B2 Le Quotidien de l'Europe géopolitique. Actualité. Dossiers. Réflexions. Reportages

Russie Caucase Ukraine

Les observateurs de l’OSCE en otage. Choquant ! Un tournant dans le conflit. Sans doute

(BRUXELLES2) L'arrestation, la séquestration et plus encore exhibition des observateurs de l'OSCE, faits prisonniers par les forces pro-russes à Slaviansk, est choquante à plus d'un titre. Elle est aussi révélatrice non seulement d'une crispation du conflit ukrainien. Mais d'un tournant certain...

Interpellation...

Interpeller des observateurs pour leur demander de vérifier les papiers d'identité est une chose, les garder quelques heures le temps d'être sûr de leur qualité éventuellement ; les retenir - contre leur gré - en est une autre. C'est une violation des règles internationales très claire. On ne peut pas prétendre que ces hommes sont des espions. Ils sont envoyés, assermentés par une organisation internationale, l'OSCE, dont la Russie comme l'Ukraine sont membres, et qui ont tous les deux donné leur aval et leur quitus à cette mission.

... et humiliation

Elle s'accompagne d'une humiliation contraire au droit international humanitaire. S'il s'agit (réellement) de prisonniers de guerre ainsi que le prétendent les ravisseurs, ils devraient respecter les règles minimales prévues le droit international. Exhiber devant la télévision des "otages", montrer les agents de sécurité ukrainiens, yeux bandés, à moitié dénudés - comme on a pu le voir sur des photos - diffusées notamment par la BBC - relève d'une position, plus que dégradante, qui semble contraire aux conventions de Genève. Ceux qui ont enlevé les "observateurs" emploient, là, les moyens identiques à ceux utilisés par les ravisseurs d'otages de bas étage, à des fins lucratives (les pirates par exemple) ou à des fins terroristes (Al Qaida).

Une interpellation qui vient du haut

Arguer que ce sont des rebelles autonomes, locaux est une vue de l'esprit. On ne peut pas douter plus de 3 secondes que cette interpellation - ou au moins leur "garde à vue" durant de longues heures - ait eu lieu sans un quelconque accord des services russes. Comme dans les années 1990, les autonomistes serbes de Bosnie étaient inféodés à Belgrade, au moins dans la ligne stratégique (gardant une certaine liberté tactique), ceux de l'Est de l'Ukraine n'obéissent sans doute pas au doigt et à l'oeil de Moscou. Mais si le Kremlin le décide, ils seront libérés dans la minute.

Des forces bien identifiables : un drôle de ruban orange

Le "leurre" du "non uniforme ne tient que quelques secondes. Pour ceux qui observent certaines images de Slaviansk, comme de Donesk ou d'autres points de l'est de l'Ukraine, ils auront certainement remarqué le ruban ou brassard orange et noir porté par certains miliciens - ceux que j'appellerai des "territoriaux" - qui se prêtent volontiers aux photos. Les "bonshommes verts", hommes plus aguerris, plus entraînés, sont eux sans signes distinctifs, généralement. Ce ruban - orange et noir - n'est pas anodin. Il représente l'ordre de St Georges, une des plus importantes et renommées distinctions russes. L'équivalent de (notre) légion d'honneur française. On ne peut donc dire que ces miliciens sont non identifiés. Ils s'identifient et se reconnaissent dans une nation et un drapeau : celui de la Russie.

Un tournant dans le conflit

Cette arrestation des observateurs de l'OSCE semble une évolution nette du conflit en Ukraine. Il y a un point imperceptible qu'ont franchi les Pro-Russes de l'Est de l'Ukraine et la Russie. Revendiquer l'autonomie d'une terre ou feindre d'être l'ardent défenseur d'une population qui y habite est un acte politique. Violer au passage certains traités internationaux - comme le mémorandum de Budapest - pourrait être considéré comme inhérent à un combat post-colonial. Ne pas respecter les règles fondamentales du droit international humanitaire, ou de la liberté de la presse est une autre. Cette prise d'otages est une "escalade" très claire. Les "insurgés" de l'Est et leur soutien officiel - la Russie - semble vouloir "internationaliser" le conflit ukrainien qui est resté aujourd'hui - somme toute - sous un certain contrôle.

(Nicolas Gros-Verheyde)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

s2Member®