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Ce qu’il faut retenir du Sommet européen ?

(crédit : Conseil de l'UE)
(crédit : Conseil de l'UE)

(B2) De façon peu ordinaire, le Sommet prévu pour 2 jours s’est terminé, plus tôt que prévu, jeudi soir, un peu avant minuit, bien desservi par une forte pression agricole. Deux sujets principaux étaient à l’ordre du jour : la mise en place du Fonds d’investissement stratégique, destiné à relancer l’économie européenne. Et la situation en Ukraine et en Russie.

  1. Le premier sommet des p’tits nouveaux

Ce sommet était le premier pour le nouvel aéropage européen : le président du Conseil, le Polonais Donald Tusk, le président de la Commission, le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker, et la Haute représentante de l'UE pour les Affaires étrangères, l’Italienne Federica Mogherini. Pour Donald Tusk, il s’agissait d’expérimenter ce qu’il appelle une « nouvelle méthode de travail ». C’est-à-dire comme l’a expliqué un diplomate européen. « Moins de sujets à l’ordre du jour. Des conclusions resserrées — 4 pages seulement au lieu des 15-20 pages habituels —. Et un débat « stratégique » autour du dîner, sans conseillers autour d’eux, ni de compte-rendu à rédiger. Le tout fini avant minuit. » L’ancien Premier ministre a réussi son pari, aidé par un agenda assez faible et une très forte incitation... Les agricultures belges avaient promis de bloquer le quartier européen, vendredi. Parole tenue. Le quartier européen était, ce vendredi, totalement bloqué jusqu’aux premières heures de l’après-midi. Il aurait été de toute façon impossible aux chefs d’Etat et de gouvernement de poursuivre leur réunion aujourd’hui.

  1. Investir pour l’économie européenne

Les « 28 » ont donné leur bénédiction au Fonds d’investissement stratégique lancée la Commission européenne, avec pour ambition de mobiliser 315 milliards d’euros. Reste désormais à l’exécutif européen de présenter une proposition législative. Ce qui devrait être fait dès janvier. Avec l’objectif de tout boucler d'ici le mois de juin (ce qui est assez rapide), « afin que les nouveaux investissements puissent être activés dès la mi-2015 ». Ce qui répond à une demande de plusieurs Etats membres, notamment du président français, François Hollande qui voulait « aller vite ». Au-delà de la technique, ce Fonds marque une nette inflexion. C’est la première fois que l’on parle plus croissance et investissements que respect du Pacte de stabilité. « C’est important qu’on consacre du temps à la croissance » a rappelé le Premier ministre italien, Matteo Renzi. Rappelant que le pacte est « de stabilité mais aussi de croissance ». Les « 28 » ont d’ailleurs demandé un rapport au groupe des 4 présidents (Commission européenne, Conseil européen, Eurogroupe et Banque centrale européenne) de présenter des idées pour renforcer l’Union économique et monétaire. Au passage, ils ont convenu de rediscuter « taxrulings » et évasion fiscale en juin prochain.

  • Sauver l’Ukraine et… la Russie ?

C’était le sujet du dîner. Les Chefs d’Etat et de gouvernement semblent conscients que les sanctions contre la Russie sont aujourd’hui suffisantes. Personne n’a voulu vraiment en rajouter une louche, surtout au moment où le rouble subit une véritable déroute. « Cela montre que les sanctions fonctionnent », précise un expert du dossier « sanctions ». « Le fait que la Russie est dans une situation difficile d'un point de vue financier, n’est pas une bonne nouvelle en soi » a souligné la diplomate en chef de l’Union européenne, Federica Mogherini. « Mais le président Poutine et les dirigeants russes devraient réfléchir sérieusement à introduire un changement radical dans leur attitude à l’égard du reste du monde et d’être plus coopératif » a-t-elle lâché publiquement. Ce que les Européens demandent maintenant à Moscou, ce sont des actes précis, en particulier « l’application du protocole de Minsk, avec la mise en place d’un cessez-le-feu, le retrait des armes lourdes et l’arrêt des fournitures et livraisons d’armes » a expliqué à Ouest-France un proche de Mogherini. Les Européens sont aussi inquiets par la situation économique en Ukraine. « Vite des réformes ! » ont dit en substance les « 28 » au nouveau gouvernement ukrainien. Les besoins sont énormes. Il faudra mobiliser au minimum 2 milliards d’euros au niveau de l’Union européenne pour aider Kiev. C’est Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne, qui a été chargé de passer la sébile dans les Etats membres. Mais personne ne veut vraiment mettre au pot. « C’est au budget européen de payer », grogne un diplomate français, qui résume un sentiment général. « Les Etats membres doivent aussi contribuer » lâche le porte-parole de la Commission. « Les conclusions mentionnent bien l'Union européenne et ses Etats membres. Et nous avons rajouté "et d'autres donateurs" » La réalité est que personne n’a vraiment quelques milliards à investir dans le gouffre, qui semble sans fond, de Kiev. L’Ukraine passera-t-elle l’hiver ? « Il n’y a pas de doute que cet hiver sera le plus gros défi pour Ukraine » souligne Donald Tusk. « Mais c’est aussi un défi pour nous ». Et cela risque de durer. Entre la Russie et l’Ukraine « Ce n’est pas seulement une affaire de quelques mois. C’est une crise à laquelle nous aurons à gérer durant des années. » …

Nicolas Gros-Verheyde (à Bruxelles)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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