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Avramopoulos et Jourova : le maillon faible de la Commission Juncker ?

Avramopoulos Wiki(BRUXELLES2) La Commission européenne a normalement deux hauts responsables qui sont en première ligne dans la lutte anti-terroriste : le Grec Dimitris Avramopoulos, commissaire chargé de la Migration et des Affaires intérieures, et la Tchèque Vera Jourova, son alter-ego chargée de la Justice et des droits des Consommateurs. Deux personnes qui semblent aujourd'hui totalement absentes du débat politique européen aujourd'hui. Au point que c'est le vice-président de la Commission, Frans Timmermans, qui a été envoyé au charbon devant la presse, mercredi. Avec un résultat pas très bon, il faut le reconnaître, et des réponses peu à la hauteur de la gravité du sujet (Lire : Face au terrorisme, Frans Timmermans temporise. On en reparle en mai !). L'exécutif européen semble vouloir jouer profil bas sur la question de la lutte anti-terroriste. Est-ce dû à ses responsables ?

Avramopoulos plus préoccupé par la politique grecque

Le Grec Dimitris Avramopoulos est très politique. Il parle beaucoup, en général bien. Et son discours est convainquant. Mais il n'a jamais été un « bourreau de travail » et répugne à se plonger dans les dossiers. En Grèce, d'après mes informations, il a réussi à entretenir avec la plupart des partis de bonnes relations, au point que le parti de gauche Syriza pouvait penser à lui pour le poste de président de la République. Un poste qui lui irait comme un gant, un poste honorifique, consensuel, et sans difficulté technique. Ce projet, évoqué un moment, semble avoir fait long feu (pour le moment). Le parti "Nouvelle démocratie" de Antónis Samarás veut éviter tout ce qui apparaitrait comme une position de compromis en donnant à Syriza un label de gouvernabilité. Mais, malgré ses démentis, faibles, Avramopoulos ne semble pas avoir renoncé à jouer un rôle à Athènes. En début de semaine, invité au débat des ministres des Affaires étrangères, lundi, sur la lutte anti-terroriste, il a filé au plus vite. L'ordre du jour a été bousculé pour lui permettre d'intervenir devant les Ministres et de partir ensuite. Mais il n'a pas assisté ensuite au débat des ministres qui était pourtant consacré à son dossier...

Jourová : une absence justifiée

La Tchèque Vera Jourová est arrivée à la Justice par défaut. C'est une réalité. Ce n'est pas le dossier qu'elle ambitionnait ni celui que la République tchèque ambitionnait. A Prague, le dossier "justice" a d'ailleurs été largement perçu comme un sujet mineur par rapport à celui de la "Politique régionale" ou des "Transports". A tort, sans doute, comme je l'avais expliqué sur la télévision tchèque, au moment de sa nomination. Son audition avait été assez laborieuse (lire :  Cinq commissaires en balance). Et, depuis sa nomination, Jourová, n'a pas vraiment été très active ni indiqué qu'elle avait pris, à bras le corps, les dossiers, mis à part celui des Roms. A sa décharge, il faut mentionner un problème personnel, une maladie (hépatite) qui l'a immobilisée de nombreuses semaines, après sa nomination. Elle n'est revenue à ses fonctions que récemment. Il serait donc plutôt inconséquent de tirer des conclusions hâtives, d'autant que son audition au Parlement européen.

Une rupture négative ?

Quel qu'en soit la cause, la Commission semble souffrir d'une atonie politique. Ce qui tranche singulièrement avec le passé. Le ou les postes de commissaire(s) ont souvent été occupés par des personnalités qui ont réussi à tracer leur sillon sur ce sujet, soit en s'imposant dans le jeu médiatique, soit en ayant acquis une certaine technicité sur des sujets, parfois les deux. Dans la Commission précédente, le duo Cecilia Malmström - Viviane Reding a sans doute une des (rares) réussites de cette Commission Barroso. Et, auparavant, l'Italien Franco Frattini comme le Français Jacques Barrot ou le Portugais Antonio Vitorino (en poste en 2001) avaient illustré sur le sujet, chacun à leur manière, une compétence ou une prestance que n'a pas (encore) réussi à acquérir la Commission Juncker. Aujourd'hui, cela ne semble pas être le cas. Du coup, on entend beaucoup plus Gilles de Kerchove, le coordinateur anti-terroriste. « Un peu trop » semble-t-il au gré de certains responsables de la Commission européenne même si ceux-ci ne l'avoueront jamais officiellement.

Commentaire : La faute n'en incombe pas à l'intéressé... Elle est plutôt à rechercher dans l'organisation de la Commission. Certes la "lutte contre le terrorisme" n'est pas dans l'ADN de l'exécutif européen. Mais alors que les sujets évoqués sont importants et graves, touchent à toutes les politiques européennes, le sujet semble délaissé. Incompréhensible. Est-ce Avramopoulos et Jourova, Timmermans ou Jean-Claude Juncker lui-même, voire Federica Mogherini ? Contrairement aux autres responsables, la Haute représentante de l'UE, a très vite pris la mesure du sujet, même si elle était absente lors du premier échange de vues "terrorisme" de la Commission européenne (en déplacement à Washington). Il serait peut-être temps que l'exécutif européen désigne très clairement, en son sein, un pilote politique, un coordinateur de son action qui semble aujourd'hui dispersée et hésitante.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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