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La stratégie européenne de sécurité – Version 2003

Approuvée par le Conseil européen de Bruxelles, le 12 décembre 2003.

NB : Les termes placés en citation ont été choisis pour illustrer les points forts de la stratégie

Introduction

L'Europe n’a jamais été aussi prospère, aussi sûre, ni aussi libre. La violence de la première moitié du vingtième siècle a cédé la place à une période de paix et de stabilité sans précédent dans l’histoire européenne.

La création de l’Union européenne a constitué le facteur essentiel de cette évolution. Elle a transformé les relations entre nos États, ainsi que la vie de nos citoyens. Les pays européens ont à cœur de traiter pacifiquement les différends et de coopérer par le biais d’institutions communes. Pendant cette période, l’extension progressive de l’État de droit et de la démocratie a transformé des régimes autoritaires en démocraties sûres, stables et dynamiques. Les élargissements successifs font du projet d’un continent uni et pacifique une réalité.

Les États-Unis ont joué un rôle capital dans l’intégration et la sécurité européennes, notamment par le biais de l’OTAN. La fin de la guerre froide a laissé les États-Unis dans une position dominante en tant qu’acteur militaire.

Aucun pays n’est toutefois en mesure de faire face, seul, aux problèmes complexes de notre temps.

L’Europe reste confrontée à des menaces et à des défis en matière de sécurité. Le déclenchement du conflit dans les Balkans a rappelé que la guerre n’a pas disparu de notre continent. Au cours de la décennie écoulée, aucune région du monde n’a été épargnée par les conflits armés. La plupart de ces conflits se sont déroulés à l’intérieur d’États plutôt qu’entre États, et la plupart des victimes étaient civiles.

En tant qu’union de vingt-cinq États, avec une population dépassant 450 millions de personnes et une production représentant un quart du produit national brut (PNB) mondial et avec une large gamme d’instruments à sa disposition, l’Union européenne constitue inévitablement un acteur mondial. Au cours des dix dernières années, des forces européennes ont été déployées à l’étranger, dans des pays aussi éloignés que l’Afghanistan, le Timor-Est ou la République démocratique du Congo. La convergence croissante des intérêts européens et le renforcement de la solidarité au sein de l’UE font de l’Europe un acteur plus crédible et plus efficace.

L’Europe doit être prête à assumer sa part dans la responsabilité de la sécurité internationale et de la construction d’un monde meilleur.

I. L'ENVIRONNEMENT DE SÉCURITÉ : DÉFIS MONDIAUX ET PRINCIPALES MENACES

Défis mondiaux

L’environnement de l’après-guerre froide se caractérise par des frontières de plus en plus ouvertes, où les aspects internes et externes de la sécurité sont indissolublement liés. Les flux d’échanges et d’investissements, le développement de la technologie et les progrès de la démocratie ont apporté la liberté et la prospérité à bien des gens. D’autres ont perçu la mondialisation comme un élément de frustration et d’injustice. Par ailleurs, ces évolutions ont élargi la marge de manœuvre dont disposent des groupes non-étatiques pour jouer un rôle dans les affaires internationales. Et elles ont accru la dépendance de l’Europe, et donc sa vulnérabilité, à l’égard d’une infrastructure interconnectée, notamment dans les domaines des transports, de l’énergie et de l’information.

Depuis 1990, les guerres ont coûté la vie à près de quatre millions de personnes, dont 90 % de civils. Plus de dix-huit millions de personnes dans le monde ont quitté leur foyer ou leur pays à la suite d’un conflit.

Dans la plupart des pays en développement, la pauvreté et la maladie provoquent des souffrances indicibles et sont à l’origine de problèmes de sécurité particulièrement pressants. Près de trois milliards de personnes, soit la moitié de la population mondiale, vivent avec moins de deux euros par jour. Quarante-cinq millions de personnes meurent chaque année de faim et de malnutrition. Le SIDA est désormais l’une des pandémies les plus dévastatrices de l’histoire de l’humanité et contribue à l’éclatement des sociétés. De nouvelles maladies peuvent se propager rapidement et devenir des menaces planétaires. L’Afrique subsaharienne est plus pauvre aujourd’hui qu’elle ne l’était il y a dix ans. Dans bien des cas, l’échec économique est lié à des problèmes politiques et à des conflits violents.

La sécurité est une condition nécessaire du développement.

Non seulement les conflits détruisent les infrastructures, y compris les infrastructures sociales, mais ils encouragent également la criminalité, dissuadent les investissements et rendent impossible toute activité économique normale. Un certain nombre de pays et de régions sont pris dans un cycle de conflits, d’insécurité et de pauvreté.

La concurrence pour les ressources naturelles, notamment l’eau, qui sera aggravée par le réchauffement climatique dans les prochaines décennies, sera probablement source de troubles supplémentaires et de mouvements migratoires dans différentes régions du monde.

La dépendance énergétique constitue pour l’Europe une source de préoccupation particulière. L’Europe est le principal importateur mondial de pétrole et de gaz. Ses importations représentent aujourd’hui environ 50 % de la consommation d’énergie. Ce chiffre passera à 70 % en 2030. La plupart des importations de produits énergétiques proviennent du Golfe, de Russie et d’Afrique du Nord.

Principales menaces

Une agression de grande envergure contre un des États membres est actuellement improbable. En revanche, l’Europe est confrontée à de nouvelles menaces, qui sont plus variées, moins visibles et moins prévisibles.

Terrorisme : le terrorisme met des vies en danger, entraîne des coûts énormes, vise à porter atteinte à l’ouverture et la tolérance de nos sociétés et constitue une menace stratégique croissante pour l’ensemble de l’Europe. De plus en plus, les mouvements terroristes disposent de ressources importantes, communiquent par l’intermédiaire de réseaux électroniques et sont disposés à recourir à une violence illimitée pour faire un nombre considérable de victimes.

La vague terroriste la plus récente revêt un caractère mondial et elle est liée à un extrémisme religieux violent. Les causes en sont complexes et sont liées notamment aux pressions exercées par la modernisation, aux crises culturelle, sociale et politique et à l’aliénation des jeunes vivant dans des sociétés étrangères. Ce phénomène fait également partie de notre propre société.

L'Europe constitue à la fois une cible et une base d’opération pour ces terroristes : les pays européens constituent des cibles et ils ont été attaqués. Des bases logistiques pour des cellules d’Al-Qaïda ont été découvertes au Royaume-Uni, en Italie, en Allemagne, en Espagne et en Belgique. Une action européenne concertée est indispensable.

La prolifération des armes de destruction massive constitue potentiellement la menace la plus importante pour notre sécurité. Les régimes prévus par les traités internationaux et les arrangements de contrôle des exportations ont permis de ralentir la prolifération des ADM et de leurs vecteurs. Toutefois, nous entrons désormais dans une période nouvelle et dangereuse, où l’on risque d’assister à une course aux ADM, en particulier au Moyen-Orient. Les progrès réalisés dans le domaine des sciences biologiques peuvent, dans les années à venir, augmenter la puissance des armes biologiques; les attaques au moyen de matières chimiques et radiologiques constituent également une possibilité sérieuse. La prolifération de la technologie balistique ajoute un élément d’instabilité supplémentaire qui pourrait placer l’Europe dans une situation de risque accru.

Le scénario le plus effrayant est celui où l’on verrait des groupes terroristes acquérir des armes de destruction massive. Dans cette hypothèse, un petit groupe serait à même d’infliger des dégâts d’une ampleur qui, jusqu’il y a peu, n’aurait pu être envisagée que pour des États ou des armées.

Conflits régionaux : Les problèmes tels que ceux du Cachemire, de la région des Grands Lacs et de la péninsule coréenne ont un impact direct et indirect sur les intérêts européens, tout comme les conflits qui sévissent plus près de chez nous, surtout au Moyen-Orient. Les conflits violents ou "gelés", qui persistent également à nos frontières, menacent la stabilité régionale. Ils causent la perte de vies humaines et détruisent les infrastructures sociales et physiques; ils constituent une menace pour les minorités, les libertés fondamentales et les droits de l’homme. Les conflits peuvent conduire à l’extrémisme et au terrorisme et entraîner la déliquescence des États; ils font le lit de la criminalité organisée. L’insécurité régionale peut accroître la demande d’ADM. La manière la plus concrète de faire face aux nouvelles menaces, qui sont souvent difficiles à appréhender, consistera parfois à s’attaquer aux problèmes plus anciens des conflits régionaux.

Déliquescence des États : La mauvaise gestion des affaires publiques – la corruption, l’abus de pouvoir, la faiblesse des institutions et le non-respect de l’obligation de rendre des comptes – et les conflits civils rongent les États de l’intérieur. Dans certains cas, cette situation a failli entraîner l’effondrement des institutions étatiques. La Somalie, le Liberia et l’Afghanistan des Talibans constituent les exemples récents les plus connus. L’effondrement de l’État peut être associé à des menaces évidentes, telles que la criminalité organisée ou le terrorisme. La déliquescence des États constitue un phénomène alarmant, qui sape la gouvernance mondiale et ajoute à l’instabilité régionale.

Criminalité organisée : L’Europe constitue une cible de premier ordre pour la criminalité organisée. Cette menace intérieure qui pèse sur notre sécurité comporte une dimension extérieure importante : le trafic transfrontalier de drogue, la traite des femmes, l’immigration clandestine et le trafic d’armes représentent une grande partie des activités des groupes criminels. La criminalité organisée peut avoir des liens avec le terrorisme.

Ces activités criminelles sont souvent associées à des États faibles ou en déliquescence. Les revenus tirés du trafic de drogues ont contribué à l’affaiblissement des structures étatiques dans plusieurs pays producteurs. Ceux tirés du commerce des pierres précieuses, du bois et des armes légères entretiennent les conflits dans d’autres parties du monde. Toutes ces activités sapent l’État de droit, voire l’ordre social. Dans des cas extrêmes, la criminalité organisée peut aller jusqu’à dominer l’État. 90 % de l’héroïne vendue en Europe provient du pavot cultivé en Afghanistan, où le commerce de la drogue sert à financer des armées privées. La majeure partie de cette héroïne est acheminée par des réseaux criminels balkaniques qui, en outre, se livrent à l’exploitation de 200 000 des 700 000 femmes victimes du commerce sexuel à travers le monde. L’essor de la piraterie maritime, qui constitue une nouvelle dimension de la criminalité organisée, méritera une plus grande attention.

Le fait est que la conjugaison de tous ces éléments – un terrorisme fermement résolu à user d’une violence maximale, l’accès à des armes de destruction massive, la criminalité organisée, l’affaiblissement du système étatique et la privatisation de la force – pourrait nous exposer à une menace extrêmement sérieuse.

II. OBJECTIFS STRATÉGIQUES

Nous vivons dans un monde qui offre des perspectives plus prometteuses, mais qui apporte aussi des menaces plus lourdes que celles que nous avons connues jusqu’ici. C’est notre action qui permettra en partie de déterminer l’avenir. Nous devons à la fois réfléchir à l’échelle mondiale et agir au niveau local. Pour défendre sa sécurité et promouvoir ses valeurs, l’UE se fixe trois objectifs stratégiques :

Faire face aux menaces

L’Union européenne s’est activement engagée dans la lutte contre les principales menaces.

- Elle a réagi après le 11 septembre avec des mesures, dont l’adoption du mandat d’arrêt européen, des initiatives contre le financement du terrorisme et un accord d’entraide judiciaire avec les États-Unis. L’UE continue à développer sa coopération dans ce domaine et à améliorer ses défenses.

- Elle mène depuis de nombreuses années une politique de lutte contre la prolifération des armements. L’Union vient d’approuver un nouveau programme d’action qui prévoit des mesures destinées à renforcer l’Agence internationale de l’énergie atomique, des mesures renforçant les contrôles à l’exportation, des mesures visant à lutter contre les cargaisons illégales et les acquisitions illicites. L’UE est résolue à obtenir une adhésion universelle aux régimes des traités multilatéraux, et à renforcer les traités et leurs dispositions en matière de vérification.

- L’Union européenne et les États membres sont intervenus pour contribuer au règlement de conflits régionaux et pour remettre sur pied des États en déliquescence, notamment dans les Balkans, en Afghanistan et en RDC. Rétablir la bonne gestion des affaires publiques dans les Balkans, promouvoir la démocratie et permettre aux autorités de la région de s’attaquer à la criminalité organisée constituent l’un des moyens les plus efficaces pour lutter contre ce fléau au sein même de l’UE.

À l’ère de la mondialisation, les menaces lointaines peuvent être aussi préoccupantes que les plus proches.

Les activités nucléaires en Corée du Nord, les risques nucléaires en Asie du Sud et la prolifération au Moyen-Orient sont autant de sources d’inquiétude pour l’Europe.

Les terroristes et les criminels sont désormais en mesure d’opérer dans le monde entier : leurs activités en Asie centrale ou en Asie du Sud-Est peuvent constituer une menace pour des pays européens ou leurs ressortissants. Par ailleurs, du fait de la communication mondiale, les Européens sont de plus en plus conscients des conflits régionaux ou des tragédies humanitaires qui se produisent partout dans le monde.

Notre concept traditionnel d’autodéfense (jusqu’à la guerre froide et pendant toute sa durée) reposait sur la menace d’une invasion. Face aux nouvelles menaces, c’est à l’étranger que se situera souvent la première ligne de défense. Les nouvelles menaces sont dynamiques. Les risques de prolifération augmentent avec le temps ; si rien n’est entrepris contre eux, les réseaux terroristes deviendront encore plus dangereux. La faillite des États et la criminalité organisée se répandent si on néglige d’y remédier, ainsi que nous l’avons constaté en Afrique de l’Ouest. Cela signifie que nous devons être prêts à agir avant qu’une crise se produise. Il n’est jamais trop tôt pour prévenir des conflits et des menaces.

Contrairement à la menace massive et visible du temps de la guerre froide, aucune des nouvelles menaces n’est purement militaire et ne peut être contrée par des moyens purement militaires. À chacune il faut opposer une combinaison de moyens d’action. La prolifération peut être maîtrisée par les contrôles à l’exportation et contrée par un jeu de pressions politiques, économiques et autres, dès lors que l’on s’attaque aussi à ses causes politiques sous-jacentes. Pour faire face au terrorisme, il faut parfois combiner le recours au renseignement et à des moyens policiers, judiciaires, militaires et autres. Dans les États en déliquescence, des instruments militaires peuvent être nécessaires pour rétablir l’ordre, et des moyens humanitaires pour remédier à la crise dans l’immédiat. Si les conflits régionaux appellent des solutions politiques, des moyens militaires et une police efficace peuvent s’avérer nécessaires au cours de la phase postérieure au conflit. Les instruments économiques permettent de reconstruire et la gestion civile des crises aide à restaurer un gouvernement civil. L’Union européenne est particulièrement bien équipée pour répondre à des situations aux aspects aussi multiples.

Construire la sécurité dans notre voisinage

Même à l'ère de la mondialisation, la géographie garde toute son importance. Il est dans l'intérêt de l'Europe que les pays situés à ses frontières soient bien gouvernés. Les voisins engagés dans des conflits violents, les États faibles où la criminalité organisée se répand, les sociétés défaillantes ou une croissance démographique explosive aux frontières de l'Europe constituent pour elle autant de problèmes.

Si elle accroît notre sécurité, l’intégration des États adhérents aura également pour effet de rapprocher l’UE des zones de troubles. Notre tâche doit être de promouvoir, à l’Est de l’Union européenne et aux frontières du bassin méditerranéen, un ensemble de pays bien gouvernés avec lesquels nous pourrons avoir des relations étroites, fondées sur la coopération.

Les Balkans sont la région qui illustre le mieux l’importance de cet élément. Grâce à nos efforts concertés avec les États-Unis, la Russie, l’OTAN et d’autres partenaires internationaux, la stabilité de la région n’est plus menacée par l’éclatement d’un conflit majeur. C’est de la consolidation de nos réalisations dans cette région que dépend la crédibilité de notre politique étrangère. La perspective européenne est un objectif stratégique autant qu’une incitation aux réformes.

Il n’est pas dans notre intérêt que l’élargissement crée de nouvelles lignes de division en Europe.

Nous devons faire bénéficier nos voisins orientaux des avantages de la coopération économique et politique tout en nous attaquant aux problèmes politiques que connaissent ces pays. Nous devrions désormais porter un intérêt plus grand et plus actif aux problèmes du Caucase du Sud, qui, le moment venu, constituera également une région voisine.

Le règlement du conflit israélo-arabe constitue pour l’Europe une priorité stratégique. En l’absence d’un tel règlement, il n’y aura guère de chances de résoudre les autres problèmes du Moyen-Orient. L’Union européenne doit rester engagée et disposée à consacrer des ressources à ce problème jusqu’à ce qu’il soit résolu. La solution fondée sur la coexistence de deux États – que l’Europe appuie de longue date – est désormais largement acceptée. Sa mise en œuvre exigera des efforts conjugués et concertés de la part de l’Union européenne, des États-Unis, des Nations Unies et de la Russie, ainsi que des pays de la région, mais aussi et surtout des Israéliens et des Palestiniens eux-mêmes.

D’une manière générale, la zone méditerranéenne reste confrontée à de graves problèmes de stagnation économique, de tensions sociales et de conflits non résolus. Les intérêts de l’Union européenne exigent un engagement continu à l’égard des partenaires méditerranéens grâce à une coopération plus efficace dans les domaines de l’économie, de la sécurité et de la culture, dans le cadre du processus de Barcelone. Un engagement plus large avec le monde arabe devrait également être envisagé.

Un ordre international fondé sur un multilatéralisme efficace

Dans un monde où les menaces, les marchés et les médias ont une dimension planétaire, notre sécurité et notre prospérité dépendent de plus en plus de l’existence d’un système multilatéral efficace.

Nous nous donnons pour objectif de construire une société internationale plus forte, des institutions internationales qui fonctionnent bien et un ordre international fondé sur un ensemble de règles.

Nous nous engageons à défendre et à développer le droit international. Les relations internationales ont pour cadre fondamental la Charte des Nations Unies. La responsabilité première pour le maintien de la paix et de la sécurité au niveau international incombe au Conseil de sécurité des Nations Unies. Une des priorités de l’Europe est de renforcer l’organisation des Nations Unies, en la dotant des moyens nécessaires pour qu’elle puisse assumer ses responsabilités et mener une action efficace.

Nous voulons que les organisations internationales, les régimes et traités jouent leur rôle face aux menaces qui pèsent contre la paix et la sécurité internationales. Nous devons donc être prêts à agir lorsque leurs règles ne sont pas respectées.

Les institutions clés du système international, telles que l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et les institutions financières internationales (IFI) ont gagné de nouveaux membres. La Chine a accédé à l’OMC et la Russie négocie actuellement son accession. L’un de nos objectifs devrait être de favoriser un plus grand nombre d’adhésions à ces institutions tout en maintenant leur niveau élevé d’exigence.

Les relations transatlantiques constituent un des éléments essentiels du système international, non seulement au regard de nos intérêts bilatéraux, mais aussi parce qu’elles renforcent la communauté internationale dans son ensemble. L’OTAN est une expression importante de cette relation.

Les organisations régionales renforcent également la gouvernance mondiale. Pour l’Union européenne, la force et l’efficacité de l’OSCE et du Conseil de l’Europe revêtent une importance particulière. D’autres organisations régionales telles que l’ASEAN, le MERCOSUR et l’Union africaine apportent une contribution importante à un monde plus ordonné.

Une des conditions d’un ordre international fondé sur des règles est que le droit évolue en fonction de faits nouveaux tels que la prolifération, le terrorisme et le réchauffement de la planète. Il est de notre intérêt de continuer à développer les institutions existantes telles que l’Organisation mondiale du commerce et à apporter notre soutien aux nouvelles telles que la Cour pénale internationale. Notre propre expérience en Europe montre que la sécurité peut être renforcée par des mesures de confiance et la mise en place de systèmes de contrôle des armements. De tels instruments peuvent aussi apporter une contribution importante à la sécurité et à la stabilité dans notre voisinage et au-delà.

La qualité de la société internationale dépend de la qualité des gouvernements qui en sont les fondements. La meilleure protection pour notre sécurité est un monde fait d’États démocratiques bien gouvernés. Propager la bonne gouvernance, soutenir les réformes sociales et politiques, lutter contre la corruption et l’abus de pouvoir, instaurer l’État de droit et protéger les droits de l’homme : ce sont là les meilleurs moyens de renforcer l’ordre international.

Les politiques commerciales et les politiques de développement peuvent constituer des outils puissants de promotion des réformes. En tant que plus importants contributeurs en termes d’aide publique et principale entité commerciale au niveau mondial, l’Union européenne et ses États membres sont bien placés pour poursuivre ces objectifs.

La contribution à une meilleure gouvernance par des programmes d’aide, par la conditionnalité et par des mesures commerciales ciblées demeure l’un des aspects importants de notre politique, qu’il nous faut renforcer. Un monde dont on estime qu’il offre à tous la justice et à chacun sa chance sera plus sûr pour l’Union européenne et pour ses citoyens.

Un certain nombre de pays se sont mis en dehors de la société internationale. Certains ont choisi l’isolement; d’autres persistent à violer les normes internationales. Il est souhaitable que ces pays rejoignent la communauté internationale, et l’UE devrait être prête à fournir une assistance à cette fin. Ceux qui se refusent à le faire devraient comprendre qu’il y a un prix à payer, notamment dans leurs relations avec l’Union européenne.

III. IMPLICATIONS POLITIQUES POUR L'EUROPE

La politique étrangère de l’Union européenne a gagné en cohérence; sa gestion des crises est devenue plus efficace. Nous avons mis en place des instruments performants, comme nous l’avons démontré dans les Balkans et au-delà. Toutefois, si nous voulons que notre contribution soit à la hauteur de notre potentiel, il nous faut être plus actifs et plus cohérents et développer nos capacités. Nous devons aussi travailler avec les autres.

Plus actifs dans la poursuite de nos objectifs stratégiques. Cela vaut pour l’ensemble des instruments en matière de gestion de crises et de prévention des conflits dont nous disposons, y compris les actions au plan politique, diplomatique, militaire et civil, commercial et dans le domaine du développement. Il faut des politiques actives pour faire face au dynamisme des menaces nouvelles.

Nous devons développer une culture stratégique propre à favoriser des interventions en amont, rapides et, si nécessaire, robustes.

En tant qu’Union constituée de 25 membres, qui consacre plus de 160 milliards d’euros à la défense, nous devrions être en mesure de mener plusieurs opérations simultanément. Nous pourrions apporter une valeur ajoutée particulière en concevant des opérations faisant appel à des capacités tant militaires que civiles.

L’UE devra soutenir l’action des Nations Unies en réponse aux menaces qui pèsent sur la paix et la sécurité internationales. L’UE est déterminée à renforcer sa coopération avec les Nations Unies pour ce qui est d’aider les pays sortant d’un conflit et à fournir un soutien accru aux Nations Unies dans le cadre de la gestion de crises à court terme.

Nous devons être capables d’agir avant que la situation dans les pays autour de nous ne se détériore, lorsque des signes de prolifération sont détectés, et avant que des situations d’urgence humanitaire ne surviennent. Un engagement préventif peut permettre d’éviter des problèmes plus graves dans le futur. Une Union européenne qui assume des responsabilités accrues et qui est plus active sera une Union qui aura plus de poids politique.

Développement des capacités. Une Europe dotée de capacités renforcées est à notre portée, même s’il nous faudra du temps pour concrétiser pleinement notre potentiel. Les actions en cours – notamment la création d’une agence de défense – vont dans la bonne direction.

Pour transformer nos armées en forces plus flexibles et mobiles et pour leur permettre de faire face aux nouvelles menaces, davantage de ressources pour la défense et une meilleure utilisation des moyens sont nécessaires.

Recourir systématiquement à des moyens mis en commun et partagés permettrait de réduire les doubles emplois et les frais généraux et, à moyen terme, de renforcer les capacités.

Dans la quasi-totalité des interventions majeures, l’efficacité militaire est suivie d’un chaos civil. Nous devons renforcer les capacités visant à mobiliser tous les moyens civils nécessaires dans les situations de crise et postérieures aux crises.

Une capacité diplomatique plus forte: nous avons besoin d’un système qui combine les ressources des États membres et celles des institutions de l’UE. Traiter de problèmes qui ont une origine plus lointaine et étrangère exige une meilleure compréhension et une meilleure communication.

Une évaluation commune de la menace constitue la meilleure base d’une action commune. Cela implique de mieux partager le renseignement entre les États membres et avec les partenaires.

À mesure que nous renforçons nos capacités dans les différents domaines concernés, nous devrions réfléchir à un éventail de missions élargi. Cet éventail pourrait inclure des opérations de désarmement conjointes, l’aide aux pays tiers dans la lutte contre le terrorisme et dans les réformes en matière de sécurité. Ce dernier aspect devrait s’inscrire dans le cadre d’un développement institutionnel plus large.

Les arrangements permanents UE/OTAN, en particulier les dispositions "Berlin plus", renforcent la capacité opérationnelle de l’UE et fixent le cadre dans lequel s’inscrit le partenariat stratégique entre les deux organisations dans le domaine de la gestion des crises. Ils reflètent notre détermination commune à faire face aux défis du nouveau siècle.

Plus cohérents. La raison d’être de la politique étrangère et de sécurité commune et de la politique européenne en matière de sécurité et de défense est qu’en agissant ensemble, nous sommes plus forts. Ces dernières années, nous avons créé un certain nombre d’instruments différents, dont chacun possède sa structure et sa justification propres.

L’enjeu, aujourd’hui, consiste à regrouper les différents instruments et moyens : les programmes d’aide européens et le Fonds européen de développement, les capacités militaires et civiles des États membres et d’autres instruments. Tous peuvent avoir un impact sur notre sécurité et sur celle des pays tiers. La sécurité est la condition première du développement.

Les efforts diplomatiques, les politiques en matière de développement, de commerce et d’environnement devraient poursuivre le même objectif. Dans une situation de crise, rien ne remplace l’unité de commandement.

Dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée, il est capital de mieux coordonner l’action extérieure et les politiques menées dans le domaine de la Justice et des affaires intérieures.

Une cohérence plus poussée ne doit pas seulement être instaurée entre les instruments de l’UE, elle doit aussi englober les activités extérieures des différents États membres.

Des politiques cohérentes sont également nécessaires au niveau régional, notamment lorsqu’il s’agit de faire face à un conflit. Les problèmes sont rarement résolus par un seul pays ou sans un soutien régional, comme le montre de différentes manières l’expérience dans les Balkans et en Afrique de l’Ouest.

Coopérer avec nos partenaires. Il n’existe pour ainsi dire aucun problème que nous puissions résoudre seuls. Les menaces évoquées ci-dessus sont des menaces communes que nous partageons avec l’ensemble de nos partenaires les plus proches. La coopération internationale est une nécessité. Nous devons poursuivre nos objectifs aussi bien par la coopération multilatérale au sein des organisations internationales que par le biais de partenariats avec d’autres acteurs clés

La relation transatlantique est irremplaçable. En agissant ensemble, l’Union européenne et les États-Unis peuvent constituer une formidable force au service du bien dans le monde.

Notre objectif devrait être un partenariat efficace et équilibré avec les États-Unis. C’est une raison supplémentaire pour l’UE de renforcer encore ses capacités et sa cohérence.

Nous devrions continuer à œuvrer pour des relations plus étroites avec la Russie, élément majeur de notre sécurité et de notre prospérité. Le respect de valeurs communes renforcera les progrès accomplis vers un partenariat stratégique.

Notre histoire, notre géographie et nos liens culturels nous mettent en relation avec chaque partie du monde : nos voisins du Moyen-Orient, nos partenaires en Afrique, en Amérique latine et en Asie. Ces relations sont un atout important qu’il faut exploiter. Nous devrions en particulier chercher à établir des partenariats stratégiques avec le Japon, la Chine, le Canada et l’Inde ainsi qu’avec tous ceux qui partagent nos objectifs et nos valeurs et sont prêts à les soutenir.

Conclusion

Ce monde présente de nouveaux dangers, mais il offre également de nouvelles opportunités. L’Union européenne a le potentiel pour apporter une contribution majeure aussi bien pour lutter contre les menaces que pour tirer parti des opportunités qui se présenteront. Une Union européenne dynamique et dotée de capacités suffisantes aura du poids sur la scène mondiale. Elle contribuera ainsi à un système multilatéral efficace ouvrant la voie à un monde plus équitable, plus sûr et plus uni. »

Rédaction de B2

© B2 - Bruxelles2 est un média en ligne français qui porte son centre d'intérêt sur l'Europe politique (pouvoirs, défense, politique étrangère, sécurité intérieure). Il suit et analyse les évolutions de la politique européenne, sans fard et sans concessions. Agréé par la CPPAP. Membre du SPIIL. Merci de citer "B2" ou "Bruxelles2" en cas de reprise

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