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L’Iran aura la bombe. Changement de donne au Moyen-Orient ?

Le Premier Ministre israélien, Benjamin Netanyahu, s'adresse à l'Assemblée générale des Nations Unies, le 27 septembre 2012 (crédit: ONU/J Carrier)

(BRUXELLES2) Les négociateurs du nucléaire iranien (E3+3) se retrouvent aujourd'hui au service diplomatique européen (SEAE). Mais le dossier semble aujourd'hui dans l'impasse.

Des sanctions qui ralentissent au mieux...

Certes les sanctions - européennes et américaines - font leur effet sur l'Iran ; en témoignent la chute du Rial et la baisse des exportations pétrolières. Certes quelques "frappes" ciblées (cyberattaques, "neutralisation" de chercheurs, explosions subies d'installations...) ont été menées avec succès. Et si la menace d'une frappe plus militaire, menée par les Israéliens est régulièrement agitée. On ne peut pas cependant dire que toutes ces mesures aient un effet radical. Elles ne semblent, en effet, pas réussir à arrêter la volonté iranienne de se doter d'un outil militaire nucléaire. Au mieux, elles le compliquent, le ralentissent... C'est un sentiment partagé par plusieurs experts du dossier. Et le chef de de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AEIA), le Japonais Yukiya Amano, l'a confirmé officiellement mardi lors d'un séjour à Paris. « Nous surveillons les activités des sites nucléaires en Iran et ne voyons aucun effet », a-t-il dit à la presse. « Par exemple, leur production d'uranium enrichi à 5 et 20% se poursuit à un rythme plutôt constant ».

Un changement de régime changerait-il la donne ?

Les occidentaux parient sur une colère de la population qui puisse aboutir à un renversement de régime. Mais à supposer que cela se produise, il n'est pas sûr qu'un autre régime change la marche de l'ancien empire perse vers le nucléaire. Cela semble une hypothèse tout à fait crédible aujourd'hui : Téhéran aura, un jour ou l'autre, la bombe nucléaire. Et ce jour pourrait s'inscrire dans la prochaine décennie. Ce programme a d'ailleurs été démarré sous le régime du shah Il faudra alors s'habituer à cette nouvelle donne qui est, somme toute, logique. Le premier "ennemi" ou rival pour l'Iran n'est pas Israël souvent désigné mais ses voisins arabes ou musulmans. Si on se met à la place de l'Iran, avec d'un coté le Pakistan doté de la bombe, de l'autre l'Arabie saoudite, officiellement non nucléarisée, mais pouvant bénéficier d'engins disposant de la bombe, voire Israël qui a cette arme (même si elle ne l'a pas déclaré officiellement), on serait tenter d'adopter la même position.

La bombe iranienne aggravera la tension ou l'abaisser

Cette nouvelle donne va-t-elle aggraver l'instabilité dans la région ? Ou d'une certaine façon, arrivera-t-on à un équilibre de la terreur, comme celui qui a présidé en Europe ? Et ce de fait à une régulation des tensions ? Quelle conséquence cela aura sur le traité de non prolifération (dont l'Iran est partie contrairement au Pakistan) ? L'Iran quittera-t-il le traité ? D'autres pays qui n'ont pas aujourd'hui la bombe ou du moins officiellement vont-ils se doter de cette arme ou l'afficher publiquement ? Quelle importance aura cette "nouvelle" vague de "nucléarisation" ? La notion de dissuasion nucléaire ne va-t-elle pas subir de ce fait une "démonétisation" puisqu'elle sera partagée désormais par davantage de pays ? C'est là où doit peut-être aussi se concentrer désormais notre analyse.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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