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Rasmussen à Hollande: on s’téléphone la semaine prochaine, please !

Le colonel de Larouzière a succédé, le 7 mai 2012, au colonel Gouriou à la tête du groupement tactique interarmes (GTIA) en Kapisa, le BG Steel formé autour du 16e bataillon de chasseurs de Bitche prenant le relais du BG Tiger formé autour des chasseurs alpins du 27e BCA (crédit : DICOD / Ministère français de la Défense)

(BRUXELLES2) « J'ai eu Hollande au téléphone, hier. Je l'ai félicité et lui ai part de mon souhait de collaborer étroitement quand il aura pris ses fonctions ». D'emblée, Anders Fogh Rasmussen, le secrétaire général de l'OTAN a tenu à le souligner aux journalistes aujourd'hui (vendredi 11 mai) lors de son point de presse mensuel. Il s'agit de bien montrer que le contact est établi entre l'organisation militaire et le nouveau président français. Bien entendu, c'est la question du retrait français de l'Afghanistan fin 2012 qui taraude chaque esprit. Elle a été abordée « brièvement » a-t-il tenu à préciser. Mais nous avons convenu de poursuivre le « dialogue, la semaine prochaine, quand il sera investi ».

Officiellement, rien n'est donc changé au dispositif sur place ni à la planification de la fin progressive de la mission de l'OTAN (ISAF), dont le terme est fixé pour l'année 2014, avec transition dès 2013. Mais le secrétaire général a bien pris soin de ne pas condamner la position française ou de ne pas préjuger de l'avenir. Il a aussi indiqué espérer que les « Afghans pourront prendre davantage de zones en responsabilité » dans les mois à venir. « Ils deviennent chaque jour plus performants et confiants en eux mêmes ». Une phrase assez rituelle chez Rasmussen qui ne peut être traduite comme un éventuel changement de position mais traduit une inquiétude de la part de plusieurs responsables politiques : maintenant il faut faire vite et ne pas traîner.

La crainte d'un débordement

En fait, ce que craignent par-dessous tout Rasmussen et les responsables de l'Alliance, c'est un effet d'emballement. D'autres pays sont tout aussi soumis à une pression interne, et économique, et pourraient chercher ainsi à suivre la position française ou choisir de partir vite. Il sera d'autant plus intenable pour certains gouvernements de maintenir leur position face à leur opinion publique, alors que des coupes budgétaires sévères sont en cours. Du coup la pression pourrait être forte sur les forces américaines et britanniques, au premier chef, qui portent l'essentiel de l'effort combattant sur place (respectivement 90.000 et 9500 hommes) mais aussi allemandes ou italiennes qui forment les 3e et 4e contingent en importance (respectivement 4900 et 3800 militaires (*).

Des précédents

De toute façon, le secrétaire général de l'OTAN sait bien qu'il sera obligé d'accepter cette décision. La campagne électorale n'est pas en effet terminée, et renoncer ou amender aujourd'hui une position qui a été des points-clés et le plus visible de la nouvelle politique étrangère qu'entend mener F. Hollande constituerait une erreur politique du nouveau gouvernement. Coté français, on souligne aussi combien l'engagement de militaires dans une coalition multinationale ressort d'une décision d'abord, et uniquement, nationale. Il y a des précédents importants comme la décision espagnole prise après le changement de gouvernement (Zapatero) de se retirer de la coalition en Irak. Ou encore la décision néerlandaise de se retirer d'Afghanistan, prise là aussi après une inflexion gouvernementale (changement de majorité à la Chambre). A chaque fois, les alliés ont dû s'incliner devant pareille décision.

Les Français : 3300 hommes sur place

Ceci dit, il ne s'agit pas d'un départ complet de l'Afghanistan de tous les soldats français. Et contrairement à ce que certains détracteurs de cette position affirment, le retrait n'est pas un changement de politique radical. Juste une accélération du calendrier, de quelques mois en fait...

D'une part, la date butoir de fin 2012 ne concerne que les forces combattantes, autrement dit celles présentes en Kapisa, et non les forces de soutien, de formation ou de logistique. Il devrait ainsi rester sur le terrain encore des personnels français, notamment pour assurer le démontage et le rapatriement des matériels qui pourra alors s'étaler en 2013. Simplement, la relève prévue en fin d'année pourrait ne pas partira, ou partir dans un format différent.

D'autre part, le retrait français est déjà entamé. Le nombre de soldats français sur place, selon les dernières chiffres communiqués officiellement par l'Alliance, atteint 3300 militaires (contre 3800 en début d'année). Et plusieurs postes de combat avancé (COP) ont déjà été transférés à l'armée afghane : Hassanabat en septembre 2011, Alasay en février 2012, Shekut (en vallée d’Alasay) et le poste 52, en mars. Tous les COP de la vallée d’Alasay sont tenus par les forces de sécurité afghanes, précise-t-on à l'Etat-Major des armées à Paris.

(*) Si le contingent italien a légèrement baissé (3950 en début d'année), le contingent allemand a lui augmenté (4700 personnes au début d'année).

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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