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Le Golan chauffe. Les Autrichiens décampent…

(crédit : armée autrichienne)

(BRUXELLES2) C'est une désertion en rase campagne. Il n'y a pas d'autre mot. Après quelques incidents à la frontière entre la Syrie et Israël, le gouvernement autrichien a décidé, sans coup férir, de rapatrier ses 376 soldats.

Le contingent autrichien de la mission des Nations-Unies (UNDOF) va en effet, être retiré du plateau du Golan. Décision annoncée par le chancelier Werner Faymann et le vice-chancelier Michael Spindelegger lors d'une déclaration commune jeudi (6 juin). Motif : la sécurité du personnel concerné « ne peut être garantie en raison de la situation actuelle ».  « Un maintien des soldats autrichiens plus longtemps n'est pas justifiable » a ajouté le ministre de la Défense Gerald Klug, selon le communiqué parvenu à B2.

Une menace inacceptable contre les soldats

Cette décision fait suite  à des combats qui ont opposé les forces rebelles et les forces gouvernementales ont cherché tour à tour à prendre contrôle d'un poste frontière. Des impacts d'obus ont été observés dans un camp de l'ONU à proximité, où logeaient les Autrichiens. Un soldat indien et un philippin ont été blessés. « La réputation de la mission de maintien de la paix n'est apparemment plus respectée par toutes les parties au conflit et la menace pour nos hommes et femmes atteint un niveau inacceptable » a précisé le ministre de la Défense. Les incidents récents montrent clairement quele ravitaillement de la mission de l'UNDOF « peut être interrompu à tout moment ». En outre, « la restriction permanente de circulation et la menace croissante pour les soldats rend la mise en œuvre du mandat de l'ONU pratiquement impossible ». Ce n'est pas le premier incident. Puisque des soldats autrichiens avaient été blessés lorsqu'ils roulaient en convoi, en février dernier.

Retrait progressif

Le retrait du contingent de l'armée de la zone d'opérations sera « effectué de façon ordonnée » précise-t-on à Vienne. Les contraintes de temps font actuellement l'objet de négociations spécifiques avec les Nations Unies. Comme l'a précisé le ministre Klug : « Nous n'allons pas retirer nos hommes et femmes tout de suite pour laisser à l'ONU, les autres pays contributeurs et Israël la possibilité de s'adapter aux nouvelles conditions. »

Est-ce la bonne décision ?

Mais est-ce la bonne décision, on peut en douter...   Que la situation soit instable, c'est un fait. Qu'il y ait des risques, c'est évident (sinon pourquoi employer des militaires). Que le mandat des forces de Nations-Unies fondé sur l'observation ne soit plus tout à fait adapté à la situation, c'est sans doute vrai. Mais l'intérêt d'une présence des Nations-Unies sur le plateau du Golan - une des plus anciennes missions de l'organisation - est plus que jamais justifié aujourd'hui. Et une force neutre d'observation et d'interposition est primordiale, aujourd'hui, dans la zone si on veut éviter que le conflit civil syrien ne se transforme, demain, dans un conflit régional aux conséquences imprévisibles. Alors... la bonne méthode est-elle de partir au premier coup de feu ?

Une décision totalement incompréhensible

Aux yeux d'observateurs extérieurs, comme je le suis, la décision du gouvernement autrichien est donc totalement incompréhensible, voire inconséquente. Les Autrichiens étaient présents dans la région depuis 1974. Le statut de neutralité de l'Autriche, sa proximité du monde arabe mais aussi d'Israël, son positionnement "très dur" contre la levée de l'embargo des armes en Syrie, la prédisposait à être plus que jamais une force d'interposition. Bref... tout les prédisposait plutôt à renforcer les positions.

A quoi sert l'armée ?

Le gouvernement de Vienne peut aujourd'hui légitimement se poser trois questions. Est-il prêt à assumer demain un dérapage dans la région dont il ne sera pas la cause mais un accélérateur ? Sa doctrine permanente d'un soutien aux Nations-Unies est-elle vraiment crédible aujourd'hui ? Le maintien d'une armée, d'équipements couteux comme les Eurofighter et autres outils blindés, est-il nécessaire si ses responsables ne sont pas prêts à accepter la moindre prise de risque ?

(*) Si un pays entretient une armée et des militaires, avec une discipline, des entrainements et des équipements, ce n'est pas juste pour faire "joli", planifier le possible et l'impossible, c'est pour assurer une prise de risque supérieure à celle que pourraient assumer des civils.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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