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La stratégie de sécurité de l’UE : bonne à la poubelle ?

(BRUXELLES2) C'est le constat de Sven Biscop. L'Europe a besoin d'une nouvelle stratégie de sécurité écrit le directeur de recherche "Europe" de l'Institut Egmont dans un de ses "Security policy brief". « Adoptée en 2003, la stratégie a perdu de son acuité. C'est logique », explique-t-il. Après un certain temps, « toute stratégie atteint sa date de péremption ». Mais, plus important, ce texte se révèle aujourd'hui impropre à «conduire une politique et une action ». Le travail mené en 2008 était destiné à remettre à jour le texte. Mais il a été « insuffisamment concret et pas assez prospectif ».

Le travail de mise à jour de 2008 
" insuffisamment concret et pas assez prospectif "

Le moment de la révision est venu

La stratégie actuelle, si elle garde une certaine pertinence sur le "comment faire", reste en effet très « vague » sur ce qu'il faut faire. « Sans une stratégie plus complète, l'action préventive et la réaction rapide, deux des buts clés de la stratégie, sont virtuellement impossible, comme en témoigne l'improvisation initiale en Libye ». Le moment de la révision est venu, souligne S. Biscop. « Il y a une opportunité idéale » avec l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne. Et dans le « contexte de contraintes financières, une prioritisation est plus nécessaire que jamais». « L'Europe doit engager d'importants efforts en matière diplomatique, économique, militaire et civil sur un certain nombre de questions », insiste-t-il.

Une nouvelle stratégie en 2013

L'objectif serait d'aboutir en 2013. A l'image de sa naissance en 2003, avec une Europe divisée sur l'Irak, la stratégie 2013 permettrait de « transformer la division de l'Union et le manque de stratégie sur la Libye » en une « énergie positive ». C'est le Conseil européen qui, selon lui, est la « seule structure capable de donner un réel impetus pour le développement d'une capacité collective ».

La méthode "ouverte" suivie pour la stratégie de 2003 devrait être conservée, permettant d'impliquer un large public (diplomates, parlementaires, thinks thanks…). Cette nouvelle stratégie reprendrait les objectifs de l'UE de promouvoir ses 4 valeurs fondamentales (« sécurité, prospérité, démocratie et égalité ») dans le monde. Elle devrait fixer des objectifs clairs et des priorités : la défense du territoire de l'Union contre toute menace militaire, la préservation des voies de communication et de commerce, la sécurisation de l'énergie et d'autres ressources naturelles…

Trois priorités

Pour S. Biscop, parmi les priorités, il faut revitaliser le voisinage, en poussant la démocratie et rendant la conditionnalité « plus consistante, effective et crédible » ; développer une vision de la réforme de l'architecture multilatérale ; définir des régions prioritaires où la PESC pourrait trouver à s'exprimer comme « instrument décisionnel » pour les opérations et le renforcement des capacités.

télécharger l'étude ici

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

Une réflexion sur “La stratégie de sécurité de l’UE : bonne à la poubelle ?

  • Il ne me semble pas que les priorités soient à nouveau le conceptuel. La situation actuelle, le poids de l’intergouvernementalisme, les discours très particuliers de Catherine Ashton et la mise en avant des boîtes à outils rendent la proposition, sinon illusoire, au mieux précoce. Si un document doit sortir, c’est davantage un Livre blanc européen de la sécurité-défense précisant les synergies à mener, les programmations militaires à harmoniser, le capacitaire à gérer collectivement. Les priorités sont celles-là, non une nouvelle grande messe qui nous détournerait de l’essentiel. Les vrais questions tournent autour de l’avenir des Battelgroups et de la CSP (mort-née ?), du degré de “robustesse” d’Atalanta, de l’entrisme de la Commission européenne dans les matière de défense, du poids du Parlement européen, des réductions budgétaires décidées dans une logique nationale sans consultation collective, de la révision du mécanisme Athena, etc. On ne résoud pas les décrochages technologiques, les replis nationaux, la PSDC à deux vitesses et l’instrumentalisation des “petits” pays par les “grands” Etats européens par une nouvelle Stratégie de sécurité. Les convergences en matière de sécurité-défense doivent venir de l’opératoire, du capacitaire, des mutualisations et des spécialisations. Ce sont là les vraies priorités, surtout par les temps qui courent. Rédiger une nouvelle Stratégie européenne de sécurité ne va pas réveiller une PSDC fragilisée de l’intérieur et de l’extérieur. Ne cherchons pas de fausses pistes et soyons attentif au relationnel entre la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne, car ce n’est que si les trois ensembles sont en phase que la PSDC pourra véritablement “redécoller”. A force de rédiger des “bibles”, on finira par “dé-européaniser” la sécurité-défense, car les vrais enjeux seront ailleurs et les “intervenants” n’attendront pas l’UE pour avancer. Et nous savons pertinement bien que la SEAE, le COPS et surtout les capitales font de la stratégie européenne de sécurité sans devoir relire leur missel, sans exiger des mises à jour officielles. La question étant alors de déterminer où se situe le curseur entre les Etats et l’UE dans un domaine encore fortement régalien.

    André Dumoulin (ERM et ULg)

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