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Lampedusa. L’Italie en appelle à l’Europe (une nouvelle fois)

© Sara Prestianni / Flickr
© Sara Prestianni / Flickr

(BRUXELLES2) Ce n'est pas la première fois que Rome sonne l'alarme à Bruxelles. L'Italie a cependant décidé de repartir à l'assaut du Parthénon européen. Le ministre italien des Affaires étrangères, Paolo Gentiloni, a ainsi décidé d'adresser une lettre à la Commission européenne pour lui demander un peu plus de solidarité et une action d'urgence face au drame des migrants en Méditerranée. La lettre, adressée à la Haute représentante pour les affaires étrangères, Federica Mogherini, à Frans Timmermans (le vice-président chargé de fait de l'immigration) et six autres commissaires, est envoyée à brûle pourpoint, puisque les 8 commissaires doivent tenir, le 4 mars prochain, une réunion sur l'immigration.

Le nombre d'immigrés augmente

La « consternation et la frustration » sont importantes « dans l'opinion publique comme au Parlement » avec la « récurrence d'un nouvel accident tragique aux proportions énormes au large des côtes de Lampedusa » alerte le ministre Gentiloni. « Depuis le début de l'année, il  y aujourd'hui une hausse de 58,8% (des arrivées) par rapport à 2014 ». NB : contrairement à ce qu'avaient prédit certains experts, la fin de l'opération "Mare Nostrum", menée à titre national par l'Italie, et considérée comme un "aspirateur d'immigrés", n'a pas du tout mis fin au phénomène. Au contraire.

Faire davantage, et en urgence

L'opération" Triton " est « une première étape dans la bonne direction ». Mais ce n'est pas suffisant, juge-t-il. 1 avion et 2 bateaux, c'est, en effet, un peu faible pour l'Europe... « Nous pensons que l'Union européenne devrait faire plus en termes de moyens financiers et en mettant concrètement davantage de moyens aéronavals. » Il est « plus que jamais nécessaire pour l'Union européenne de répondre de façon adéquate, d'augmenter la solidarité et le partage des responsabilités au niveau européen », ajoute-t-il.

Quelques remarques

Des immigrés mais aussi des réfugiés

Cette augmentation des arrivées semble davantage due à la situation de plus en plus critique dans plusieurs pays (Syrie, Libye en particulier mais aussi Mali, Nigeria, Somalie) qui encouragent aux cotés d'une immigration économique classique, une immigration liée à des conflits à quitter leur pays et venir tenter leur chance en Europe. Nombre de ces "immigrés" sont aussi des réfugiés politiques.

Un certain fatalisme

Elle est également la conséquence d'un certain fatalisme, et laxisme également, des différentes autorités européennes face aux trafiquants de tout poils qui affrètent ces bateaux et font payer aux immigrants/réfugiés le prix fort pour le passage. J'ai posé, à plusieurs reprises, la question aux différents responsables européens, la réponse a été : "ce n'est pas possible", "comment-tu veux faire ?", "nous ne pouvons agir hors des eaux territoriales", etc.

Une opération pour traquer les trafiquants serait utile

Il est aujourd'hui assez incompréhensible que l'on ne puisse pas mettre en place une opération — comme dans l'Océan indien pour les pirates —, destinée à repérer, traquer, arrêter les commanditaires et les opérateurs de cette chaîne d'esclavage. Il n'est pas hors de portée à l'Union européenne d'obtenir une résolution du conseil de sécurité des Nations-Unies dans ce sens, de conclure des accords avec certains Etats riverains (comme l'Egypte, le Liban, la Turquie, le Maroc voire Libye *), et de mettre en place quelques moyens, aériens notamment (drones, hélicoptères, avions de patrouille maritime), pour repérer et identifier les quelques bandes de trafiquants qui opèrent. Puis ensuite de les arrêter, éventuellement en Haute mer, ou avec l'assistance des pays riverains. Et, enfin des les traduire en justice, soit dans leur pays d'origine, soit dans le pays du drapeau qui les arrêtés.

L'exemple de EUNavfor Atalanta

L'exemple de la piraterie dans l'Océan indien (EUNAVFOR Atalanta + Ocean Shield **) montre qu'une telle chaîne (repérage, fichage, arrestation, transfert à la justice), peut assez rapidement (2-3 ans) avoir un succès, au moins pour endiguer le phénomène, voire assécher la mécanique. Car aujourd'hui, le trafic d'êtres humains est très rentable avec un très très faible risque d'être arrêté. Si on élève le niveau du risque, on diminue la raison d'être du trafic. Restera ensuite à limiter les sources de conflit dans le voisinage... Cela c'est plus difficile.

(Nicolas Gros-Verheyde)

* Le cas de la Libye (Etat failli) devra être réglé par une résolution internationale, comme l'a été le cas de la Somalie, où les forces internationales étaient autorisées à opérer dans les eaux territoriales.

** Je serai assez réservé pour une opération de l'OTAN dans la région Méditerranée qui rencontrerait les mêmes difficultés que dans l'Océan indien pour établir des accords juridiquement valables avec les Etats riverains et aurait une difficulté supplémentaire (La Russie dira-t-elle oui, aujourd'hui, à une opération "chapitre VII" menée par l'OTAN en Méditerranée...).

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Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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