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La Russie ne se laissera pas faire. L’Ukraine peut dire adieu à la Crimée

(crédit : ministère russe de la Défense)
(crédit : ministère russe de la Défense)

(BRUXELLES2) Si la plupart des Européens observent avec circonspection les réactions russes envers l'Ukraine, ils ont raison. Certains, cependant, se rassurent en se disant que les Russes n'ont pas intérêt à se froisser avec leurs voisins occidentaux, que la situation économique de la Russie est fragile peut difficile et l'ère des interventions militaires est passée.

J'aimerai y croire si je vivais dans une cité féérique, avec des petits legos pour construire les maisons, les routes, où tout est pensé, logiquement, où on peut défaire et refaire. Mais ce serait oublier un ou deux précédents récents, comme l'intervention en Géorgie en 2008, à la veille des Jeux olympiques de Pékin, ou le blocage complet de Moscou sur la Syrie ! Jouer l'autruche ne servira à rien. La Russie ne pourra pas accepter que l'Ukraine bascule dans le camp occidental, et passe à l'OTAN et à l'UE avec armes et bagages.

Une gifle à Moscou

Car la révolution ukrainienne de février, le "coup d'état démocratique" est une véritable gifle pour le Kremlin. L'Ukraine cherche à asseoir un peu plus son indépendance, elle le fait avec l'Union européenne, et dans un esprit démocratique, multipartisan plus fort que peut l'être le centralisme russe. Le Kremlin ne peut pas laisser faire. Humilié, il doit très vite réaffirmer son leadership pour sa population d'abord, sur la région ensuite, aux yeux du monde enfin.

Une atmosphère de "paix froide"

Effectivement l'époque de la "guerre froide" est derrière nous. La Grandeur de l'URSS n'est plus. Et le monde a changé en 20 ans, moins simpliste, avec de nombreux pôles de puissance en émergence. Mais la "paix froide" continue. Et la Russie d'aujourd'hui dispose encore de plusieurs armes. D'abord en Crimée et à Sébastopol qui abrite la flotte russe de la mer noire.

La Crimée et Sébastopol vont quitter l'Ukraine

Kiev peut faire une croix sur cette péninsule, rattachée sur le tard à l'Ukraine et qui a déjà une autonomie. Un petit effort de plus. Et elle sera totalement autonome, voire indépendante ou rattachée à la Russie. Et cela peut se faire très rapidement. Bien entendu les Européens et l'OTAN répètent sur tous les tons leur attachement au maintien de l'intégrité territoriale du pays. « Une Ukraine stable, indépendante et souveraine est une clé pour la sécurité euro-atlantique » vient de déclarer le secrétaire général de l'OTAN Anders-Fogh Rasmussen, en prélude à la réunion des ministres de la Défense de l'Alliance. Cela aura-t-il un effet. On peut en douter. La montre tourne... vite.

Déjà, sur place, certains mouvements se font. Des camions et blocs de béton semblent se mettre en place, dessinant une frontière, au moins pour "protéger" Sébastopol (ville qui ne fait pas partie de la région autonome de Crimée). Il suffira ensuite de masser quelques troupes de "maintien de la paix", en "protection", un peu comme en Transnistrie et Ossétie du Sud. Puis d'organiser un référendum d'autodétermination, à la manière... du Kosovo. Et la Crimée partie de l'Ukraine sera terminée. Qui pourrait s'y opposer ?

Tous les autres moyens

Ensuite, il y a des minorités en Ukraine. Dans sa fièvre législative, le nouveau parlement a commis une erreur : supprimer les langues des minorités. Une belle provocation que les Russes et Russophones ne pourront que saisir. Mais il y a surtout un tissu économique commun entre l'Ukraine et la Russie, notamment dans le sud autour d'Odessa ou à l'Est. Le temps jouera-t-il à l'apaisement ou aux crispations. Moscou a tout intérêt à une stratégie de tension, quitte à les susciter, les provoquer. Elle n'a aucun intérêt à l'apaisement.

(Maj) on apprend jeudi matin que des hommes armés gardent les batiments du gouvernement de Crimée.

(Nicolas Gros-Verheyde)

NB : Un nouvel article a été créé avec les éléments des Grandes manoeuvres russes : un exercice « surprise » qui n’est pas surprenant

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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