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Les principaux éléments du nouvel accord de Minsk. Un armistice, pas (encore) la paix (maj)

François Hollande et Angela Merkel à Minsk (crédit : Elysée)
François Hollande et Angela Merkel à Minsk (crédit : Elysée)

(BRUXELLES2) C'est finalement au matin déjà avancé, après 16-17 heures de négociation quasiment non-stop, qu'un accord a été conclu entre les belligérants en Ukraine. Le texte est signé au sein du groupe de contact qui réunit les séparatistes du Donbass (les républiques populaires de Donetsk et de Louhansk DNR et LPR), Russes, Ukrainiens et l'OSCE (représentée par la Serbie). Mais il est garanti par la présence et une déclaration (à télécharger ici) des quatre chefs d'Etat/gouvernement participant à la négociation : P. Porochenko (Ukraine), V. Poutine (Russie), F. Hollande (France) et A. Merkel (Allemagne). Quatre personnalités qui ont, selon le président français, « la tâche - et l'obligation - de vérifier (que) ce processus politique » ira à son terme.

Un accord en 13 points

Cet accord « de cessez-le feu et de règlement politique global de cette crise » selon les mots de François Hollande, « couvre toutes les questions litigieuses, allant de la trêve par le biais du contrôle des frontières, sur les questions de la décentralisation, bien sûr, le retrait des armes lourdes et la reprise des relations économiques ».

La disposition primordiale est un accord de cessez-le-feu qui démarrera dans 48 heures "le 15 février à 0h" (point 1).

Une zone tampon est créée avec interdiction de présence de belligérants et d'armes lourdes. Zone tampon assez large puisqu'elle part de la ligne de contact actuelle pour les troupes ukrainiennes et à partir de la ligne de contact préexistante dans le précédent accord de Minsk (conclu le 19 septembre 2014) pour les milices du Donbass. Le retrait des armes lourdes devra se faire selon des distances variant suivant le type d'armes (+/- lourdes) : 70 et 140 km (point 2).

Le contrôle du cessez-le-feu et du retrait des armes lourdes sera assuré par l'OSCE (point 3)

Il s'accompagne d'une amnistie accordée à tous les participants aux évènements dans le Donbass (point 5), d'un échange de prisonniers, sur le principe de « tous pour tous » (point 6), et du retrait de toutes les forces étrangères d’Ukraine (point 10).

La fourniture de l’aide humanitaire sera garantie, de façon libre et sécurisée, selon les principes du droit international (point 7). Les « connexions » socio-économiques vont être rétablies, y compris les paiements des prestations sociales par l’Ukraine (point 8). NB : Français et Allemands ont promis d'apporter une aide « pour restaurer la partie du système bancaire dans les zones affectées par le conflit, éventuellement à travers la mise en place d'un mécanisme international permettant de faciliter les transferts sociaux ». Ils soutiennent également « les discussions trilatérales entre l'UE, l'Ukraine et la Russie afin de trouver des solutions pratiques aux préoccupations soulevées par la Russie concernant la mise en oeuvre de l'Accord de Libre Echange Complet et Approfondi entre l'Ukraine et l'UE ».

La gestion des frontières (Ukraine/Russie) sera confiée tout d'abord aux observateurs de l'OSCE (NB : ce qui va nécessiter de renforcer sérieusement cette mission) avant d'être confié  à terme « par l’Ukraine ». Il commencera « après la tenue d’élections locales et finira à la fin 2015 » sous réserve de l’application des dispositions constitutionnelles (point 9).

Un dialogue devra être entamé, un jour après le retrait, sur les élections locales (point 4). L’organisation d’élections locales doit être discuté et agréé avec les représentants des régions de Donetsk et Luhansk dans le cadre du groupe de contact (point 12). Le dialogue au sein du groupe de contact va être « intensifié », pour régler toutes les autres questions (point 13)

Un processus politique doit s'engager, avec une réforme constitutionnelle, prévoyant une large « décentralisation » pour les habitants du Donbass et l’adoption d’une « loi permanente sur le statut spécial des régions de Donetsk et Luhansk d’ici la fin de 2015 » (point 11). Pour le président Porochenko, « L'Ukraine reste un état unitaire, il n'est pas question de fédéralisation quoi qu'il en soit ».

Un bon résultat

« Nous avons maintenant une lueur d'espoir, nous avons convenu d'une mise en œuvre complète de Minsk. Mais les mesures concrètes doivent bien entendu être mises en place. Et il y a encore des obstacles majeurs à relever » a indiqué prudemment la chancelière allemande, Angela Merkel lors d'un point de presse commun avec le président français François Hollande tenu à Minsk avant leur départ pour Bruxelles et le Conseil européen. « Mais dans la balance, je peux dire que ce que nous avons atteint est clairement davantage que ce qu'on pouvait espérer, et que si nous n'avions rien obtenu. Par conséquent, on peut dire que cette initiative a été utile. »

Le tandem franco-allemand à la manoeuvre

La chancelière allemande avoue cependant : « Je n'ai aucune illusion. Nous n'avons aucune illusion. Il y a encore beaucoup, beaucoup de travail nécessaire. Mais il y a une chance réelle de changer les choses pour le mieux. (...) L'Allemagne et la France, la France et l'Allemagne ont montré en commun que nous avons apporté une contribution en ligne avec l'Europe » souligne aussi Angela Merkel. Un propos partagé par François Hollande « Nous avons espoir - bien que nous ne avons pas encore réalisé tout - mais nous avons un espoir très sérieux pour l'Ukraine et donc aussi pour l'Europe. Nous avons une fois de plus montré que le tandem franco-allemand est capable de quelque chose pour la paix. »

6 à 8000 militaires ukrainiens encerclés à Debaltseve

CarteUkraineAfp11Février2015Le président russe Poutine a été plus féroce dans ses commentaires après la réunion. S'il a appelé « les deux parties à faire preuve de retenue et à éviter les effusions de sang », il a aussi pointé du doigt sur la situation à Debaltseve (sans nommer cette ville, qui reste la seule "entaille" ukrainienne importante à l'intérieur des zones contrôlées par les séparatistes qui forment un tout homogène dorénavant - voir carte ci-contre). Il y a là « un groupe de 6000 à 8000 militaires » selon les séparatistes de Donetsk et Louhansk a précisé le président russe.

« Ils ont, bien sûr, dans l'idée que ce groupe va déposer les armes et arrêter leur résistance. Les représentants des autorités ukrainiennes estiment que leurs troupes n'ont pas été encerclées et pensent que ce processus se poursuivra suffisamment en douceur. » Poutine a exprimé « quelques doutes » sur l'issue pacifique. « Si les troupes ont réellement été encerclées. Alors, logiquement, elles vont essayer de se libérer, tandis que ceux qui sont à l'extérieur vont essayer de mettre en place un corridor pour leurs militaires piégés. » Russes et Ukrainiens ont de « demander à nos experts d'établir ce qui se passe réellement là-bas » a-t-il conclu...

(Nicolas Gros-Verheyde)

(Maj) 12.2 - 14h, avec réaction du président Poutine et détails sur les différents points de l'accord / 13.2 4h avec le texte intégral de la déclaration (en Fr)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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