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Une ingratitude signée Cameron

    « These Czechs "worked" in the UK for less than four years. No benefits for them? » T. Prouza (crédit : T. Prouza / CS)
« These Czechs "worked" in the UK for less than four years. No benefits for them ? » T. Prouza (crédit : T. Prouza / CS)

(BRUXELLES2) La dernière proposition du Premier ministre britannique, David Cameron, de limiter les droits des migrants européens a commencé à susciter quelques répliques cinglantes de la part de gouvernements d'Europe de l'Est, dont les ressortissants sont particulièrement concernés, et visés, par ces mesures.

Londres provoque l'amertume en Europe de l'Est

La plus cinglante, est venue du secrétaire d'Etat tchèque aux Affaires européennes.  Tomáš Prouza s'interroge, photo à l'appui, sur le sort des pilotes tchèques engagés dans la bataille d'Angleterre, lors de la Seconde guerre mondiale : "These Czechs "worked" in the UK for less than four years. No benefits for them?» ! Question très ironique qui montre à quel point David Cameron et la Grande-Bretagne se trompent de voix dans leur combat pour changer certaines règles européennes.

Limiter les droits avant 4 ans de présence

Le ton employé — "soit vous acceptez ma proposition, soit je me casse" (*) — est avant tout destiné à la scène interne. Comme les propositions : limitation des prestations sociales avant une durée de 4 ans, mise en place de quotas, expulsion des chômeurs au bout de 6 mois sans travail... Celles-ci ne sont pas si révolutionnaires que cela. Les dispositions internes à l'Union européenne permettent déjà de limiter certains droits à la libre circulation et à l'aide sociale, comme d'expulser des personnes sans ressources, avant 5 ans de résidence.

Casser une dynamique européenne

Mais ce discours heurte frontalement certains principes européens — la libre circulation des travailleurs et des personnes. Et, une dynamique. L'objectif européen est justement de supprimer les frontières, d'enlever petit à petit tous les obstacles qui peuvent exister, pour créer un vaste espace commun, un "marché commun". Des principes auxquels les pays venant du communisme sont attachés, certes au niveau économique mais encore plus au niveau politique et symbolique. L'Union européenne dans sa conception est un espace de "liberté". Le réduire et limiter à un espace de non-liberté est contraire avec son histoire.

Une position à rebours de l'âme britannique

Ces propositions sont également à rebours de toute la position britannique en Europe qui a toujours prôné une libre ouverture des marchés, et au-delà a toujours été une référence en matière de libertés. On se rappelle tous de l'ironie avec laquelle Tony Blair, à l'époque, avait accueilli les limites, temporaires, mises en place par quasiment tous les autres pays (France, Belgique, Allemagne...) pour ne pas accueillir les "nouveaux" arrivants. Dix ans après, Londres non seulement veut détricoter certains principes européens mais fait marche arrière et renie sa propre politique, sa raison d'être... Cela ne va certainement pas faciliter la tâche des diplomates britanniques pour trouver des alliés quand il faudra batailler sur ce terrain, sur ce sujet ... ou d'autres.

(NGV)

(*) « Si j'y parviens, je ferai campagne pour maintenir ce pays au sein d'une UE réformée. Si nos inquiétudes  ne trouvent aucun écho et que nous ne parvenons pas à modifier  de manière plus avantageuse les termes de notre relation avec l'UE, alors bien sûr je n'exclurai rien ».

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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