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Un ministre du Puntland appelle à cesser de verser des rançons

(BRUXELLES2) Dans une interview au magazine allemand spécialisé IMS, le ministre du Puntland aux affaires maritimes, Saeed Mohamed Rage, appelle la communauté internationale à cesser de verser de rançons. Cela menace notre stabilité, explique-t-il. « Notre budget annuel est d'environ 20 à 30 millions de dollars US par an. Nous avons donc, pour l'ensemble du gouvernement, environ 2 millions de dollars US par mois. Les pirates continuent de recevoir les rançons très élevées d'environ cinq à sept millions de dollars par navire. C'est une situation très dangereuse pour nous, car nous pouvons payer nos forces de sécurité et de police, seulement environ 50 dollars US par mois. Il ya un risque qu'ils soient corrompus. Si nous ne faisons pas quelque chose très rapidement contre les pirates, nous courons le risque qu'ils prennent le pouvoir. Le versement de rançons élevées par les compagnies maritimes à saper nos efforts pour maintenir la situation sous contrôle et mettent en danger notre sécurité. Cela doit cesser. »

L'essor de la piraterie : une rançon de 700.000 $

Saeed Mohamed Rage était déjà ministre de la Pêche et responsable des ports du Puntland en 2007 quand la piraterie a pris son essor. Pour lui une des causes de la piraterie, c'est la pêche clandestine opérée par des gros navires « Une cause de la piraterie est le fait que depuis de nombreuses années, la pêche illégale au large de nos côtes a empêché nos pêcheurs de travailleurs. Beaucoup de pêcheurs ont tenté en vain de se défendre contre les clandestins, et il n'y avait pas de sources alternatives de revenus pour eux, beaucoup d'entre eux sont devenus pirates. »

Mais l'évènement déclencheur qui a tout dégénéré sont les rançons versées ; et le ministre accuse les occidentaux de s'être prêté à ce jeu dès les débuts. Il s'en souvient très bien. « Les pirates avaient détourné le MV Golden Nori à la fin 2007, un chimiquier, et avaient amené le navire à Bossasso. Il était accompagné par deux navires de guerre, y compris un Américain. Je ne voulais pas laisser les pirates le Golden Nori entrer dans le port et voulait la libération du navire. Les forces internationales nous ont demandé, pour libérer le navire, de ne pas arrêter les pirates. Il a finalement été versé 700.000 dollars de rançon et les pirates ont libéré le navire. (...) A cette époque, j'ai immédiatement démissionné de mon poste et je crois que ces rançons ont contribué à ce que la piraterie augmente ».

280 pirates derrière les barreaux au Puntland

Le Puntland tente avec les moyens du bord de lutter contre la piraterie. « 280 pirates sont en prison, dont environ 40 nous ont été remis par les forces navales (NB : la France essentiellement). Le reste a été arrêté par nos soins, dont certains leaders comme le plus populaire, Booyah » qui est derrière les barreaux.

Lutter avec les moyens du bord

L'information circule. Mais à des modalités qui ne sont pas en rapport avec les défis en cause. « J'informe l'OTAN quand un navire quitte le port de Bossasso et luit transmet son itinéraire et sa cible, de sorte que les forces de l'OTAN soient informés. Mais nous ne sommes pas connectés avec les systèmes d'information des forces armées. Tout ce que je peux faire est d'écrire un courriel quotidien à l'OTAN. »

Quant à la Garde côtière, « sept stations ont été construites le long des côtes » pour lutter contre la piraterie. Mais, le Puntland dispose « un seul bateau ». Le Puntland bénéficie de l'aide d'une société militaire privée, Saracen, pour la formation de ses gardes-côtes ; accusée dans le rapport de l'ONU de contourner l'embargo sur les armes imposé à la Somalie et l'Erythrée. « Nous avons besoin de Saracen » pour cela. « Nous avons invité les responsables de l'ONU à venir inspecter qu'il n'y avait pas d'armes. Ils n'ont pas encore répondu (...) En attendant le contrat avec Saracen est suspendu ».

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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