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Accords de Minsk : Pourquoi le couple franco-allemand est plus efficace ? Pourquoi pas l’UE ?

le couple franco-allemand à leur arrivée à Minsk
le couple franco-allemand à leur arrivée à Minsk

(BRUXELLES2) L'accord obtenu, à l'arraché, à Minsk il y a quelques jours (12 février) n'est sans doute pas un "bon accord". Et sa durabilité reste fragile quelques jours après. Plusieurs interrogations se sont fait jour face à cette méthode de négociation contestant son caractère européen.

1° Ce sont les Européens (avec les Russes et Ukrainiens) qui ont négocié cet accord. Et c'est assez heureux que ce soient la France et l'Allemagne, le "tandem" franco-allemand, qui aient été à la manoeuvre.

2° Certains regrettent que l'Europe - en tant qu'institution - n'ait pas été mêlée à ce qui est tout d'abord un premier jet de négociation. Ce n'est pas mon sentiment. L'intérêt de l'Europe, ce n'est pas de savoir si c'est Truc ou Machin a négocié l'accord. C'est de présenter le meilleur vecteur à même de négocier et emporter un accord. C'est tout l'intérêt d'ailleurs de l'Union européen que d'avoir une diplomatie à géométrie variable (*). En l'occurrence, il s'agissait d'avoir des interlocuteurs capables de s'imposer dans une discussion à Poutine et Porochenko, les meilleurs négociateurs qu'ils soient.

3° Le meilleur vecteur en l'occurrence est le couple franco-allemand. L'alliage de l'un - puissance militaire et nucléaire, et allié traditionnel de Moscou - et de l'autre - puissance économique et le premier exportateur européen vers la Russie - pèsent davantage que tout alliage. Ils représentent, à eux seuls plus d'un quart de la population européenne et le centre de gravité de la diplomatie et de l'économie européenne. C'était sans doute aussi la meilleure garantie à apporter à l'accord, dans la suite de ce qui avait été commencé en Normandie en juin 2014, comme l'a confirmé le président français, François Hollande : « Que la France et l’Allemagne aient choisi de s’engager avec l’Europe de confirmer cet engagement, d’être vigilant, tout au long de la mise en œuvre de cet accord est une garantie pour les Ukrainiens et une implication encore plus forte pour l’Europe. »

4° L'Europe n'était pas loin en tant que telle. D'une part, institutionnellement elle est partie prenante et actrice d'une autre négociation tout aussi importante, sur les livraisons de gaz russe à l'Ukraine (et indirectement à l'Europe). D'autre part, elle dispose d'une palette d'instruments qui lui permettent d'agir et de faire pression sur les partenaires : soutien financier à l'Ukraine, sanctions contre la Russie... Enfin, elle dispose de personnalités qui peuvent avoir des relations directes ou indirectes avec les dirigeants en cause. La bonne relation et compréhension de Jean-Claude Juncker avec les dirigeants russes est connue. Une relation équivalente est en voie de s'établir entre la Haute représentante de l'UE, Federica Mogherini et son alter-ego russe, Sergueï Lavrov.

Le tandem franco-allemand prend du muscle

Au final, pour le couple franco-allemand c'est aussi une bonne nouvelle. Et ce n'est pas mauvais pour l'Europe. Comme l'a rappelé d'ailleurs François Hollande à l'issue de ce sommet. « L’Europe est forte quand l’Allemagne et la France sont dans une relation robuste, et prennent des initiatives, et quand la France et l’Allemagne se mettent d’accord pour prendre leurs responsabilités que ce soit dans le domaine international ou dans le domaine économique. Cela se voit et cela compte. Avec Me Merkel, nous avons été dans une totale solidarité. Loin d’affaiblir l’unité européenne, nous l’avons renforcé. Et elle s’est manifestée (lors de ce sommet). Toutes les voix qui se sont affirmées ce soir ont salué l’initiative, ont regardé l’accord comme je l’ai décrit, ont souhaité que la chance soit saisie, en étant vigilants et interrogatifs dans les prochains jours. »

Nous avons pu prendre l'initiative

Ce qui est intéressant est la vision du président de la république française sur cet accord. L'opportunité, enfin, pour les Français et Allemands, de retrouver les initiatives communes et non pas seulement des compromis sous la pression des désaccords. « Mes relations (avec Angela Merkel) ont toujours celles conformes à mes convictions, franches, directes, cordiales. On a toujours bien travaillé. On a toujours trouvé des compromis, sur la Grèce, l’Union Bancaire, le mécanisme de stabilité. Là, nous sommes passés à un autre niveau de nos responsabilités, nous avons pu prendre des initiatives ».

Une sympathie naissante ?

Et d'ajouter : « La France et l’Allemagne, ce ne peut pas être simplement l’évocation du passé, le traité de l’Elysée. (...) Au-delà de nos deux personnes, ce sont nos deux pays qui se sont trouvés là. J’ai été sensible à des gestes d’amitié que Me Merkel a pu faire, lorsqu’elle est venue le 11 janvier à Paris. C’est une des premières qui s’est manifestée auprès de moi, pour dire « je serai là, quoi qu’il arrive ». A d’autres occasions, je lui ai dit « la France sera là ». Et là « nous étions ensemble ».

(Nicolas Gros-Verheyde)

Lire aussi :

 

Les principaux éléments du nouvel accord de Minsk. Un armistice, pas (encore) la paix (maj)

    Et sur le Club/Pro) :

Les 3 conditions pour livrer le Mistral (Fr. Hollande). Le coût de la non-livraison

(*) Nb : s'il s'agissait de la Libye ou du Moyen-Orient, un couple italo-britannique pourrait peut-être être plus judicieux et à même de négocier, etc.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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