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Golfe Moyen-Orient

L’Europe lève à moitié son embargo sur les armes. Un choix très politique

Est autorisé la vente de matériel non lethal à des fins de protection des civils (© NGV / B2)

(BRUXELLES2) L'assouplissement de l'embargo sur les armes à l'encontre de la Syrie - décidé le 18 février dernier par les ministres des Affaires étrangères - entre en vigueur aujourd'hui, après avoir été validé jeudi (28 février) par le conseil des ministres de l'UE. Elle autorise de façon désormais très explicite la fourniture d'équipements militaires ou de services à l'opposition syrienne.

Un soutien, quel soutien ?

Certes le type d'équipement parait bien défini et l'objectif est bien encadré = "la protection des populations civiles". Il n'est pas question ainsi officiellement de fournir des armes destinés à mener l'offensive, comme des fusils, des lance-roquettes, etc. Ceux-ci seront fournis par d'autres moyens (cf. armes croates). Mais, de fait, le champ du "non lethal" peut être assez large. Du gilet-pare balles au radar sophistiqué en passant par la fourniture de cartes satellites, le champ du possible est large. Le fait de désigner nommément la "Coalition" permet aussi "légalement" de pouvoir fournir ces équipements (type soutien médical) directement dans les zones contrôlées par l'opposition, et via les points frontières contrôlés par elle.

Un choix très politique d'un embargo "intelligent"

Cette décision — que j'ai commenté, jeudi soir, sur Al Jazeera — marque une évolution de la politique de l'Union européenne, même si on ne va pas jusqu'à la livraison d'armes. Le précédent règlement englobait la possibilité de livrer des armes à des fins de "protection". Ce qui était une porte ouverte à certaines livraisons d'armes. Mais ce n'était pas très explicite. Ici, il y a une prise de position très claire, juridiquement actée, et politiquement endossée, pour livrer certains équipements à l'opposition mais refuser les livraisons au gouvernement. Un embargo "intelligent" en quelque sorte puisque "ciblé". L'Union européenne a clairement "choisi" son camp. Mais il y a un risque d'escalade du conflit. Car les alliés de Bachar (Russie, Iran, ...) peuvent aussi décider d'augmenter leur aide.

Deux lectures possibles pour l'avenir

De ce fait, deux lectures semblent aujourd'hui possibles pour l'évolution future. Première version optimiste. L'équilibre de la terreur et la création de zones sûres aux mains de l'opposition pousse à la négociation d'un accord politique. Et on peut alors entrevoir une porte de sortie. Avec un autre risque cependant celui de la création d'une ligne verte, séparant la Syrie en deux zones. Seconde version pessimiste. Les armes affluent de part et d'autre. Le régime renforce sa répression (encore). L'opposition reconquiert certains territoires. Mais il n'y a pas de zone sûre créée. La population fuit vers les pays avoisinants, contribuant un peu plus à la dislocation de la Syrie et à la déstabilisation des pays environnants (à commencer par la Jordanie).

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Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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