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L’exonération fiscale dont bénéficie l’UEFA est-elle licite ? (maj)

La commissaire à la concurrence, M. Vestager face à la presse ce 20 novembre (crédit : EBS)
La commissaire à la concurrence, M. Vestager face à la presse ce 20 novembre (crédit : EBS)

(BRUXELLES2) La Commission européenne n'a pas voulu « commenter », pour l'instant, le projet français de loi de finances permettant une exonération fiscale pour les manifestations sportives internationales. Principe qui permettrait notamment à l'UEFA de bénéficier d'une franchise de droits fiscaux (hors TVA) pour organiser l'Euro 2016 de football (10 juin au 10 juillet 2016). Et la commissaire européenne à la Concurrence, Margrethe Vestager, que j'ai interrogée aujourd'hui avoue « ne pas savoir »... Effectivement, hors des caméras, un expert de l'exécutif européen avoue n'avoir reçu « aucune notification » de la France pour ce dispositif. Ce qui parait étonnant...

Une exonération fiscale est une aide d'Etat

Nous sommes concrètement dans un cas d'aide d'Etat déguisée, voire de "distorsion fiscale" entre Etats membres. Si l'Euro 2016 bénéficie d'une exonération fiscale, il bénéficie de fait d'une aide (sous forme de baisse des dépenses). Depuis longtemps, la Commission et la justice européenne ont reconnu qu'une exonération fiscale, pouvait être constitutive d'une aide d'Etat. Et la France aurait dû notifié à la Commission européenne cette mesure pour obtenir un feu vert (il existe de nombreuses exceptions permettant de légimiter une aide d'Etat). Celle-ci n'est pas générale, mais spécifique, et dirigée vers une personne ou plusieurs personnes n'obéissant pas à des critères objectifs (*).

L'UEFA soumis au champ de la concurrence

On ne peut nier également que l'organisation de compétition de football n'est pas tout à fait d'ordre humanitaire ou non lucratif. Là encore, la position européenne est assez claire. La Commission européenne, et la Cour de justice, ont déjà reconnu que l'UEFA était une organisation qui relevait du champ du contrôle de la concurrence (cf. l'enquête clôturée en 2002 sur les règles imposées aux clubs). Les règles qu'elle édicte sont considérées comme des règles d'une association d'entreprises reconnue comme une entente. Et cette manifestation génère des retombées économiques importantes.

Une distorsion de concurrence qui aboutit à une règle générale

Enfin, il y a manifestement une distorsion de concurrence, sur un marché européen de compétitions sportives. Les arguments habituels, qui soulignent la nécessité de faire face à la concurrence internationale, ne peuvent jouer ici puisqu'il s'agit d'attirer cette manifestation... européenne. Si cette manifestation va en France, elle n'ira pas dans un autre pays d'Europe. Et vice-versa. L'UEFA aura beau jeu de négocier dans les autres pays européens le même dispositif. Ce qui reviendra, de fait, à établir une règle générale d'exemption fiscale pour certaines manifestations lucratives et pas d'autres.

(NGV)

(*) On peut lire sur ce point l'article plutôt fouillé d'Oskar van Maren, paru sur le blog spécialisé sur le droit du sport, qui analyse en détail les conditions, ou non, d'une aide d'Etat, appliquées au cas de l'UEFA

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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