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Nouveau gouvernement en Belgique, une certaine continuité. Les détails

(BRUXELLES2, analyse) Il aura fallu 540 jours de tergiversation pour avoir un nouveau gouvernement et surtout fixer un nouvel accord de gouvernement. Mais le changement en matière de politique étrangère et de défense n'est pas vraiment énorme.

On peut parler d'un changement dans la continuité, particulièrement en matière de réforme de la défense. Ce n'était d'ailleurs pas un grand sujet de divergence entre les parties prenantes de de la nouvelle coalition gouvernementale (PS/SPA, CD&V/CDH, MR/VLD).  La faible place donnée à la politique étrangère dans la longue déclaration gouvernementale (177 pages) n'est donc pas le reflet d'un manque d'intérêt. Au contraire.

On peut ainsi plutôt parler davantage d'approfondissement de certains sujets comme pour la réforme de l'armée belge ou l'implication du parlement dans les opérations extérieures. De façon assez conforme à sa tradition pro européenne, la Belgique se prononce aussi pour un nouveau souffle européen et une nouvelle impulsion à la défense européenne tout comme la recherche accrue de coopérations militaires et de niches d'excellence qu'elle pourrait développer.

La continuité et un changement de casquette

Selon les dernières informations, le ministère de la Défense resterait géré par Pieter de Crem (chrétien-démocrate flamand), l'actuel titulaire du poste, tandis qu'aux Affaires étrangères et européennes arriverait un nouveau. Enfin pas tout à fait... Car Didier Reynders (libéral francophone) n'est pas vraiment le prototype d'un 'petit nouveau'. C'est même plutôt un ancien, un poids lourd du gouvernement. Il est ainsi en poste depuis plus de 12 ans, à la tête du ministère des Finances, où il a imprimé sa marque. Il connait parfaitement nombre de ses homologues au niveau européen notamment. S'il serait bien resté là, les autres partenaires de la coalition ne le souhaitaient pas trop.

Né le le 6 août 1958, diplômé de l'université de Liège, Reynders débute en politique auprès de Jean Gol alors ministre de la Justice comme expert en droit constitutionnel. Il assure ensuite la présidence de la SNCB (1986-1991), de la Société Nationale des Voies aériennes (1991-1993), devient député (à partir de 1992), puis chef de groupe  du parti libéral à la Chambre (1995-1999) et enfin ministre des finances (1999-2011). L'intéressé, fier comme Artaban, "rêvait" d'un autre poste qui lui permet de continuer en beauté, alors que son action aux Finances pouvait prêter à discussion. Aux Affaires étrangères, il pourra s'épanouir. Il ne sera pas pour autant un "client" plus facile pour la Haute représentante que son prédécesseur, Steven Vanackere, qui n'avait pas ménagé ses critiques sur la Britannique.

Objectif : une armée de 30.000 hommes et poursuite de la réforme de défense

L’ambition globale de l’armée est de permettre « sa projection sur les théâtres d’opérations extérieures » tout en lui permettant de « continuer également d’assumer ses missions sur le territoire national, comme par exemple le démantèlement d’explosifs, le sauvetage en mer, l’aide à la population en cas de catastrophe,... ». Une contribution à la réduction des coûts est demandée à la Défense, avec un « remplacement partiel des départs au sein de la Défense dans la perspective d’une armée de 30.000 militaires à l’horizon 2015 (NB : auxquels il faut ajouter 2.000 civils), ainsi que diverses autres économies à la Défense, notamment dans les frais de fonctionnement ».

Restructuration poursuivie

La restructuration se poursuit. Un nouveau statut pour les militaires devra être élaboré pour permettre « de recruter des jeunes militaires pour une période limitée ». Les états majors et les cadres supérieurs seront « rationnalisés ». Les unités opérationnelles seront préservées. Même si ce n'est pas précisé, certains quartiers et casernes vont continuer d'être fermés, selon le plan déjà décidé.

Plan d'équipement à venir

Concernant les équipements, un engagement est pris : « équiper les unités et le personnel de façon adéquate pour l’exécution de leurs missions et assurer leur sécurité ». Les détails ne sont pas encore fixés. Ils figureront dans un plan d’investissement pour la Défense pour 2011-2014 qui sera présenté « dans les meilleurs délais ».

Niches d'excellence

Le Gouvernement entend aussi préciser les « niches d’excellence » dans lesquelles l’armée se spécialisera, en concertation avec nos partenaires européens et de l’OTAN. « Autant que faire se peut, un pooling et sharing maximum avec nos partenaires européens et de l’OTAN sera organisé. »

Association du Parlement aux décisions d'engagement

La Belgique est gouverné par un modèle où l'exécutif conduit les opérations militaires. Selon la Constitution, c'est le « Roi (qui) commande les forces armées, et constate l'état de guerre ainsi que la fin des hostilités ». Il n'est pas question de modifier ce texte ou de passer à un modèle d'armée parlementaire à l'allemande . Mais d'approfondir une pratique déjà engagée pour l'opération en Libye par exemple, en associant davantage le parlement. « Dans le cas d’opérations futures s’inscrivant sous mandat ONU, le Gouvernement s’engage à informer sans délai le Parlement et à l’associer dans le suivi de celles-ci. » « Pour le suivi des opérations en cours, leur modification éventuelle et les partenariats militaires, le Gouvernement recherchera avec le Parlement le mécanisme le plus adéquat afin de garantir la fluidité de l’information, tout en respectant le degré de confidentialité nécessaire. »

Définir une politique de sortie en Afghanistan

Les troupes belges vont se retirer à partir de l'année prochaine jusqu'à 2014, mais une présence ultérieure pourra y demeurer, est-il bien précisé. C'est une des seules opérations à être ainsi strictement inscrite dans le programme de gouvernement. Le Gouvernement veut définir, « en pleine collaboration avec ses partenaires OTAN, UE et ONU, une stratégie et un calendrier de retrait des troupes belges en Afghanistan dès 2012 pour un retrait définitif au plus tard en 2014 (décisions de Lisbonne de novembre 2010), sans exclure une présence sur place, avec d’autres pays partenaires, pour contribuer à la reconstruction du pays. » On remarque ainsi que la Belgique ne suit pas l'exemple de son voisin néerlandais en choisissant de rester militairement engagé jusqu'à la fin de l'engagement de l'OTAN.

Mandat de l'ONU obligatoire

Pour autant, aucune action militaire ne sera engagée par la Belgique sans mandat de l’ONU, là où le droit international l’exige.

Réforme de l'OTAN et défense du consensus

Dans la réforme du concept stratégique de l’OTAN, le nouveau gouvernement entend défendre deux principes auxquels la Belgique tient : « le maintien de la règle du consensus en matière de prise de décision et de prise en charge par chaque nation des coûts de son propre engagement ». Allant ainsi à l'encontre d'une certaine décision majoritaire prônée par certains pays.

Une nouvelle impulsion à la défense européenne

La Belgique veut « donner une nouvelle impulsion à une plus grande coopération militaire en Europe. » Le gouvernement veut ainsi travailler « activement à la mise en place et au renforcement d’une défense européenne, base essentielle d’une politique étrangère crédible pour l’UE. Cette défense conférera à l’Europe une capacité d’établir un partenariat plus équilibré et donc plus fiable avec nos alliés, notamment au sein de l’OTAN. » est-il précisé.

Pour un nouveau souffle européen

De façon plus générale, la Belgique veut continuer à jouer son rôle de « pionnier pour renforcer l’Union européenne ». Le Gouvernement veut ainsi continuer à soutenir « activement » la mise en place « harmonieuse » des institutions nées du Traité de Lisbonne et à « renforcer l’esprit communautaire » (elle avait déjà démontré cette volonté lors de sa présidence de l'UE). Dans la continuité du Traité de Lisbonne, le Gouvernement veut « plaider pour le renforcement de l’intégration européenne afin de donner un nouveau souffle à ce projet européen ».

Politique étrangère : une attention gardée sur les Grands lacs

Pour le gouvernement, la priorité reste, « au sein des instances européennes comme internationales », les questions relatives à la paix et la démocratie. « La région des Grands Lacs et le pourtour méditerranéen seront à cet égard prioritaires. »

 

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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