Faire foncer les navires de migrants sur la côte. La nouvelle tactique des migrants (Maj3)
(BRUXELLES2) Les 450 migrants (environ) qui se trouvaient à bord du navire marchand Ezadeen, battant pavillon du Sierra Leone, ont été sauvés. Leur équipage a abandonné le navire, bloquant les commandes et les moteurs mis à plein régime, direction la terre. Le navire avait été localisé à 80 miles de Crotone au sud de l'Italie dans l'après-midi par le centre de coordination des gardes-côtes italiens à Rome.
Intervention du patrouilleur islandais de Frontex et des gardes côtes italiens
Le patrouilleur islandais, Týr (*), qui participe à l'opération européenne Triton, de lutte contre l'immigration clandestine, menée sous la direction l'agence Frontex, a été déclenché et réussi à intercepter le navire lors d'une opération de recherche et secours (SAR). « Les conditions météo étaient très difficiles, avec une mer démontée et un vent à 40 noeuds » ont raconté les gardes-côtes islandais. Quatre hommes du navire islandais ont cependant pu monter à bord du navire marchand « rejoints ensuite par 6 Italiens de la Garde côtière italienne, hélitreuillés sur le navire. L'équipage avait effectivement quitté le navire. De l'eau et des vivres ont été distribués aux passagers et des soins donnés aux blessés ». L'Ezadeen a été pris en remorque (voir photo du haut). Mais, avec le mauvais temps, il a dû être dérouté de Crotone vers le port de Corigliano (Calabres), où ils arriveront vers minuit » ont annoncé les gardes-côtes italiens vendredi (2 janvier) matin. NB : Finalement, ils sont arrivés un peu plus tôt dans la soirée.
Une histoire semblable à celle du Blue Sky M
Ce nouvel incident rappelle en tout point ce qui était advenu au Blue Sky M, un cargo moldave, apparemment de marchandises, transformé en transport de clandestins (syriens et kurdes essentiellement) qui avait quitté sa trajectoire naturelle vers Rijeka, au large de l'Albanie, après que l'équipage ait mis le pilotage automatique en direction de la côte italienne. Le bateau avait bien été inspecté d'abord par les Grecs - au large de Corfou - mais sans découvrir d'anomalies, notamment des clandestins. Il a finalement été pris en charge par la marine italienne et ramené vers le port de Gallipoli. Des gardes-côtes sont montés à bord. La Croix-Rouge locale a pris en charge environ 800 passagers : 796 migrants étaient à bord indiquent le corps italien de gardes-côtes. 4 morts ont été relevés également.
Un changement de tactique ?
Les passeurs de migrants avaient déjà emprunté une tactique aux pirates somaliens, celles des bateaux-mères remorquant des bateaux chargés de migrants, largués ensuite au large des côtes somaliennes et dérivant vers les côtes (lire : La technique somalienne pour les immigrants ?). Ils utilisent désormais une autre tactique plus sophistiquée, empruntée aux bateaux suicides, obligeant les marines des pays proches à intervenir rapidement, pour éviter un naufrage sur les côtes. Dans les deux hypothèses, l'objectif est le même : faire prendre en charge les migrants par les pays européens, en mettant la vie des migrants entre les mains des gardes-côtes des pays concernés, sans prendre de risque personnel pour les passeurs.
L'Europe : les yeux fermés ?
Ces tactiques illustrent une lacune importante du système européen de contrôle des frontières : ne pas prendre au sérieux la recherche des passeurs. Selon les responsables de la Commission européenne, il n'est pas envisagé d'opérations de recherches coordonnées contre les passeurs dans les eaux internationales, comme on l'a fait pour les pirates au large de la Somalie. Même si on peut considérer les passeurs comme des criminels car ils mettent directement en cause la vie de nombreuses personnes, les conditions ne « peuvent pas être comparées » estime la Commission européenne. Cette vision, assez passive, encourage de fait les passeurs à utiliser les différentes tactiques possibles, y compris les plus cyniques, leur permettant de continuer leur trafic d'êtres humains... Elle manque d'une singulière audace à la fois pour protéger les côtes européennes et sauver les migrants. Elle est aussi à rebours de toutes les résolutions prises pour mieux relier les actions de sécurité intérieure et sécurité externe.
(Nicolas Gros-Verheyde)
(MAJ) 2 janvier, avec le nom du navire + détails de la prise en main du navire par les gardes-côtes islandais et italiens + nouvelle photo et réaction commissaire Avramopoulos
(*) Bien que non membre de l'Union européenne, l'Islande participe aux opérations de l'agence européenne de contrôle aux frontière Frontex, pour la sixième année consécutive. Le Tyr est ainsi sur zone « depuis le 1er décembre et a participé à 4 opérations de sauvetage, avec près de 2000 personnes secourues », annonce le QG des gardes-côtes islandais.