B2 Le Quotidien de l'Europe géopolitique. Actualité. Dossiers. Réflexions. Reportages

Afrique Ouest - SahelAnalyse Blog

Au Mali, les Français n’ont pas vocation à rester… mais resteront quand même ?

Arrivée à Tombouctou (crédit : ministère français de la Défense / DICOD / ECPAD)

(B2) La durée de l'engagement des Français au Mali reste encore floue dans le langage public. « Nous poursuivrons ces actions aussi longtemps que nécessaire » explique le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian dès sa première conférence de presse sur le Mali, le samedi 12 janvier, à Paris. Les Français n’ont pas « vocation à rester éternellement au Mali. C’est aux Africains de mener en première ligne cette action » complète Laurent Fabius, le ministre des Affaires étrangères, quelques jours plus tard, le 17 janvier, à Bruxelles, lors de la réunion extraordinaire de l'Union européenne consacrée au Mali. Entre les deux ministres, on pourrait croire à un hiatus. La contradiction n'est qu'apparente.

Une nouvelle phase commence

Recevant le premier ministre polonais (Donald Tusk), lundi (28 janvier), le président François Hollande, lui-même, synthétise cette contradiction. Il commence par dresser le bilan, victorieux, des troupes françaises. Et on peut avoir l'impression qu'il tourne une page. « Arrêter l’offensive terroriste, c’est fait. Reconquérir des villes avec l’armée malienne et les forces africaines, nous sommes en cours de réalisation de cette opération. » Reste, le nord Mali « encore sous le contrôle des terroristes ». Et le président d'enchaîner : « Ce sont les Africains, qui feront en sorte de permettre au Mali de retrouver son intégrité territoriale. » On a l'impression donc qu'une première phase de l'opération est terminée et qu'on passe à une autre. Le président confirme d'ailleurs : « La France n’a pas vocation à rester au Mali ».

Objectif : Stabilisation durable et sécurisation suffisante

Mais le président français ajoute aussitôt « En revanche, notre devoir, c’est de faire en sorte que nous puissions permettre aux forces africaines de donner au Mali, une stabilité durable, au-delà-même de l’intégrité territoriale qui doit être effectivement obtenue. Nous veillons aussi à ce que les contingents africains puissent maintenant se déployer pour prendre le relais de l’armée malienne et de l’armée française lorsque nous aurons suffisamment sécurisé le territoire. » Une stabilité durable et la sécurisation suffisante du territoire semblent désormais donc les nouveaux objectifs de cette mission.

Au minimum : Jusqu'aux élections ?

J'ai interrogé Kader Arif, le ministre délégué à la Défense et aux Anciens combattants (de passage ce mercredi (30 janvier) à Bruxelles). Et, selon lui, la stabilisation au Mali par une « stabilisation militaire et opérationnelle » mais aussi une « stabilisation politique et économique ». Lui demandant ainsi de préciser à quel moment on pouvait considérer cet objectif rempli, il a répondu : un « pouvoir politique stabilisé, des élections (sont) parmi les éléments majeurs » de cette stabilisation. Les militaires français resteraient ainsi au moins jusqu'à la « date des élections » (prévues pour juillet), m'a-t-il précisé.

Commentaire : une donne délicate

Nous avons ainsi sinon une date précise, au moins un objectif temporel. Maintenant cela ne signifie pas un engagement identique. La donne est délicate effectivement. En termes opérationnels et politiques, il s'agit d'endosser les bons résultats de l'intervention-éclair des Français (et des Maliens), sans s'enliser pour des années, donc en partant assez vite, pour ne pas donner prise à des relents de casernement et d'intervention coloniale. Dans le même temps, il ne faut pas donner prise à un retournement de situation par un retrait trop rapide (du type Gao, Tombouctou et Kidal sont libérés, on s'en va). Ce qui serait catastrophique, tout comme le serait une situation un peu chaotique de règlement de comptes interfactions, ou interarmées. Le tout doit respecter à la fois l'autonomie constitutionnelle du Mali tout comme la légalité internationale. C'est entre ces chemins étroits que vont devoir sillonner les "stratèges" français. La présence française restera au moins jusqu'à l'été. Sauf retournement de situation, le nombre de militaires engagés devrait ainsi diminuer de façon visible. Pour être discrète, elle devra cependant être placée dans des endroits assez stratégiques (aéroport, villes, ...) pour être dissuasive, ou auprès des troupes africaines, pour faire une sorte de "mentoring" ou de soutien, selon des modalités qui restent encore à définir, du moins à expliciter publiquement.

(Nicolas Gros-Verheyde)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

s2Member®