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Trois questions sous la table de Minsk

Crédit : Russia Today - live
Crédit : Russia Today - live

(BRUXELLES2) La négociation entamée à Minsk entre les dirigeants russe et ukrainien, allemand et français, donne lieu à des questions très concrètes autour de la possible signature d'un cessez-le-feu : où placer la ligne de contact, jusqu'à où retirer les armes lourdes, qui contrôlera à la fois la nouvelle ligne de contact entre les forces loyales à Kiev et les séparatistes, qui contrôlera la frontière (officielle) Ukraine-Russie ? Mais au-delà, il y a des questions beaucoup plus politiques et tout aussi sensibles qui sont en jeu et ne seront sans doute pas automatiquement mises en avant publiquement.

1° L'appartenance de l'Ukraine à l'OTAN

Si François Hollande a posé un veto informel en affirmant publiquement, la semaine dernière, que la France « n'était pas favorable à ce que l'Ukraine intègre l'Alliance atlantique » (lire : La diplomatie « Hollande »), cela reste du domaine oral et cela n'engage que lui. La Russie instruit du précédent de 1989 devrait exiger un peu plus qu'une seule déclaration qui n'engage qu'un responsable politique et non pas un Etat comme l'organisation. On sait ce qu'il est advenu de l'accord oral Gorbatchev - Baker prévoyant l'absence de base permanente de l'OTAN dans les pays où l'armée rouge se retirait. La question est délicate car l'opinion de Paris (ou de Berlin) n'est pas partagée par d'autres pays de l'Alliance. Et on imagine la difficulté d'avoir un engagement écrit sur ce point, autre que très discret ou allusif.

2° L'entrée en vigueur de l'accord d'association

Autre sujet aussi délicat : l'avenir de l'accord d'association signé par l'Union européenne et l'Ukraine. Son entrée en vigueur avait déjà été reportée. On peut imaginer que d'autres reports pourraient être décidés dans l'avenir. D'une certaine façon, c'est assez facile. Et cela peut être très discret. Il suffit que la ratification de cet accord par un ou plusieurs Etats membres soit suffisamment lente et tardive...

3° L'avenir des sanctions

L'avenir des sanctions prononcées par l'Union européenne est aussi une question qui, officiellement, n'est pas sur la table. On imagine mal l'Europe renoncer à ce qui est actuellement son seul moyen de pression réel sur la Russie. Mais on imagine mal aussi Moscou s'engager dans une politique de "désescalade" sans obtenir une concession sur ce plan des Européens. S. Lavrov mentionnait aujourd'hui que les sanctions contre la Russie pèsent sur « la conscience de ceux qui les imposées », selon l'agence Tass qui rapporte l'information. Ces sanctions économiques - prononcées en juillet dernier et renforcées en septembre - ont un impact en effet, malgré tout, sur l'économie russe. Même si elles n'ont pas réussi à influer sur la situation en Ukraine, elles constituent une sorte de "taquet" à une escalade supplémentaire. Si, dans l'esprit de certains Européens (pays baltes, Pologne, Royaume-Uni), les sanctions ne sont pas seulement un instrument visant à obtenir un changement de politique mais aussi à punir la Russie de son action en Crimée comme dans l'Est de l'Ukraine, pour une majorité de pays de l'UE, il est temps d'arrêter l'escalade des sanctions. Le coup d'arrêt donné lors du dernier Conseil des Affaires étrangères (avec le délai repoussé d'une semaine pour quelques sanctions) et l'absence de décision prévue au prochain Conseil européen (sauf retournement de situation) est la preuve de cette politique d'une majorité de pays européens (et pas seulement de la Grèce comme certains commentateurs l'ont mentionné) dans la direction de Moscou.

(Nicolas Gros-Verheyde)

Lire : Entre Européens et Russes, le test de la résistance à la douleur

 

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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