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Face à la reconnaissance de la Palestine, les Européens hésitent. Mais finalement une majorité vote oui (maj4)

Le drapeau palestinien déployé sur le rond-point Schuman par l'ONG Avaaz lors du dernier conseil des ministres des Affaires étrangères

(BRUXELLES2) L'Union européenne hésite encore sur la position à adopter vis-à-vis du statut de la Palestine et de sa reconnaissance comme Etat observateur (non membre) à l'ONU. « L'UE et ses États membres poursuivent leurs discussions sur la façon dont les Etats membres vont voter, si la résolution est présenté pour un vote jeudi» précisait-on mardi (27 novembre) du coté de la Haute représentante de l'UE pour les Affaires étrangères. Ajoutant : « l'UE n'a aucun commentaire sur le débat interne au sein des États membres sur leurs positions possibles ».

Pour l'UE : un Etat mais plus tard

La position européenne reste ambigüe sur le vote mais claire sur le processus de paix. « L'Union européenne a exprimé à plusieurs reprises son soutien et souhaite pour la Palestine de devenir membre à part entière de l'Organisation des Nations Unies dans le cadre d'une solution au conflit. L'UE a également travaillé sans relâche pour faire avancer l'état des capacités de l'Autorité palestinienne efforts et continuera de le faire. Rappelant la Déclaration de Berlin de mars 1999, l'UE réaffirme qu'elle est prête à reconnaître un État palestinien, le cas échéant.» Ce qui est généreux sans nul doute mais peut paraître inconséquent. « Seule une solution politique au conflit peut apporter une sécurité durable, sur la base d'une solution à deux Etats. » Pourquoi faire un point d'arrivée de la négociation alors qu'il est notoire que ce sera un point de départ ? C. Ashton le reconnait « Quel que soit le résultat d'un vote le 29 Novembre, il est important que toutes les parties concernées oeuvrent pour un règlement du conflit avec le but, sur la base de négociations directes sans délai ni condition préalable. » (nb : donc sans avoir la demande d'arrêt de la colonisation comme le demandent les Palestiniens).

Plusieurs Etats vont s'abstenir

La situation de la Haute représentante est inconfortable. Elle reflète une division des Européens. Mais les esprits évoluent. Si certains Etats avaient prévu de s'abstenir, d'autres qui, auparavant, étaient des plus fidèles soutiens d'Israël - comme les Pays-Bas - s'apprêtent ainsi à changer de position et pourraient s'abstenir également. Le changement de coalition avec l'arrivée d'un nouveau ministre Frans Timmermans conduit ainsi à une position plus équilibrée de La Haye, pour contribuer à la paix entre Israéliens et Palestiniens.

En Allemagne on a aussi quelques doutes, l'opposition appelant à se rapprocher des Palestiniens. Mais finalement, le porte-parole du ministre allemand des Affaires étrangères l'a confirmé mercredi (28 novembre), l'Allemagne ne votera pas en faveur de la position palestinienne mais pas contre non plus. L'abstention est une évolution notable. explication est venue jeudi. « Nous n'avons pas pris cette décision à la légère. Elle a été pesée et c'est une décision équilibrée » a précisé Guido Westerwelle le ministre des Affaires étrangères. « Nous voyons, d'une part, les préoccupations légitimes des Palestiniens pour leur propre État. Nous savons aussi, d'autre part, notre responsabilité particulière pour Israël et pour un développement pacifique et stable dans la région. » Et d'ajouter : « à notre avis, on peut avoir des doutes sur le but recherché par les Palestiniens et si cela peut être utile au processus de paix. Nous craignons qu'il amène à plus de durcissement » (déclaration du ministère allemand).

De même que le Royaume-Uni qui avait conditionné son vote positif à la réunion de plusieurs conditions, notamment l'absence d'utilisation de la Cour pénale internationale. Plusieurs pays - comme la Bulgarie, la Hongrie, l'Estonie, la Lettonie ou la Lituanie - vont s'abstenir à défaut de pouvoir se ranger derrière une position européenne (s'il y en a une).

La France votera Oui, d'autres aussi

Quant à la France, ce sera "Oui". Laurent Fabius, le ministre français des Affaires étrangères, l'a confirmé tout à l'heure (mardi 27 novembre) en réponse à une question d'un député à l'Assemblée nationale, invoquant la continuité — du discours de Mitterrand à la Knesset en 1982 à la reconnaissance de la Palestine à l'Unesco l'année dernière (sous Sarkozy) —. « La France répondra oui, par souci de cohérence. (...) Ne cachons pas que le moment où cette question va être proposée est un moment très délicat (...) parce que le cessez-le-feu est extrêmement fragile, parce qu’il y a des élections israéliennes, parce qu’il y a un changement dans la composition de l’Administration américaine. » « C’est seulement par la négociation que nous demandons, sans condition et immédiate entre les deux parties que l’on pourra aboutir à la concrétisation d’un État palestinien » a ajouté le ministre français.

D'autres aussi (maj)

Plus d'une dizaine d'autres Etats européens devraient suivre et approuver la demande palestinienne. Notons parmi eux la plupart des pays non membres de l'OTAN — l'Autriche, l'Irlande, Chypre, Malte, la Finlande — ainsi que des pays traditionnellement supporters de la cause palestinienne —, la Belgique, l'Espagne, la Grèce, l'Italie, le Luxembourg, le Danemark et la Slovénie notamment.

Le ministère grec des Affaires étrangères a justifié ce vote comme « conforme à une position de principe traditionnelle de notre pays sur la résolution du problème du Moyen-Orient basée sur deux Etats (...). La Grèce estime que le moment est venu pour les Israéliens et les Palestiniens à vivre - comme c'est leur droit inviolable - en sécurité dans leur pays » ajoute-t-il (lire la déclaration grecque).

L'Espagne, après quelques tergiversations internes (notamment au sein du cabinet du Premier ministre Rajoy), devrait aussi endosser sa position traditionnelle et voter en faveur.

Idem en Belgique. Après une hésitation, et une réunion du Kern (le cabinet restreint), le pays a finalement décidé son soutien à la Palestine. Traditionnel supporter des Palestiniens, elle avait laissé entendre qu'elle pourrait s'abstenir, pour suivre la position prônée par les Européens. Mais prenant en compte « un groupe sans cesse croissant de partenaires européens qui soutiennent la résolution », le ministre des Affaires étrangères Didier Reynders, a finalement apporté un soutien qui « implique un appel à Israël et l'Autorité palestinienne de reprendre les négociations de paix sans conditions préalables pour parvenir à une solution à deux États viables et sûrs » indique un communiqué du ministre (lire la déclaration belge en néerlandais).

En Italie, c'est aussi une déclaration de la Farnesina, survenue jeudi (29 novembre), quelques heures avant le vote, qui a fixé la position « Cette décision fait partie intégrante (de la politique) du gouvernement italien visant à relancer le processus de paix avec l'objectif de deux États, Israël et Palestine, vivant côte à côte dans la paix, de la sécurité et de la reconnaissance mutuelle. » précise le communiqué du ministère italien des Affaires étrangères qui souligne également combien « le gouvernement a renforcé des relations déjà excellentes avec Israël, où le président du Conseil (Nb : Mario Monti) est allé deux fois le mois dernier » (lire la déclaration italienne).

La Suède a aussi annoncé, en dernière minute, voté "Oui", par la voix de son ministre Carl Bildt. « Notre position a toujours été de lutter pour l'unité au sein de l'UE. Mais comme un tel consensus n'a pu être atteint, nous voterons la résolution. » Ce qui constitue un revirement par rapport à la position prise sur l'Unesco il y a un an par le pays nordique. Cette position « doit être considérée comme un soutien clair à une solution à deux Etats et aux efforts pour faire démarrer les négociations concrètes d'un tel processus. Toutefois, cela ne signifie pas une adhésion à part entière qui nécessite bien sûr une décision du Conseil de sécurité de l'ONU. » (lire la déclaration suédoise)

D'autres pays européens non membres de l'UE voteront également en faveur du statut de la Palestine (Norvège, Suisse et Turquie).

Un seul Non ?

En fait, très peu d'Etats européens voteront "Non". Seule la république Tchèque avait confirmé cette position avant le vote. Comme l'a précisé à notre confrère Radio Prague, le porte-parole du ministère tchèque des Affaires étrangères, Vít Kolář : « Nous n’acceptons pas les démarches unilatérales susceptibles de menacer le processus de paix étant une base d’une solution à deux Etats ».

Les positions ont évolué dans le temps

En 15 ans, les positions des Etats européens ont fluctué, dans un sens ou dans l'autre.

Après la déclaration d'Alger en 1988, plusieurs pays européens avaient déjà reconnu la Palestine comme un Etat, notamment l'Autriche, Malte et Chypre ainsi que plusieurs pays de l'Est de l'époque (Bulgarie, Hongrie, Pologne, Roumanie, Tchécoslovaquie, Yougoslavie) tout comme l'Albanie et la Turquie. Sans reconnaître formellement l'Etat, d'autres pays ont élevé d'une manière ou d'une autre, à des moments variables, leurs relations avec l'Autorité palestinienne la reconnaissant comme une délégation de Palestine (France) ou une délégation générale palestinienne (Allemagne, Belgique, Espagne, Grèce, Italie, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni) - selon l'Institut européen de coopération euro-Arabe (Medea).

Lors du dernier débat international, en 2011, pour reconnaître la Palestine comme membre de l'Unesco. 5 pays de l'UE avaient voté "Non" : république Tchèque, Allemagne, Lituanie, Pays-Bas, Suède. 11 avaient voté "Oui" : Autriche, Belgique, Chypre, Finlande, France, Grèce, Irlande, Luxembourg, Malte, Slovénie et Espagne. 11 s'étaient abstenus : Bulgarie, Danemark, Estonie, Hongrie, Italie, Lettonie, Pologne, Portugal, Roumanie, Slovaquie et Royaume-Uni.

Mis à jour : mercredi 12h et 20h (rappel des positions passées, position espagnole) jeudi 19-20h (position belge, italienne, suédoise). + liens avec les sites des déclarations

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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