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Entre les lignes de la révolution militaire allemande

En Afghanistan, le PRT de Feyzabad (crédit : Bundeswehr)

(BRUXELLES2) La restructuration en cours en Allemagne, avec la fin de la conscription, est un bouleversement d’ordre politique sans doute plus important que ce qu’on peut en pressentir.

Réduction du format de l'armée, professionnalisation

On a souvent focalisé sur les mesures les plus visibles annoncées par le nouveau ministre de la Défense, Thomas de Maizière, à la mi-mai : réduction de 35.000 personnes de l’armée la faisant passer de 220.000 à 185.000 soldats (dont 170.000 professionnels et 15.000 volontaires), les effectifs civils diminuant de 20.000 postes (passant de 75.000 à 55.000 équivalents temps plein).

Le tout associé à une réorganisation de la chaîne de commandement devrait permettre d’économiser 8,3 milliards d’euros d’ici 4 ans (2015) et d’accroître le nombre de soldats pouvant être envoyés à l’étranger de 7.000 à 10.000. On a moins parlé de l’adoption de nouvelles « lignes directrices » qui sont la ligne doctrinale de la Bundeswehr. Rien de révolutionnaire évidemment. Ces lignes directrices définissent les menaces et les fondamentaux de l’armée allemande : l’attachement transatlantique, l’Europe de la défense…

La Bundeswehr, colonne vertébrale de la sécurité

Il existe cependant des nuances « intéressantes » comme me l'a précisé un général allemand. Pour la première fois, la Bundeswehr est ainsi mentionnée comme « la colonne vertébrale en matière de sécurité et de protection. » « Sans forces armées, la menace de recourir à la force armée et son application même au titre du droit international demeurent inconcevables » est-il aussi précisé. Et « sa zone d’action non seulement à la défense du territoire mais aux zones de responsabilité allemande ».

La « notion de sécurité dépasse le cadre purement géographique ». La responsabilite? de la protection des citoyens va bien au-dela? des frontie?res de l’Allemagne. « Les forces arme?es doivent e?tre en mesure d’assurer au mieux et sous responsabilite? nationale le sauvetage et l’e?vacuation des ressortissants allemands expose?s a? des dangers directs a? l’e?tranger. »

Le risque : les Etat faibles plutôt que les Etats forts

La définition du risque est aussi clairement affirmée. En gros, selon notre observateur, le risque ne vient pas d’Etats trop forts mais d’Etats trop faibles… Cette notion est explicitée dans les "Lignes directrices". « Une menace directe du territoire allemand par des moyens militaires conventionnels reste improbable. (...) Les risques et menaces auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui proviennent notamment d’États défaillants ou faillis, de réseaux terroristes internationaux, de régimes terroristes et dictatoriaux, des bouleversements liés à l’éclatement de ces derniers… »

Les réseaux, un risque en eux-mêmes

Aux risques déjà classiques du terrorisme international, des armes de destruction massive... s'ajoutent des risques moins classiques, comme les réseaux électronique. Ces réseaux de communication et l'importance qu'ils ont pris dans la vie quotidienne et économique rend le risque de cyberattaque d'autant plus sensible. Mais l'interconnexion des réseaux et la rapidité des transmissions d'information « confe?re aux extre?mistes de nombreuses possibilite?s de de?sinformation et facilite la radicalisation et la de?stabilisation ». « En tre?s peu de temps, des informations souvent non e?value?es (peuvent se répandre) a? travers toute la plane?te ».

La sécurité parente indéniable de la prospérité

La liberte? des voies commerciales et la se?curite? d’approvisionnement en matie?res premie?res sont « d’une importance vitale pour l’avenir » de l’Allemagne et de l’Europe. « Toute perturbation des voies de transport et des flux de matie?res premie?res et de marchandises, due par exemple a? des actes de piraterie ou au sabotage du trafic ae?rien, pre?sente un danger pour notre se?curite? et prospe?rite?. ».

L'OTAN et l'arme nucléaire tout de même

Ces lignes prennent également acte que « conformément à son nouveau concept stratégique, l’Alliance Atlantique restera une alliance nucléaire ». « La nécessité de maintenir la dissuasion nucléaire demeure tant que l’arme nucléaire reste un instrument susceptible d’être utilisé dans un conflit militaire » est-il aussi précisé. C’est un point important dans une Allemagne qui se dénucléarise, coté civil, et reste officiellement opposée à l'emploi de l'arme nucléaire.

Et l'Europe ?

Les lignes réaffirment un credo européen classique et la nécessité du couple franco-allemand. « En tant qu’acteur politique qui se veut efficace, l’Europe doit accroi?tre sa capacite? d’action e?galement en matie?re de politique de se?curite? ; ceci lui permettra d’assumer seule des responsabilite?s face aux de?fis de la se?curite? commune a? l’inte?rieur et a? l’exte?rieur de l’Europe. (...) Une base technologique performante dans des domaines cle?s constitue la condition pre?alable au maintien et – si possible – au renforcement d’une industrie d’armement europe?enne compe?titive. »

Télécharger les lignes directrices, les docs de B2

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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