dans les États membres de l’UE

Nombre de demandeurs Part dans le total de l’UE (%) Nombre de demandeurs par millier d’habitants*
2013 2014 Évolution 2014/2013 (en %) 2014 2014
UE 435 190 626 065 44% 100,0% 1,2
Belgique 21 030 22 710 8% 3,6% 2,1
Bulgarie 7 145 11 080 55% 1,8% 1,5
Rép. tchèque 695 1 145 65% 0,2% 0,1
Danemark 7 170 14 680 105% 2,3% 2,6
Allemagne 126 705 202 645 60% 32,4% 2,5
Estonie 95 155 63% 0,0% 0,1
Irlande 945 1 450 53% 0,2% 0,3
Grèce 8 225 9 430 15% 1,5% 0,9
Espagne 4 485 5 615 25% 0,9% 0,1
France 66 265 62 735 -5% 10,0% 1,0
Croatie 1 075 450 -58% 0,1% 0,1
Italie 26 620 64 625 143% 10,3% 1,1
Chypre 1 255 1 745 39% 0,3% 2,0
Lettonie 195 375 92% 0,1% 0,2
Lituanie 400 440 10% 0,1% 0,2
Luxembourg 1 070 1 150 7% 0,2% 2,1
Hongrie 18 895 42 775 126% 6,8% 4,3
Malte 2 245 1 350 -40% 0,2% 3,2
Pays-Bas 17 160 26 210 53% 4,2% 1,6
Autriche 17 500 28 035 60% 4,5% 3,3
Pologne 15 240 8 020 -47% 1,3% 0,2
Portugal 500 440 -12% 0,1% 0,0
Roumanie 1495 1 545 3% 0,2% 0,1
Slovénie 270 385 43% 0,1% 0,2
Slovaquie 440 330 -25% 0,1% 0,1
Finlande 3 210 3 620 13% 0,6% 0,7
Suède 54 270 81 180 50% 13,0% 8,4
Royaume-Uni 30 585 31 745 4% 5,1% 0,5
Islande 125 170 36% - 0,5
Liechtenstein 55 65 18% - 1,8
Norvège 11 930 13 205 11% - 2,6
Suisse 21 305 23 555 11% - 2,9

* Le nombre d’habitants fait référence à la population résidente au 1er janvier 2014. Les chiffres sont arrondis au multiple de 5 le plus proche.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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