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Le projet de traité Zone euro est écrit. Texte et quelques commentaires (Maj)

(BRUXELLES2, analyse) La crise économique est une menace "sécuritaire" au même titre que d'autres, comme le rappelait justement le ministre de la Défense, Leon Panetta, récemment. B2 ne pouvait donc se désintéresser du nouveau Traité qui va être mis en place dans l'Union européenne. On en connait plus depuis cet après-midi. Le texte vient d'être en effet diffusé aux Etats membres, avec l'objectif de traduire le plus rapidement possible, en dispositions juridiques, l'accord politique obtenu au sommet du 9 décembre entre les dirigeants de la zone Euro.  L'objectif - ainsi qu'il est précisé dans l'article 1 - est d'aboutir à un « renforcement de la discipline budgétaire, la coordination et la gouvernance ».

Une méthode originale

Ce qui aussi intéressant que le contenu est la méthode de travail : ce texte a été préparé par les juristes du Conseil en liaison avec ceux de la Commission - les Etats membres n'étant pas associés -, puis transmis aux Etats membres. Mais il est rare que la presse soit associée à ce point puisqu'un briefing a été organisé au conseil afin de donner à la presse les premiers éléments contenus dans ce texte.

Le texte transmis aux Etats membres va maintenant être disséqué et commenté. Le premier travail se déroulera ensuite en groupe de travail "Zone euro" élargi à tous les membres de l'Union européenne (y compris les Britanniques), puis devrait passer directement aux chefs d'Etat ou de gouvernement. Aux discussions techniques participeront également la Commission européenne et le Parlement européen, chaque délégation aura 3 membres. L'objectif étant d'aboutir à une signature dès mars. Le lieu n'est pas fixé. Mais de l'avis général, le plus facile serait de le faire en marge d'un des Conseils européens, à Bruxelles. Un sommet informel est d'ores-et-déjà convoqué le 3 février, afin d'affiner les discussions.

Un accord de droit international

Cet accord est un accord international classique, et non un accord communautaire, même s'il donne aux institutions communautaires (Cour de justice...) certaines compétences. Il obéit donc aux règles du droit international, notamment pour tout ce qui n'est pas mentionné dans ce texte.

Il est écrit en anglais (ce qui n'est pas d'ordinaire l'habitude suivies dans les services juridiques de l'UE, où les Traités étaient souvent rédigés en français).

Il comprend 14 articles divisés en six titres : l'objectif, le contenu et les relations avec le droit communautaire, la discipline budgétaire, la convergence économique, les sommets européens, les dispositions finales.

A qui s'applique-t-il ?

Les parties contractantes de l'accord sont les Etats de la zone Euro. C'est à eux qu'il s'applique en priorité. Mais il peut aussi être appliqué par les autres Etats de l'Union européenne qui y souscrivent et le ratifient. Ceux-ci bénéficient même d'un régime privilégié car ils peuvent choisir d'appliquer volontairement une ou plusieurs dispositions du Traité.

Tous les Etats membres ayant « indiqué leur volonté de participer à cet accord ont les mêmes droits », qu'ils soient membres ou non de la Zone euro, précise un juriste. Le Royaume-Uni a d'emblée indiqué qu'il ne voulait pas être partie à l'accord, il sera donc "observateur".

Les parties s'obligent à « appliquer cet accord en conformité avec les Traités européens et la loi européenne ». Ce texte « ne peut contredire les dispositions déjà en vigueur ou qui ressortent de la compétence de l'UE » (article 2).

Quand entre-t-il en vigueur ?

Cet accord entre en vigueur le mois suivant la 9e ratification d'un Etat partie. Ce qui est une rupture avec le principe en vigueur de l'unanimité nécessaire pour la ratification en application dans l'Union européenne depuis sa création. En revanche, cette pratique est d'usage très courant en droit international. Le Traité ne sera applicable qu'aux Etats l'ayant signé, au fur et à mesure de leur ratification. Un seul point est applicable dès l'entrée en vigueur, à tous : la tenue des sommets européens. « On ne peut avoir une participation en fonction de la ratification ou non" souligne un juriste ayant participé à la rédaction de ce projet.

Comment peut-il être modifié ?

Cette question n'est pas mentionnée. Elle doit donc être « réglée selon les règles du droit international classique » précise un juriste européen. Concrètement, le Traité ne pourra être modifié qu'à l'unanimité des Etats participant à l'accord et l'ayant ratifié (et non pas seulement à l'unanimité des signataires). NB : il parait cependant difficile politiquement de ne pas associer au minimum les Etats de la Zone euro, même ceux n'ayant pas ratifié.

Que se passe-t-il en cas de litige ?

Rien n'est précisé sur ce point. Mis à part la compétence de la Cour de justice européenne (CJUE) sur l'application de la règle d'or. Suivant le droit en vigueur, ce pourrait donc être la Cour internationale de justice qui soit saisie. Ou une instance d'arbitrage choisie au gré de la volonté des Etats ; pourquoi par la CJUE, dans ce cas.

Le contenu : discipline, convergence, sommets...

Les mesures décrites reprennent celles contenues dans l'accord du 9 décembre, à commencer par la règle d'or (équilibre des recettes et dépenses des budgets publics (general government) ; respect d'un maximum de 0,5% du PIB nominal de déficit par an, permettant d'assurer une marge de sûreté par rapport à l'objectif de 3% de déficit excessif). Cette règle d'or doit être introduire de façon obligatoire par une règle constitutionnelle ou de nature équivalente. Un mécanisme de correction automatique doit être défini au niveau national - sur la base de principes communs. (article 3) Tout manquement à ces principes pourra être contrôlé les tribunaux nationaux comme par Cour de justice européenne, auquel le Traité donne compétence. NB : Contrairement à la procédure communautaire, seul un Etat membre pourra se plaindre à la Cour (et non la Commission européenne). Ce qui en limite d'autant la portée.

Les Etats s'engagent à réduire leur endettement moyen d'un vingtième par an (article 4). Nb : Une disposition déjà prévue en fait dans le "6 pack" et qui donne ainsi à une règle du droit dérivé, une valeur du droit primaire.

Ils s'engagent à soutenir les propositions de recommandations mises sur la table par la Commission européenne en cas de déficit excessif à moins qu'une majorité qualifiée s'y opposent. La majorité qualifiée étant définie par référence au Traité européen (article 7).

Convergence

Les mesures relatives à la convergence sont davantage d'ordre politique que vraiment juridiques. Les Etats s'engagent à prendre « toutes les actions nécessaires » pour renforcer leur convergence, leur compétitivité et améliorer le fonctionnement de l'union économique et monétaire (article 9). Ils conviennent de recourir, « si nécessaire et approprié », à la coopération renforcée sur les sujets essentiels au fonctionnement harmonieux de la zone euro (article 10). Ils conviennent de discuter ensemble des réformes économiques majeures qu'ils planifient (avant de les appliquer). Une coordination qui devra impliquer les institutions de l'UE (article 11). Les parlements nationaux et européen seront associés à certaines discussions (article 12).

Réunions au sommet

Le Traité entérine le principe de réunions du sommet de la Zone euro ; leur nombre est fixé à « deux par an ou plus » (article 13) et non un tous les mois, comme souhaité par la lettre franco-allemande. C'est un traité « destiné à durer » précise un juriste, on doit donc une disposition qui soit adaptable et non liée à certaines circonstances. Y participent les Etats membres de la zone Euro et le président de la commission européenne, ainsi que le président de la Banque centrale comme invité. La présidence de ce sommet sera fixe, confiée à un président élu à la majorité simple en même temps que le Conseil européen élit son président et pour la même durée.

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Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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