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Les forces spéciales géorgiennes en opération près du Dagestan. 14 morts (maj3)

réunion de crise au ministère de l'intérieur géorgien (crédit : ministère géorgien de l'Intérieur)

(BRUXELLES2) Onze «saboteurs» et trois membres des forces spéciales géorgiennes ont été tués, aujourd’hui (29 août) dans une région frontière de Géorgie avec le Dagestan (Russie). Cinq officiers géorgiens ont également été blessés lors de cette opération. Deux des trois géorgiens morts au combat étaient des officiers de forces spéciales dépendant du ministère de l’Intérieur. Le troisième était un médecin militaire travaillant pour les forces spéciales du ministère de la Défense.

Situation observée de près à l'Union européenne

* La mission de surveillance de l’Union Européenne en Géorgie (EUMM) qui est déployée en Géorgie n’a, au départ, pas commenté publiquement la situation. Interrogé par B2, mercredi soir, un de ses responsables m'a affirmé qu'« EUMM a été tenue informées par les autorités géorgiennes. En étroite coopération avec les autres acteurs de l'Union européenne, la mission suit actuellement de très près la suite des évènements ». On peut également ajouter que la Mission a davantage été profilée pour observer la zone avec l'Abkhazie et l'Ossétie du sud, objet des évènements de l'été 2008. Et, elle n'est normalement pas déployée dans cette zone montagneuse, plutôt isolée, située au nord-est de Tbilissi (voir carte ci-dessous). Ainsi aucun observateur n'a, officiellement, été envoyé sur place. Point confirmé par le porte-parole de Catherine Ashton que j'ai interrogé lors du briefing de midi jeudi (30 août) : « Le mandat de la mission (EUMM) ne couvre pas cette région là. Nous n'avons donc pas envoyé d'observateurs sur place. (Mais) nous sommes inquiets. On suit de près la situation. On essaie de voir avec les autorités sur place exactement ce qui s'est passé. »

Une prise d'otages suivie d'une intervention des forces spéciales ?

"L'incident" avait commencé la veille, mardi 28 août. Un groupe armé d'une vingtaine de personnes est localisé en territoire géorgien, à la frontière avec la république du Daguestan (Russie), provenant du district voisin de Tsuntinsky. Les forces du ministère de l'Intérieur se sont alors tout de suite lancées à leur poursuite, jusqu’à boucler la zone montagneuse - les gorges de Lopota - où les rebelles ont été aperçus.  Ordre a été donné aux forces spéciales d'intervenir. Lors des échanges, dans des circonstances qui ne sont pas encore claires, 14 personnes ont été tuées : 11 «saboteurs» et 3 membres des forces spéciales géorgiennes ont été tués. Cinq officiers géorgiens ont également été blessés lors de cette opération. Six activistes seraient encore «encerclés» et devraient être très prochainement arrêtés, selon le ministre géorgien de l’Intérieur.

* Jeudi (30 août), le ministère de l'Intérieur a confirmé que la « principale phase de l'opération spéciale était sur sa fin. 11 corps des membres de groupes armés ont été trouvés. Certains d'entre eux sont des citoyens de la fédération russe du Nord Caucase. » Et d'ajouter que les « cérémonies funéraires (de ceux-ci) ont été organisées selon leurs rites religieux. ». Les opérations ne sont cependant pas totalement terminées. On « soupçonne en effet que plusieurs des membres du groupe armé sont blessés et se cachent dans les gorges. La police continue les opérations de recherche. »

Le groupe armé aurait pris trois groupes en otage, selon l'agence de presse russe RIA Novosti. Un premier groupe de 5 personnes, porté disparues depuis plusieurs jours dans le village de Lapankuri, à l’est du pays, ont été retrouvés saines et sauves mardi soir. Les second et le troisième groupes aurait également été relâchés, a déclaré cet après-midi le vice-ministre aux affaires intérieures, Shota Khizanishvili, sans donner toutefois plus de détails. Les otages libérés ont quant à eux déclaré aux forces géorgiennes «avoir été menacés de mort en cas de résistance ou d’évasion».

Bandits, provocation, terroristes ?

Coté russe, on dément avoir observé tout franchissement de frontière. « Le Service de la frontière n'a pas enregistré de cas de franchissement du tronçon daghestanais de la frontière russo-géorgienne », a précisé le porte-parole du service Vadim Chibaïev.

Le président géorgien Saakashvili est intervenu mercredi soir (29 août) à la télévision affirmant que la Géorgie ne laissera pas « l'agitation, l'instabilité et la violence » qui marque le nord-caucase russe se propager en Géorgie. « Les actions de ceux qui ont tué nos soldats des forces spéciales seront neutralisées par l'utilisation de toutes les méthodes. Nous allons recourir à toutes les mesures pour éviter à l'avenir que de tels incidents se reproduisent », a-t-il déclaré. « Je pense que ce sera une très bonne leçon pour ceux qui veulent répéter ce genre d'incidents dans le futur. » Mais le président géorgien s'est bien gardé, semble-t-il, de mettre en cause directement la Russie ou une infiltration possible du Dagestan.

NB : Cette attaque intervient alors qu’un leader musulman Daguestanais modéré, le cheikh (guide spirituel) Saïd-Afandi a été tué hier lors d’un attentat suicide et que ces derniers jours ont été les témoins de plusieurs affrontements au Daguestan voisin, entre les rebelles islamistes et les forces russes. Elle intervient aussi alors que la campagne pour les législatives et la présidentielle bat son plein en Géorgie (prévues l'une en octobre 2012, l'autre en 2013) et surtout pour les présidentielles de 2013.

* Mis à jour merc 29 août à 21h et 22h (réactions du président géorgien et de EUMM Georgia) et 30 août (détails sur l'intervention, déclaration du porte-parole de Catherine Ashton, intertitres). Rédigé avec l'aide active de Damien Kerlouet

la carte de la région géorgienne au voisinage Daghestan - une région montagneuse, difficile d'accès sauf par les connaisseurs

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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