B2 Le Quotidien de l'Europe géopolitique. Actualité. Dossiers. Réflexions. Reportages

Afrique EstMissions OpérationsReportage

La mission EUTM Somalia démarre (Reportage)

(BRUXELLES2 à Kampala) Ca y est ! Les premiers soldats somaliens - qui seront formés dans le cadre de la mission européenne EUTM - sont arrivés à l'aéroport de Kampala (Entebbe), lundi. En toute discrétion (les Ougandais ne tiennent pas à une arrivée avec tambours et trompettes).

Full operationnal capacity déclarée

La plupart des effectifs européens d'EUTM sont déjà arrivés, eux aussi. Et la "Full Operationnal Capability" (FOC) a été atteinte, le 5 mai, selon un document présenté à la presse par le chef de la mission, le colonel espagnol Ricardo Gonzalez Elul. Ils proviennent de 14 nationalités (1). Tous sont à peu près là, à une seule exception : les Belges qui attendent encore une autorisation de leur Parlement (retardée avec la chute du gouvernement belge) et le Luxembourgeois (qui devait partir avec les Belges).

TableauEffectifEutmSomalia.jpg

Le QG de la mission - doté de 25 personnes - a été installé à Kampala ; un hôtel de la capitale a été loué pour les besoins de l'opération, "plus simple", "plus pratique", "plus rapide". Les autres formateurs sont directement sur place à Bihanga. Le SOFA - accord sur le statut des forces - n'est pas encore signé. Il devrait être signé dans les jours prochains (le 20 mai peut-être, d'ici la fin du mois sûrement). Un officier de liaison ainsi qu'un conseiller politique sont présents à la cellule à Nairobi. Un autre officier de liaison est présent à Bruxelles chargé de la coordination avec les autorités politiques, la CMPD et l'Etat-Major de l'UE.

Une mission d'un an

Ainsi que l'avait déjà précisé le colonel Elul à Bruxelles : "La mission EUTM devrait durer 14 mois environ. Les 2000 Somaliens seront formés en 2 sessions de six mois chacune. » (avec une pause de 1 mois entre les 2 sessions). Chaque contingent comprendra un tiers de sous-officiers (330) et 2/3 de soldats (670). Ils seront formés dans les mois qui suivent, de façon conjointe, par les Européens et Ougandais.

Les Ougandais assureront l'essentiel de la formation de base ("apprendre à travailler ensemble") ; les Européens assurant les formations spécialisées selon un planning défini.

PlanningFormationEutmSomalia.png
Nb : en bleu la formation faite par les Ougandais, en rouge, celle faite par les Européens

Des teams de formateurs

Une dizaine d'équipes de formation ont été formées : 3 teams Espagnols (dont un avec les Grecs), 2 teams Français, 1 Belgo-Luxembourgeois, 1 Hongrois et Allemands, 1 Irlandais et Maltais, 1 Suédois et Finlandais. Les modules de formation spécialisés sont pris en charge par un Etat membre : sous-officiers par les Français, les mines et actions contre IED ainsi que l'évacuation médicale (MEDAC) par les Italiens,  les  communications par les Allemands, la Fibua (Fighting in Built-Up Areas - ou combats en zones habitées) par les Portugais.

L'Europe vient compléter un effort déjà réalisé

Le GFT estime « avoir besoin des forces de 10.000 personnes. 6000 doivent être formés ; 4000 ont été déjà formées par diverses formations bilatérales. Il en reste 2.000 à former » avait précisé, récemment à Bruxelles, Didier Lenoir, qui suit les missions militaires à la CMPD, la direction de planification militaro-civile de l'UE (qui va être intégrée au service diplomatique de l'UE). Précision : plus de 500 ont été formés par les Français à Djibouti, 1200 par les Ougandais à Bihanga, environ 1000 autres par les Américains à Djibouti notamment.

Processus de sélection

La sélection des soldats sur la base des critères définis par les Européens (1) est faite, sur place, par le gouvernement transitoire somalien (GFT). Le passé de chacun des "élèves" a été scruté par les américains pour éviter d'avoir des apprentis terroristes. « Les bad guys seront exclus immédiatement du processus » explique le colonel Ellul.

Les recrues proviennent d'un peu toute la Somalie. Les Somaliens ont été acheminés par C130 d'abord puis par plus gros porteur (Boeing 737) ensuite. Des avions affrétés par DynCorp international, qui est un des contractants privés du Département d'Etat US en Somalie et a été mandaté par l'opération EUTM, en étroite liaison avec Américains (1). Les Somaliens sont regroupés au camp Jazeera, à Mogadiscio (Somalie) avant le départ vers Entebbe (Ouganda). Là ils sont équipés et le processus de sélection complété, notamment pour vérifier que les conditions principales, comme l'âge, sont bien respectées. Puis ils sont acheminés par bus civil jusqu'au camp de Bihanga. Un camp des forces ougandaises (UPDF) situé à plus 200 km de la capitale, à 7 heures de route de Kampala, à l'est du pays. (*)

TrajetRecruesEutm.jpg

(*) Une route que l'Union européenne est en train de rénover. L'ambassadeur de l'UE Vincent De Visscher a ainsi confirmé, hier, que l'UE financerait à hauteur de 335 millions de shilling ougandais (environ 122 millions d'euros) la route Masaka-Mbarara, qui constitue un des axes très fréquentés du pays (et la route vers Bihanga). Le plus important projet que l'UE ait financé dans le pays - qui figurait déjà dans le programme indicatif défini il y a plusieurs mois - et une contribution au développement de l'Ouganda. L'aspect "global" de la politique extérieure de l'UE, en "format Lisbonne", joue ainsi déjà même si le service diplomatique de l'UE n'est pas encore en place.

(Nicolas Gros-Verheyde)

Le dossier :

Lire également:

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

s2Member®