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Le débat sur les gardes privés s’ouvre en France. Les armateurs européens sont contre

(BRUXELLES2) Les armateurs semblent toujours dubitatifs sur la solution des gardes privés armés pour lutter contre la piraterie. Ils viennent de publier un "position paper" qui entend attirer l'attention des gouvernements sur leur responsabilité dans ce domaine. « La protection des navires contre la piraterie - indépendamment de leur pavillon ou de la nationalité de l'équipage - est une responsabilité claire et légitime des gouvernements en vertu de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer » explique le président de la chambre européenne des armateurs (ESC), Jean-Louis Cambon. La Chambre « exhorte donc les gouvernements, partout dans le monde, d'assumer leurs responsabilités dans l'application de la Convention, la protection de leurs pavillons,  de coopérer et d'aider ainsi pleinement à la protection de tous les navires marchands dans leurs eaux territoriales ». Et les armateurs de rappeler, fermement, leur position traditionnelle sur les gardes armés privés. « Il y a de plus en plus de soutien au sein du secteur maritime et de certains gouvernements pour armer les équipages des navires eux-mêmes ou employer des gardes armés privés (NB : cela fait maintenant partie des Best Practices rédigées par communauté maritime). C'est compréhensible. Mais ce n'est pas notre réponse. Cela peut entraîner d'autres problèmes de responsabilité, et augmenter le niveau de la violence des pirates. La sécurité de l'équipage est primordiale. »

Briser le tabou

Cette position intervient alors que plusieurs députés français sont favorables à un changement de position sur la question des sociétés militaires privées, notamment en matière de lutte contre la piraterie, suivant en cela l'avis des Armateurs de France. Dans un rapport rendu le 14 février à la Commission de la Défense et des Forces Armées de l’Assemblée nationale, Christian Ménard et Jean-Claude Viollet brisent ce qu'ils appellent « un tabou » en préconisant « l’ouverture, en France, d’Entreprises de services de sécurité et de défense (ESSD) ». Les deux parlementaires, issus de deux groupes politiques opposés (le premier est UMP du Finistère, le second du PS de Charente), se rejoignent totalement sur la nécessité de créer des sociétés françaises destinées à assurer la sécurité, notamment à l’étranger, de nos grands groupes industriels, de leurs personnels. « Nous devons avoir conscience que notre pays, en raison de la multiplicité des théâtres d’opérations, doit avoir recours à ce type de sociétés. Les Anglo-Saxons, Sud-Africains, Israéliens, entre autres, l’ont fort bien compris en créant de telles entités… », précise ainsi Christian Ménard, bien connu de ce blog puisqu'il a rédigé deux rapports sur la piraterie maritime. C'est une question de sécurité mais aussi d'intérêt industriel. « Les Armateurs de France, l’énorme majorité des militaires (qui voient là la possibilité d’une seconde carrière), les industriels vont dans le sens d’une telle ouverture. Il appartient désormais à notre pays, d’expérimenter (pourquoi pas au niveau de la piraterie maritime ?), de légiférer et, bien sûr, de labelliser de telles sociétés ».

NB : on peut remarquer le silence sur la question de l'Union européenne. Or nous sommes ici dans un domaine économique. Et il y aurait un intérêt à avoir un cadre collectif communautaire, pour éviter des législations divergentes. Un cadre facultatif qui permette de prendre en compte la position des pays qui souhaitent autoriser ou non ces sociétés. Sinon il risque d'y avoir, tôt ou tard, un effet de téléscopage entre les différentes législations nationales et les principes communautaires de libre établissement et libre prestation de services.

Télécharger Ici le document de position de l'ESC ou dans les docs de B2

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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