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Un Polonais roué aux commandes

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Donald Tusk, heureux, face à la presse (Crédit : CUE)

(BRUXELLES2) L’Europe change de président aujourd’hui. Le Polonais Donald Tusk remplace le Belge Van Rompuy à la tête du Conseil européen. Un changement de nationalité mais aussi de style. Autant Van Rompuy se plaisait dans la discrétion, préférant un rôle d’artisan en coulisses entre les Chefs d’Etat et de gouvernement des « 28 » à celui de « Président de l’Europe ». Sa capacité à pouvoir imposer un « compromis » n’avait d’égal que son talent à s’effacer le moment venu pour laisser d’autres revendiquer un « succès ». Autant l’ancien Premier ministre Tusk est un virtuose de la communication. Et il lui sera difficile de rester trop discret. Il a pour lui une certaine expérience. Avec l’Allemande Angela Merkel, c’est même un des vétérans des Sommets européens.

Libéral

Originaire de Gdansk, le berceau de Solidarnoc, après des études d’histoire et un activisme dans la mouvance du syndicat, Donald Tusk cofonde le Congrès libéral démocrate. Déjà... le mot "libéral". Il heurtera ensuite à Bronislaw Geremek au sein de UW - l'union pour la liberté - et part fonder la Plate-forme civique. Durant ses 7 années de gouvernement, il impulse une ligne plus libérale et plus européenne que les frères Kaczyński au pouvoir.

Européen

Il réussit à replacer Varsovie au cœur de la construction européenne, lui redonnant toute sa place. Il apaise les tensions avec Berlin, inutilement agitées par son prédécesseur et commence, même, durant ce temps à renouer avec Moscou. Cette nomination « est implicitement un soutien à la Pologne. Elle ratifie les changements de l’Europe » reconnait un diplomate émérite à Bruxelles. Ce sera « à lui d’imposer son style. La fonction est neuve, il n’y a eu qu’un seul titulaire, cela ne signifie pas qu’il y a un modèle ».

Et atlantiste

L'ancien Premier ministre polonais est un activiste aussi convaincu du rapprochement avec les Etats-Unis. En 2011, lors de la présidence polonaise de l'Union, il le disait déjà. « Nous ferons tout pour avoir une bonne relation transatlantique dans la relation mondiale. (C'est nécessaire) quand on regarde objectivement la répartition des pouvoirs dans le monde ». Il défendait également le rôle de l'OTAN et la présence US en Europe, garante de sa sécurité, disait-il. (Lire : « La présence américaine en Europe garantit notre sécurité » D. Tusk).

Pressé d’agir

Tusk n’a pas attendu d’être en place, pour lâcher son premier message par twitter reprenant la formule de Jules César. « Veni, vidi... and we'll see, what happens. Brussels, here I come ! » Autrement dit « Je suis venu, j’ai vu et nous verrons ce qui va se passer. Bruxelles, j’arrive ! » Une auto-ironie qu’il aime à pratiquer. Lors de sa désignation fin août, il avait promis de « polish my English », un jeu de mot avec le terme « polonais » en anglais. Promesse tenue. Il pratique désormais l’anglais, jurent ses proches. Et il apprend… le français.

Fin manoeuvrier

L'homme est habile et déterminé. Donald Tusk a réussi à avoir ce qu'il voulait, un poste haut placé, dans le trio de tête, pour la Pologne (lui-même), ainsi qu'un portefeuille conséquent à la Commission européenne : Marché intérieur, Entreprises et Espace confiée à l'ancienne présidente de la Diète Bienkowska. De fait, si sa nomination a pu causer chez certains, une petite surprise, Tusk avait à quelques confrères avoir déjà pensé à ce poste depuis ... 2 ans déjà. L'offensive, venue notamment de Pologne et des Pays baltes, contre la russophilie de l'Italie et de sa candidate au poste de Haut représentant, ne tient pas au hasard...

Adepte de la scène internationale

En tant que président du Conseil européen, le Polonais devrait occuper tout le terrain, et pas se cantonner uniquement à l'économique ou la gestion des "28". Là aussi, il devrait y avoir une rupture avec l'époque "Van Rompuy". Le Belge, entretenait des relations avec les Chefs d'Etat ou de gouvernement étranger. Mais à sa manière, assez discrètement, laissant tout le champ libre à la Commission européenne comme à la Haute représentante. Les divergences restaient on ne peut plus discrètes. Aujourd'hui le couple Tusk-Mogherini, pourrait connaitre quelques "mises en accord" plus bruyantes. D'ailleurs, le nouveau président du Conseil européen n'a pas attendu pour se positionner sur ce terrain.

L'ennemi est désigné...

Dès la passation de pouvoirs avec Van Rompuy ce lundi, et la remise de la sacro-sainte clochette du Conseil, servant à battre le rappel de l'heure, il a attaqué bille en tête. « Nous avons aussi affaire à des ennemis, pas seulement à des  sceptiques. La politique est de retour en Europe. L'Histoire  aussi. » Et d'ajouter : « L'Europe doit assurer la sécurité de ses frontières et soutenir ceux, qui aux alentours, partagent nos valeurs ». Et sa première communication publique a été de rendre compte - par communiqué - d'une conversation tenue avec le président américain Barack Obama : « Il est important que la Russie retire ses troupes de l'est de l'Ukraine ».

(Nicolas Gros-Verheyde) version longue d'un article paru dans Ouest-France ce matin

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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