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La Commission avoue n’avoir aucune base juridique sur l’action à la baisse des salaires en Grèce

Depuis plusieurs mois, la Commission européenne insiste sur la nécessaire baisse des salaires en Grèce. En octobre déjà, dans un journal grec Kathimerini, Matthias Mors, représentant de la Commission européenne, soulignait que «le salaire minimum en Grèce est supérieur à celui des pays membres de l'Union européenne ayant le même niveau de vie ». Le porte-parole du commissaire Rehn, chargé de l'Economie au sein de la Commission européenne a repris cette antienne, lundi, lors du point de midi, en répondant à ma question, « Il ainsi comparé le salaire minimal grec (à 725 euros) à celui du portugais qui est inférieur, pour un niveau de vie comparable, ou le salaire minimal espagnol (*).

La pression normale

Pour le porte-parole d'Olli Rehn, l'existence d'une pression sur le salaire minimal en Grèce est tout à fait normal. « La Commission européenne est engagée avec ses partenaires de la zone Euro dans un effort sans précédent, avec les citoyens grecs. Il est juste et normal et bon pour la Grèce qu’il y ait un effort vers une croissance soutenable. La Grèce est un pays qui a vécu au delà de ces moyens depuis longtemps (...) avec une perte de compétitivité. La conséquence normale aurait été la faillite. L’Europe a assuré une solidarité sans précédent de ses partenaires. Je refuse catégoriquement la terminologie que la Commission impose quoi que ce soit. »

La Commission ne peut agir pour mettre en place un SMIC européen mais peut exiger la baisse des salaires
On ne peut qu'être étonné de voir la Commission aussi précise sur ses demandes sur le salaire minimal en Grèce, alors qu'elle s'est jusqu'à présent toujours refusé d'entrer dans le débat salarial. On se rappelle le débat d'il y a quelques années, où il ne s'agissait même pas d'imposer un minimal européen, mais d'obliger chaque Etat à avoir un minimal (fixé selon un ratio relatif à sa croissance ou son produit intérieur brut). Il y a aussi l'article 153 du Traité qui restreint le pouvoir de l'UE quant à harmonisation du salaire.

Le porte-parole d'Olli Rehn a dénié tout d'abord qu'il s'agissait d'harmonisation du salaire. Point discutable. Mais l'essentiel n'est pas là. Il a été surtout évasif sur la base juridique qui conduisait à l'action de la Commission européenne. La Commission n'agit pas sur la base du traité mais « sur la base du mémorandum conclu entre la Grèce et les créanciers » a-t-il expliqué me renvoyant, d'un ton à ce memorandum. De fait, après recherche, il n'y a rien d'aussi précis dans ce mémorandum signé en aout 2010, du moins qui donne un tel pouvoir à la Commission européenne.

Rien dans le MoU

Le porte-parole du commissaire vient de l'avouer dans un rapide échange que nous avons eu aujourd'hui. "Il n'y pas de mention spécifique à la baisse du salaire minimum dans le MoU." Aveu un peu tardif et très discret.

La conclusion est donc claire : Il n'y a donc aucune base juridique à l'action de la Commission européenne sur les baisses de salaire en Grèce. Cela n'empêchera nullement le problème économique en Grèce de perdurer. Mais cela pose à la fois un sérieux problème de légalité et de légitimité, qui ressemble à ce qu'on appelle en droit un détournement ou un abus de pouvoir. Et cela pose également la question de la véracité des informations données par la Commission européenne dans cette période pour le moins troublée.

NGV

(*) Cette analyse est assez courte. Et n'est pas tout à fait exacte. Elle repose en fait sur des données en PPS (purchasing power standard), et non en euros. Et, selon les statistiques 2009 d'Eurostat, on peut s'apercevoir que le salaire minimal irlandais (1152) est très supérieur, et très proche du Smic français. D'autres données ont été publiées par Eurostat pour 2012 et les années précédentes. Elle ne coincident pas tout à fait. mais permettent d'établir des comparaisons (en euros).

Belgique 1443,54
Bulgarie 138,05
République tchèque 310,23
Danemark -
Allemagne -
Estonie 290
Irlande 1461,85
Grèce 876,62
Espagne 748,3
France 1398,37
Italie -
Chypre -
Lettonie 285,92
Lituanie 231,7
Luxembourg 1801,49
Hongrie 295,63
Malte 679,87
Pays-Bas 1446,6
Autriche -
Pologne 336,47
Portugal 565,83
Roumanie 161,91
Slovénie 763,06
Slovaquie 327
Finlande -
Suède -
Royaume-Uni 1201,96

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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