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Opération pacification au Parlement européen. Une victime collatérale

(B2) C'est un peu une opération de désarmement, démobilisation, réintégration (DDR pour les intimes des opérations de maintien de la paix) qui vient de se dérouler au Parlement européen.

Alenka Bratusek en victime expiatoire des joutes parlementaires (crédit : EBS / B2)
Alenka Bratusek en victime expiatoire des joutes parlementaires (crédit : EBS / B2)

Les unités de maintien de l'ordre n'ont donc pas eu besoin d'intervenir. Et chacun est rentré dans son camp, la rage en dedans, mais avec le sentiment du devoir patriotique accompli. Les derniers votes intervenus dans les commissions parlementaires, mercredi, après les dernières auditions, le prouvent, l'armistice est signé. Les bâtons cloutés et les sagaies, aiguisées toute la semaine dernière, ont fini dans un grand feu de réconciliation. Les mortiers et autres AK47 ont, eux, été soigneusement rangés dans les tiroirs (on ne sait jamais, cela peut servir :-).

Une unité, discrète, d'interposition et de pacification, a été déployée, avec des émissaires dans chaque camp. Les otages ont été libérés, tous en bonne santé, et une victime expiatoire a été trouvée, permettant aussi au Parlement européen de prouver que cet exercice n'a pas été vain...

Une vraie bataille rangée

Dans la bataille entamée toute la semaine dernière, chaque camp avait utilisé de stratagèmes différents. La gauche utilisant sa tactique favorite, la guérilla. Prenant appui sur les faiblesses de l'adversaire, sortant du bois quand il le fallait, elle revenait chaque soir dans son campement avec la prise du jour. Au final, quatre otages dans sa besace : le Hongrois Tibor Navracsics (PPE), L'Espagnol Miguel Arias Cañete (PPE), la Tchèque Vera Jourova (Lib) et le Britannique Jonathan Hill (ECR). La droite a utilisé une autre stratégie, plus ciblée : la concentration des moyens, avec bombardement intensif, cadré et programmé sur une seule cible stratégique : le Français Pierre Moscovici, une pièce maitresse du dispositif Juncker, discutée et disputée, car chargé du portefeuille de l'Ecofin. « C’est la seule carte qui ne peut pas sortir du jeu » nous expliquait un fin connaisseur des joutes européennes. « Il est attaquable mais pas coulable ». Car « les socialistes avaient promis de répliquer : s’il y a un vote contre Moscovici, il n’y aura pas de soutien à la Commission Juncker ».

Tous les otages libérés

La course poursuite entre la gauche et la droite pour attraper des "otages" s'est finalement terminée sans trop de dégâts. Tous les otages ont été relâchés, en bonne santé. Seul dégât, un doigt cassé pour le Hongrois Navracsics, admis au saint des saints de la Commission, mais qui devrait perdre juste au passage la citoyenneté. L'Espagnol Arias Cañete est reçu avec les honneurs pour la charge de l'Énergie par 77 voix contre 48 (malgré une déclaration d'intérêts un peu cafouilleuse). Et le Français Pierre Moscovici a finalement été avalisé sans coup férir (sans vote) de même que Jonathan Hill. Tous les otages sont donc relâchés. Tous ... sauf un.

Être seul : un gros défaut

Au final, on ne relève qu'une victime, en quelque sorte, par tir collatéral : la Slovène Alenka Bratusek, qui n'a pas réussi à passer au travers du tir de barrage. Par 112 voix contre 13, des eurodéputés des commissions Industrie-Energie et Environnement, il n'y a pas l'ombre d'un doute. C'est une quasi-unanimité.

On lui reproche un manque patent connaissance des sujets, son audition l'a prouvée. Mais on ne lui a pas vraiment le choix d'une seconde audition comme pour Jonathan Hill. Autre reproche : s'être auto-propulsée commissaire quand elle était Première ministre. Sur le fond, il faut aussi bien considérer que sa fonction (vice présidente en charge du Climat et de l'Energie) fait un peu double emploi avec celle du commissaire à l'Énergie. Mais surtout, elle n'était soutenue par aucune tribu, aucune faction, au Parlement européen. Elle était seule...

Personne n'a payé la rançon. 🙂 Et, cela, au Parlement européen, comme dans un désert libyen, un oasis somalien ou une forêt congolaise, c'est mortel.

(Nicolas Gros-Verheyde)

Mis à jour : photo d'article modifié (la première photo montrant des policiers pouvait prêter à confusion) - Notre commentaire final "Revoir la procédure de nomination" a été séparé de l'article originel et fera l'objet d'un article spécifique plus développé à paraitre prochainement

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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