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Pierre Vimont, un diplomate en pas de chat

Le bureau de Pierre Vimont au batiment du Service diplomatique européen (© NGV / B2)
Le bureau de Pierre Vimont au batiment du Service diplomatique européen (© NGV / B2)

(BRUXELLES2) B2 a eu le privilège de pouvoir, durant ces dernières années, de s’entretenir à de multiples reprises, avec l'actuel secrétaire général du SEAE (le service européen pour l'action extérieure), de le suivre dans ses pas de chat (comme... dans la BD Quai d'Orsay). Au moment où celui qui a essuyé les plâtres de la mise en place du service diplomatique européen, quitte les lieux, il est temps de lui rendre un (petit) hommage.

La résurgence d'une Russie plus forte, la recherche d'un apaisement avec l'Iran, les soubresauts en Afrique ou au Moyen-Orient, l'avenir de l'Europe, ceux qui la dirigent, la place de la France, lors de nos échanges formels ou informels, nous parcourions en quelques minutes le monde à grandes enjambées. Avec à chaque fois un avantage : chacun sortait de cet échange, plus intelligent qu'il n'y était entré. Pierre Vimont a ainsi un gros avantage : vous faire comprendre, en douceur, le monde tel qu'il le voit, tel qu'il l'observe, qu'il le conçoit, et qui se déroule ainsi devant vos yeux.

Aux questions, parfois impertinentes ou irrévérencieuses, Pierre Vimont se garde bien souvent de démentir frontalement. Au contraire, il parait vous donner raison... avec malice. « Vous avez sans raison, mais je ne partage pas tout à fait votre analyse » ou « C'est une façon de voir. Mais j'ajouterai un ou deux points pour compléter votre point de vue ». Ce qui veut dire, en termes très polis : « vous avez, un peu... tort ». Ses silences ou ses interrogations face à une question sont à soupeser également, ils traduisent parfois autant que les mots, ce qu’il pense. Et il n'hésite pas à contredire l'ambiance générale.

Il se plait ainsi régulièrement à souligner que le Kremlin avait espéré diviser les Européens, notamment sur les sanctions, et qu'il s'était ... cassé les dents. La diplomatie russe, pourtant expérimentée, avait tenté beaucoup de choses. Mais elle n'avait pu remporter la manche. Un succès dont Pierre Vimont n'est pas peu fier, au moment où chacun moque la faiblesse européenne. Cette faiblesse s'est transformée en force ces jours-là. Le haut diplomate souligne aussi les réussites européennes, souvent méconnues, en Somalie, au Mali et avec l'Iran.

L’Europe l’a beaucoup enthousiasmée, mais aussi, souvent, désespérée. Du haut de son bureau, au 6e étage du nouveau bâtiment qui n’a toujours pas de nom, il a dû souvent tempêté en son for intérieur, contre une machine qui marchait à hue et à dia, qui ressemblait tout sauf d'un appareil diplomatique traditionnel. Mais il prenait garde de n'en rien laisser paraître. Même si le travail n'était jamais facile, il a toujours défendu sa patronne, Catherine Ashton, lui trouvant des qualités où tout le monde n'y voyait que défaut. Face à ses interlocuteurs — Américains, Russes, Israéliens, Syriens, … — il n'a eu aussi de cesse de défendre les positions européennes, d’en expliquer les méandres mais aussi les forces. Seul son pays d'origine, la France l'a déçu quelque peu, sans doute par son manque de combativité et sa faible dynamique européenne.

(Nicolas Gros-Verheyde)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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