Le projet “Simoon” laisse le minDéf suédois sur le carreau
(BRUXELLES2) C'est une banale vente d'un complexe militaire à l'Arabie saoudite qui a eu raison du ministre de la Défense suédois. Dans d'autres pays, le même ministre aurait été félicité, voire décoré. Pas en Suède. Au terme d'une importante controverse sur l'aide apportée par la Suède à un programme d'armement de l'Arabie Saoudite, le ministre de la défense suédois, Sten Tolgfors, a présenté, jeudi (29 mars), sa démission. Tolgfors aurait, selon le Premier ministre Fredrik Reinfeldt, déjà donné signe de sa volonté de quitter son poste. Il a été "relevé de ses fonctions" selon sa propre volonté... C'est la ministre chargée des infrastructures Catharina Elmsaeter-Svaerd qui va assurer l'intérim du portefeuille "défense".
Le secret défense qui passe mal au pays de la transparence
Le scandale avait éclaté quand la radio publique suédoise avait révélé, le 6 mars dernier, l'existence d'une coopération entre l'Agence de Recherche de Défense suédoise (FOI) et les pays du golfe. Si, en théorie, un tel accord n'a rien d'illégal car aucun embargo suédois sur les armes n'existe vis-à-vis de l'Arabie Saoudite, il a toutefois été vivement critiqué par la presse. C'est avant tout le caractère secret de cette coopération qui était dénoncé, dans un pays où la transparence est souvent présentée comme une priorité. Mais la controverse est devenue plus politique, l'opposition déclarant que la Suède ne devrait pas vendre des armes à une dictature.
Le projet "Simoon", un accord de grande ampleur...
D'abord discret, le ministre Tolgfors a ensuite confirmé l'existence d'une telle coopération, initiée en 2005 déjà par un de ses prédécesseurs, Leni Björklund (parti social-démocrate). Ce n'est pas la première fois que la Suède vend des armes à l'Arabie Saoudite: l'année dernière, la Suède a exporté pour 1,56 milliards d'euros de matériel de défense et l'Arabie Saoudite était son deuxième plus gros acheteur. Mais les documents classifiés, révélés par la radio le 6 mars, montrent que le projet Simoom « pousse les limites de ce qui est possible pour les autorités suédoises ». Le projet industriel visait, en effet, à aider les Saoudiens à installer une nouvelle usine d'armement, comprenant 35 bâtiments au total, pour construire ou réparer des armes anti-tanks (missiles), des munitions et autres explosifs par exemple. De nombreuses entreprises suédoises étaient intéressées au projet, comme Saab, Ericsson ou FMV.
... aux frontières de la légalité
Ce "Projet Simoom" - portant le même nom que ce vent sec et chaud au Moyen Orient - a débuté en 2007 sous l'égide de la FOI. Celle-ci a par la suite "laissé la main" à une entreprise privée créée spécialement pour le projet (la Swedish Security Technology and Innovation ou SSTI)), estimant que l'Agence publique aurait été "légalement freinée". En d'autres termes, il s'agissait de contourner les obstacles légaux. C'est ainsi SSTI qui a reçu, l'année dernière, l'approbation de la part de l'Agence suédoise de contrôle des exportations et de non-prolifération (ISP) pour démarrer la vente des matériels nécessaires.
Le premier ministre Fredrik Reinfeldt (du parti conservateur "moderaterna", tout comme Tolgfors), également sous pression à ce sujet, a reconnu implicitement l'ambiguité du projet. « Lorsque nous signons des accords bilatéraux ; il n'y a pas, comme vous le savez, de demande de démocratie ». Il "présumait" que les lois suédoises avaient été respectées. Pourtant, le directeur général de la FOI, Jan-Olof Lind, a informé la presse la semaine dernière qu'il avait eu vent d'un "crime suspecté", suite à une enquête interne. Outre l'opposition qui demande que Tolgfors soit questionné par le parlement malgré sa démission, une enquête préliminaire a été ouverte par la juge suédoise Agneta Hilding Qvarnstroem.