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Les ministres italien et allemand veulent renforcer l’Europe de la Défense

Giampaolo di Paola et Thomas de Maizière au dernier conseil des ministres de la défense de l'Alliance atlantique (crédit : OTAN, février 2012)

(BRUXELLES2) A quelques jours du sommet de l'OTAN à Chicago, deux ministres de la Défense, l'Italien Di Paola, et l'Allemand De Maizière viennent de signer dans le Corriere un article commun présentant « Cinq objectifs » pour « Elargir la défense commune européenne ». Pour les deux hommes, leur conviction est faite : « L'UE a à offrir beaucoup plus que ce qu'il a fait jusqu'ici, et plus peut-être que certains le pensent ». Et ils prennent en exemple la politique menée actuellement dans la Corne de l'Afrique (avec non seulement l'opération Atalanta, la formation des soldats somaliens et le renforcement des capacités maritimes locales mais aussi l'aide humanitaire et l'aide au développement). C'est un « cas d'école » soulignent-ils.

De façon générale, la coordination efficace entre les Etats-membres et au sein des institutions de l’UE pour la gestion des capacités civiles et militaires existantes « fait aujourd’hui défaut » précisent Di Paola et De Maizière. Un engagement pour renforcer les capacités européennes civiles et militaires est donc « nécessaire ». Cela comprend aussi le « renforcement de l’intégration » entre les institutions de l’UE pour la défense et la sécurité et de leur capacité à « conduire des missions et des opérations ». L'Europe doit franchir un pas. « Il est temps d'élargir le champ d'application de la sécurité et de défense commune » et d'avoir une politique de sécurité et de défense plus « efficace et complète afin de poursuivre nos intérêts communs avec nos partenaires  l'Atlantique ».  Les deux signataires voient ainsi cinq objectifs à assumer :

  • Premier principe : L’engagement. L'Europe sera « tenue d'assumer des responsabilités toujours plus grandes dans le domaine de la sécurité », les Américains donnant une « plus grande importance stratégique » au Pacifique. L'engagement engagement européen existe déjà dans les Balkans et en Afrique. La contribution de l'Union européenne en tant que partenaire sur le terrain sera « d'autant plus nécessaire dans le futur ».
  • Deuxième principe : L'approche globale [comprehensiveness]. La « force spécifique de l'Union européenne est sa capacité à appliquer cette approche à civilo-militaire d'une manière unifiée ». « Maintenir une situation de sécurité durable ne peut être garantie que par une large interaction entre les moyens diplomatiques, économiques, de développement, sociaux, politiques et militaires. » (Nb : la notion militaire arrive en dernier dans cette énumération).
  • Troisième principe : Les capacités. C'est sans doute le paragraphe le plus important (à mon avis) car les deux signataires appellent à une intégration et une coopération plus étroites entre les Etats-membres de l’UE, à dépasser les intérêts nationaux et accepter une dépendance réciproque. « Si nous n'intégrons pas nos efforts pour la défense, aucun Etat, individuel, et même l'Europe comme un tout, ne pourra jamais garantir sa sécurité à long terme » soulignent-ils. « Une coopération plus étroite et plus forte entre les Etats européens est nécessaire pour des raisons à la fois économiques et stratégiques. Si nous n'arrivons pas à coordonner nos plans pour la défense nationale, nous courons le risque de perte de capacité. Il est d'autant plus important de coordonner la planification nationale au niveau international. La condition préalable est de surmonter les réserves au niveau national et de se préparer à abandonner certaines compétences et à accepter la dépendance mutuelle. » (Nb : c'est sans doute le point le plus important).
  • Quatrième principe : la complémentarité entre l'UE et OTAN. Ces deux organisations « devraient être considérées comme complémentaires et non concurrentes. « Les deux organisations ont, toutes deux, leurs mérites : l'Union européenne met l'accent sur civilo-militaire et l'OTAN sur une alliance de défense collective. » Le renforcement de l'industrie de défense européenne renforcera l'ensemble de la communauté euro-atlantique.
  • Cinquième et dernier principe : la coopération, avec les organisations internationales comme l'ONU, l'Union africaine et l'Association des nations d'Asie du Sud doit être « élargie et intensifiée ».

Commentaire : Allemagne et Italie avaient signé en novembre 2011 une déclaration de coopération bilatérale. Un peu par dépit également de la signature des accords de coopération franco-britannique. En invitant, les Européens à aller « vers une solide architecture de sécurité européenne », ils envoient aussi un message, non subliminal, au nouveau gouvernement français pour élargir son horizon et envisager un nouveau saut qualitatif et quantitatif envers ses partenaires européens. Le problème, néanmoins, est que ces deux pays - Italie et Allemagne - ont drastiquement limité certains de leurs moyens opérationnels. C'est un inconvénient aujourd'hui. Ce pourrait être un atout demain. A Paris désormais de saisir ce qui peut s'interpréter comme une main tendue (considérons le bon coté des choses...).

(*) ceci est une traduction non officielle, effectué par mes soins, du texte publié en italien.  Thomas de M. et Giampaolo di P. ne m'en voudront pas, j'espère de quelques approximations dans la traduction. Mais l'essentiel y est, j'espère 🙂

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

2 réflexions sur “Les ministres italien et allemand veulent renforcer l’Europe de la Défense

  • Il faudra mettre en place une grande armée Européenne qui pourra faire face aux futurs menaces en Europe et au monde.

  • À l’intention de Mr Nicolas Gros-Verheyde :
    “Le problème, néanmoins, est que ces deux pays – Italie et Allemagne – ont drastiquement limité certains de leurs moyens opérationnels. C’est un inconvénient aujourd’hui. Ce pourrait être un atout demain.”

    J’avoue avoir quelques difficultés – et le mot est faible – à comprendre comment la réduction drastique de certains moyens opérationnels de deux pays aussi importants en Europe que l’Allemagne et l’Italie pourrait représenter, d’une quelconque manière, un avantage à courte, moyenne ou longue échéance, pour l’Union Européenne ou pour les autres Etats-membres.

    À mon humble avis, cela signifie que d’autres pays, je pense surtout au Royaume-Uni, à la France et à l’Espagne, devront prendre sur leurs épaules politiques, humaines et financières le fardeau des capacités opérationnelles dont d’autres pays se seront défaussés.

    Pourriez-vous, je vous prie, me faire part de votre sentiment et de votre expertise sur ce point ?

    Je vous remercie de l’attention que vous pourrez apporter à mon message.

    Bien respectueusement,

    Nicolas F.

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