La singularité allemande. La Bundeswehr, une armée constitutionnelle
(BRUXELLES2) Il paraît difficile aujourd’hui de saisir l’attitude allemande en matière de défense, toute empreinte de prudence et qui peut être perçue comme un certain attentisme. Pour comprendre cette attitude, il faut aussi prendre en compte quelques considérations internes, politiques, conjoncturelles (la présence d’un FDP pacifiste) et structurelles. J'en donnerai deux...
Une coalition à hue et à dia
Il y a certainement un problème politique conjoncturel actuellement en Allemagne : la présence dans la coalition des Libéraux. Comme l’explique un Français vivant en Allemagne, les libéraux du FDP sont restés « plus de 10 ans sans gouvernement. Ils ont loupé quelques étapes de l’évolution gouvernementale. Et ont adopté une ligne pacifiste dure, plus dure que celle des Verts d’une certaine façon. On se croirait revenu à l’ère pacifiste de Genscher ». L’arrivée aux commandes d’une génération venue d’Allemagne de l’Est est aussi un phénomène dont il faut tenir compte. Il y a aussi un public allemand, non interventionniste.
Et une forte différence
Il existe surtout des différences conceptuelles fortes entre l’Allemagne et les autres pays. « La Bundeswehr reste une armée parlementaire, c’est la grosse différence avec la France, les Etats-Unis, le Royaume-Uni. Un vote du Bundestag est ainsi nécessaire pour l’envoyer en mission extérieure » explique un général allemand fin connaisseur de l’hexagone. C’est un fait dont on a peu conscience en France où le Parlement ait appelé à la rescousse au bout de quatre mois d'intervention. Et, encore, se prononce-t-il de façon limitée. Même pour des actes tout à fait évidents et urgents - qui ne susciteraient aucune discussion même dans les pays les plus sourcilleux du respect de la représentation élue - il y a discussion en Allemagne. Ainsi l'envoi de Transall en Libye pour rapatrier les citoyens nationaux, a suscité un recours. « Un parti est allé devant la Cour constitutionnelle pour faire constater qu’il n’y a pas eu saisine ». Et notre général de commenter : « On peut l’aimer ou pas, mais il faut l’accepter. C’est aussi un acte pédagogique : convaincre toute une génération, toute une société, et notamment avoir l’appui du parlement allemand est important même si ce n’est pas toujours évident ».
La façon dont les Français et les Britanniques ont géré l’intervention en Libye est ainsi perçue à Berlin comme un vrai coup de force : « Dans une Alliance, il faut que les choses se discutent, qu’il y ait des consultations, une convergence d’idées politiques. Le droit de regard sur la planification est important. Il faut que le Parlement ait l’impression d’être étroitement associé à tout le processus de planification décisionnel. »
En d’autres termes, les Allemands sont en train de sortir de l’histoire… Pas d’accord avec le général allemand que vous faîtes parler. Je n’aime pas et je n’accepte pas car, évidemment, j’appelle de mes voeux (désespérés) une défense européenne digne de ce nom. Et ce n’est pas cette Allemagne sur le déclin démographique comme politique qui va nous permettre de la construire. Du militarisme au pacifisme en passant par le nazisme, on ne sait vraiment pas de quoi les Allemands sont capables. Et ce n’est jamais un bon signe!