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Défense UE (Doctrine)

En Lituanie, un zeste d’URSS. Objectif : ne pas être visible

TableauPressConference@(BRUXELLES2 à Vilnius) La visibilité de la politique de sécurité et de défense commune est un des objectifs affichés par les Chefs d'Etat et de gouvernement pour leur prochain sommet. Pourtant à voir la façon dont est organisée la réunion informelle des ministres de la Défense - comme de celles des Affaires étrangères - par la présidence lituanienne de l'UE, on peut se demander si c'est vraiment un objectif ou ne pas être un leurre. Il semblerait que la Lituanie n'ait pas été pour rien dans l'orbite de l'URSS pendant des années. Certains usages sont restés ...

Des journalistes bunkerisés

La présidence lituanienne de l'Union européenne a ainsi tout fait pour tenir à l'écart la presse des ministres. Les journalistes ont soigneusement été parqués dans une salle bunkerisée où les ministres n'ont pas accès. Et vice-versa. Pour se rendre au point d'entrée (où se donnent les déclarations des ministres), située... à 5 mètres de la salle de presse, les journalistes doivent faire tout le tour du bâtiment, escorté par un officier de police devant, un officier derrière et un sur le côté. Ils pourraient se perdre en effet... Quant à l'habituel tour de table, aucun photographe de presse n'a été autorisé à le faire hormis les médias lituaniens (NB : une demande du cabinet de la haute représentante, C. Ashton, selon l'organisation, qui tient à contrôler l'image).

Un zeste d'URSS

Si vous avez raté "l'escorte collective", pas de chance d'y aller sauf si d'autres collègues sont dans le même cas que vous. Idem pour retourner. Même principe pour la conférence de presse, distante de 10 mètres, où ce n'est que sous escorte d'un officier de police que les journalistes peuvent s'y rendre... 20 minutes auparavant ! Soit le double du temps nécessaire à un troupeau de fourmis. L'objectif est en fait d'éviter que, à un moment donné, les journalistes puissent croiser un membre d'une délégation (autre que la présidence lituanienne ou du SEAE), histoire d'éviter que les messages soient discordants, voire pire... intéressants ! Selon les premières évaluations, cette conférence de presse devrait durer maximum 15 ou 20 minutes, avec 5 questions maximum (*). etc. Et la Haute représentante, C. Ashton, a décidé de ne pas être présente, se faisant remplacer par le secrétaire général adjoint du SEAE, M. Popowski.

Une tradition ou une volonté ?

Pour être honnête ajoutons que la présidence lituanienne n'est pas seule en cause. Il semble que la tradition s'instaure présidence après présidence de rendre les réunions informelles plus fermées que les réunions formelles. Et même du côté du SEAE, on ne peut pas dire que la visibilité soit une tradition ni une volonté. La récente réunion des ambassadeurs de l'UE et chefs de mission PSDC le prouve. Tenue à Bruxelles en début de semaine, elle a soigneusement été fermée à la presse. Officiellement, il s'agissait « d'une réunion de travail ». Si les discours de Herman Van Rompuy et José-Manuel Barroso ont été mis à disposition, l'intervention de Catherine Ashton, la chef du Service diplomatique européen, a soigneusement été restée discrète. Idem pour les chefs de mission de la PSDC qui n'ont pas eu droit à la parole publique. Pour la visibilité de la PSDC, il faudra donc repasser...

(Maj) Cette attitude ne semble pas exceptionnelle. Une étude de l'IRSEM détaillée rédigée en janvier 2013 et publiée en avril étaye ce constat avec une analyse très complète. A télécharger Etude

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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