[Entretien] Général Claude Van de Voorde : Une armée du Benelux d’ici 10 ou 20 ans ?
(BRUXELLES2) Une armée du Benelux ? Ce n'est peut-être pas pour l'immédiat. Mais la possibilité n'est pas exclue par le Général-major aviateur Claude Van de Voorde, chef de la Composante "Air" de l'armée belge. B2 a pu s'entretenir avec lui, sur le chemin de Saragosse, sur les projets et évolutions possibles de cette armée.
Pooling and Sharing tout azimut
« Nous sommes très impliqués avec la France et les Pays-Bas notamment » explique le Général. « Avec la France, nous avons un entrainement des pilotes commun. Les pilotes belges vont en France, s'entrainent sur des appareils de transport et des hélicoptères français et sur les Alpha Jet belges ».
Avec les Néerlandais, partenaires privilégiés, se développe « l'établissement d'un commandement conjoint pour les hélicoptères et sur la réaction rapide, afin que la protection de la souveraineté des espaces aériens se fasse en alternance entre les deux pays. Nous allons partager nos éléments de réaction rapide ».
Une coopération qui se poursuit lors de déplacements. « Sur la flotte F-16, nous partageons. Quand nous sommes déployés aux USA pour de grands exercices, comme Redflag, nous essayons de nous coordonner avec les Néerlandais, les Portugais et les Danois. Tous ceux qui volent sur F-16 en Europe sont assez interopérables ».
Au delà de ce qui existe, le regard est aussi tourné vers le futur, « nous modernisons et adaptons nos appareils ensemble avec les Néerlandais, ce qui peut être aménagé et nous partageons les couts ».
Vers une intégration de la dimension aérienne ?
Les Belges et les Néerlandais ont développé une quasi « intégration » de leurs marines. « Toutes nos opérations sont combinées. Dans les faits, nous n'avons donc plus d'Etat-major de la marine, tout est colocalisé avec les Néerlandais maintenant. »
Dans l'avenir cela pourrait-il être aussi le cas pour l'Air force ? « Nous n'y sommes pas encore mais petit à petit, oui, c'est vers là qu'on se dirige. » Un premier projet pourrait se profiler rapidement. « Nous assurerons la surveillance de l'espace aérien en commun avec les hollandais d'ici peu. C'est le projet concret sur lequel il travaille en ce moment. »
L'Europe, ce « nain militaire »
« Doucement mais surement, il y a une croyance dans le fait que nous allons vers plus d'intégration » affirme Van de Voorde . À la question de savoir si il envisage une armée européenne, il est plus prudent. « Cela se concentrera plutôt sur certains domaines » ou petits groupes, "par clusters". « Les pays du nord travaillent de plus en plus ensemble. Le Portugal et l'Espagne travaillent ensemble. »
« Une coopération en Europe cela prend toujours du temps, ce sont des nations souveraines avec des histoires ». Mais de là à parler d'armée européenne… « je ne suis pas sur que nous ayons une armée européenne. Car les grosses nations ont leurs propres agendas. Mais pour les petites nations c'est certain. Je vois une armée du Benelux dans quelques décennies ».
Vers une Europe démilitarisée ?
Lorsque l'on demande au général s'il envisage une Europe sans armée, la réponse est nuancée. C'est plutôt une Europe à plusieurs vitesses qui se dégage. La question budgétaire pèse, en effet, sur nombre de pays. « Les avions de chasse, les tanks ou les frégates coutent très cher. » Certains pays sont moins équipés et ont décidé de déléguer une partie de la tâche à d'autres. « Dans les pays baltes, nous assurons déjà la surveillance aérienne, en alternance, nous fournissons des avions. Ils n'en n'ont pas ou à peine, quelques hélicoptères ou avions de transports mais pas d'avions de combat »