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Entre Syrie et Gaza, la situation des réfugiés palestiniens encore plus coincée

(BRUXELLES2) «Malheureusement, ce que j’ai à vous dire ne va pas réchauffer l’ambiance de cette assemblée». C'est par ces mots que Filippo Grandi, le directeur de l’Agence de secours et de travail des Nations-Unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) a entamé son intervention, devant les eurodéputés, jeudi (6 septembre). Il était venu la dernière fois, il y a un an, présenter sa vision de la situation aux membres de la commission parlementaire des affaires étrangères. «L’habitude des commissaires de l’UNWRA est de parler des causes oubliées» avoue t-il. Et pourtant, aujourd’hui, il pense que la cause palestinienne est encore plus marginalisée qu’elle ne l’était il y a un an. «Les réfugiés palestiniens sont coincés à Gaza et maintenant coincés en Syrie, coincés physiquement et coincés par la situation politique»

Pour les réfugiés palestiniens, «c’est le moment de l’histoire récente où leur situation est la plus stagnante». F. Grandi ne voit rien bouger pour la reconnaissance de l’Etat palestinien, rien bouger au niveau de la politique interne. Et ce qu’il pense du statut quo ? «Le statut quo : si vous êtes Palestinien, il n’y a pas de statut quo» déclare-t-il devant les eurodéputés.

Son constat est d’autant plus malheureux quand il le contextualise. La région est extrêmement dynamique «de plusieurs manières, positive et tragique ». Il y a un an, il y avait beaucoup d’espoir dû au dynamisme de cette région. Aujourd’hui, la tendance est à l’inquiétude, et notamment avec la Syrie. 

Les Palestiniens toujours coincés à Gaza

« Gaza est déjà une crise oubliée. Le symbole qui montre combien les Palestiniens ne captent plus l’attention internationale ». Aujourd’hui, l’UNWRA a du mal à trouver de quoi financer les produits de premières nécessités alors que «il n’y a pas longtemps, tout le monde voulait nous aider». Selon le directeur de l’agence, les programmes socio-culturels,  ont dû être drastiquement diminuer pour financer l’alimentation notamment. Le rapport «Gaza in 2020», écrit en partie par les experts de l’ONU et donnant des prédictions de la situation à Gaza en 2020, « n’est pas une lecture très joyeuse ». Filippo Grandi fait remarquer aux eurodéputés qu'un jeune Palestinien s’est immolé, il y a quelques jours, et deux autres l’ont suivi. Un acte devenu symbolique dans le monde arabe...

Le blocus de Gaza illégale et contre-productif

Malgré tout, le Printemps Arabe a ouvert de nouveaux horizons. « C’est peut-être maintenant vers l’Egypte qu’il faut regarder pour arriver à des améliorations et à une stabilisation politique» à Gaza. « Mais les deux groupes (le Fatah et le Hamas) qui tirent avantage de la frustration des gens sont de plus en plus influents ». Au demeurant, il faudra, selon lui, faire tomber le blocus avant de pourvoir arriver à une réelle stabilisation. « Le blocus ne va pas assurer la sécurité des pays dans la région, que ce soit Israel ou l’Egypte ». Pour cela, il faudrait que les européens demandent «à ce que le blocus soit levé», conscient qu’il y a bien sûr la question de la sécurité d’Israel qui est également à prendre en compte. « Le blocus est illégal et contre productif » avant d’ajouter «Si le droit international n’est pas respecté, il faut le dire ! » Il faut, selon lui, lever l’embargo petit à petit et augmenter l’aide envers Gaza. Ces deux dernières années, l’UNWRA a entretenu des relations constructives avec Israel en vue de développer quelques projets, notamment pour développer le secteur privé. Economiquement, son discours n’est pas plus jovial. «Il ne faut pas oublier que l’économie de Gaza repose sur le marché noir et les subventions internationales. Ca ne peut continuer très longtemps» explique-il, avant de s’exclamer «Nous aidons 2 millions de personnes !»

Concernant la situation dans le reste des territoires palestiniens, les colonies illégales y compris à Jérusalem Est continuent de s’étendre alors que leur démantèlement ailleurs avance à très petits pas. «Les colons sont de plus en plus agressifs». «Il faut demander à ce que l’Etat de droit soit appliqué » a fermement estimé Grandi. «Il est important d’investir dans des projets dans la Région C (*) et à Jérusalem Est là où les Palestiniens subissent le plus de pression

 La Syrie, dernier enfer en date des Palestiniens

«La Syrie symbolise la vulnérabilité qui touche les Palestiniens depuis des dizaines d’années, vulnérabilité qu’ils partagent bien-sûr avec les Syriens et autres réfugiés aujourd’hui. Les gens ont très très peur. On ne sait pas qui on va rencontrer au coin de la rue». Filippo Grandi explique en effet que la population subit des menaces terribles de la part de tous les groupes, les troupes gouvernementales, les milices pro-gouvernement et les milices anti-gouvernement. «C’est une situation qui n’a pas d’avenir». admet-il. On compte 500.000 Palestiniens en Syrie, particulièrement autour des centres urbains, à Damas et dans les autres grandes villes. «On le sait, ces centres urbains sont au coeur du conflit».

«Avant la guerre civile, la Syrie était l’un des endroits les plus stables pour les Palestiniens.» explique t-il.  Dans la première phase du conflit, ils ont pu rester en dehors de ce dernier, «mais malheureusement le conflit est en train de les rattraper. Nous pensons qu’aujourd’hui la moitié des Palestiniens (250.000) est touchée par le conflit». Touchés par le conflit, c’est à dire par des problèmes de sécurité qui très souvent les obligent à se déplacer. De plus en plus de personnes sont déplacées au sein du pays, dans des endroits plus sûrs, chez des familles dans d’autres régions, dans des bâtiments publics ...etc Qui plus est, ce sont souvent ces personnes qui ont le plus besoin d’aide médicale.

En plus de cela, il y a la crise économique en Syrie. La plupart de l’économie syrienne est constituée par ses PME. Et la majorité de celles-ci ferme. A Alep, 75% des PME ferment leurs portes et l’UNWRA ne peut remédier à cette crise qu’en distribuant des biens de premières nécessités.

Irak, Liban, Jordanie, pas beaucoup mieux

Jusqu’à il n’y a pas encore très longtemps, les Palestiniens d’Irak fuyaient vers la Jordanie ou vers la Syrie car la situation là-bas était pour eux particulièrement difficile. Aujourd’hui ils semblent revenir en Irak. Un fait qui donne une idée de la pérennité de la situation des réfugiés palestiniens.

Au Liban et en Jordanie, Grandi ne veut pas se risquer à donner des chiffres sur le nombre de réfugiés. Cependant les Palestiniens, dans les deux pays, constituent un élément très complexe de la situation nationale. C’est pour cette raison que pour l’UNWRA, s’il est nécessaire de soutenir la situation en Syrie, «je vous demande également de soutenir les pays voisins pour qu’ils acceptent le fardeau humanitaire» et que ceux-ci laissent entrer les réfugiés malgré la complexité engrangée.

Le programme de l’UNWRA, plus loin que le conflit syrien

Malgré la crise syrienne, l’UNWRA doit continuer avec son programme «normal» . «Nous sommes sous-financé. Il nous manque 40 milliards d’euros. Une somme très limitée par rapport à ce à quoi vous êtes habitués ici. J’en ai parlé à la Commission. Je sais qu’elle essaye de débloquer des fonds.» Alors que les parlementaires s’apprêtent à voter le nouveau budget, il appelle «les hommes et les femmes politiques», à «vraiment regarder là où il faut agir».

L'aide européenne toujours majoritaire

« Les bailleurs de fonds sont surtout européens ». Sur le milliard disponible par an, l'Union européenne (Etats membres et Commission) fournit plus ou moins 40% et les Etats-Unis entre 20 et 25% de l’aide humanitaire pour les réfugiés palestiniens. Les pays arabes sont eux-aussi présents. L’Arabie Saoudite particulièrement, qui était l’année dernière le troisième plus grand bailleur de fonds. «Ca augmente, mais c’est très imprévisible». Le Brésil aussi, les pays émergents s’impliquent aussi de plus en plus...

Le directeur de l’agence finira sa présentation sur son plus grand regret, celui de constater un tel déficit politique sur la question. «Le Conseil de Sécurité n’est pas en mesure d’assurer la sécurité des personnes. Ca c’est un déficit politique».

(*) La zone C correspond à une des trois divisions administratives nées des Accords d’Oslo et correspond à 60% du territoire cisjordanien bien qu’elle ne comprenne maintenant que 4%  de la population palestinienne de Cisjordanie.

Rédaction de B2

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