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L’Europe exclut les pauvres

(Ceci est la version longue d'un article paru dans Ouest-France le 22 juin)

Coluche peut se retourner dans sa tombe. Les fonds permettant aux Restos du cœur, aux Banques alimentaires et autres associations caritatives de bénéficier des surplus européens vont être sinon supprimés du moins sévèrement coupés.

De combien ? Les financements européens n’atteindront en 2012 que 113 millions d’euros pour toute l’Europe contre 500 millions auparavant. La France bénéficiera de 15 millions seulement. Et pour 2013, cela pourrait être 0. La coupe est sévère.

A qui la faute ? Accusée, la Commission européenne se défend en expliquant ne faire qu’appliquer un arrêt du tribunal de l’Union européenne. Elle met en cause certains Etats membres réticents à changer la réglementation.

Pourquoi cet imbroglio ? C’est le résultat de la (bonne) gestion de la PAC, la Politique agricole commune. Réforme après réforme, les stocks communautaires de beurre, de lait, d’huile… ont fondu. Et pour continuer à approvisionner les banques alimentaires, Bruxelles est obligée d’acheter sur le marché. Ce qui est en infraction avec le règlement de la PAC.

Qui est le club des égoïstes. L’Allemagne et la Suède, flairant le bon coup, ont obtenu un jugement du tribunal en leur faveur. Soutenus par 4 autres Etats (Pays-Bas, Danemark, Royaume-Uni, République tchèque), les deux larrons bloquent aussi toute tentative de réforme. Question de principe, soulignent-ils. La PAC n’est pas là pour assumer l’assistance aux pauvres. Et la politique d’assistance aux pauvres appartient aux Etats pas à l’Europe. Question de budget aussi et très politique également. Le club des Six égoistes est ravi de jouer ainsi un mauvais tour à la Politique agricole commune. Une position indigne...

 

Un débat attendu. L'annonce de la Commission a réveillé le débat. Les eurodéputés français des différents groupes ont tous pris, à peu près, les mêmes positions. Pour Estelle Grellier, « Prendre prétexte de difficultés techniques et juridiques – alors même que la Commission n’a pas fait appel de la décision de justice invoquée ! -pour démanteler ce dispositif d’aide alimentaire aux plus démunis  est désastreux pour les populations concernées, mais aussi pour la crédibilité et l’image de l’Europe ». Même sentiment chez Rachida Dati (UMP) qui « invite le Président de la Commission européenne à venir expliquer aux millions de bénéficiaires de cette aide pourquoi un problème juridique les privera de ressources vitales, dès l'an prochain. » Et de lâcher : « Comme sur d'autres sujets de cohésion, la Commission est déconnectée de la souffrance des Européens et de leurs préoccupations! Quand la Commission veut, elle peut... même décourager les citoyens de croire en l'Europe! ». Dany Cohn-Bendit (Verts) accuse la Commission de « laisser pourrir la situation par manque d'ambition politique. L'aide alimentaire aux plus démunis ne doit pas faire l'objet d'un marchandage entre la France et l'Allemagne dans le cadre des discussions sur le devenir de la Politique Agricole Commune. » Et d'ajouter : « Ce programme s'est révélé efficace ces 25 dernières années, venant en aide aux populations les plus fragiles. Y mettre un terme sans autre forme de procès reviendrait à renoncer au principe de solidarité qui est la base du projet européen. Une solution transitoire doit absolument être mise en place pour 2012 et 2013, en attendant qu'un accord soit trouvé pour sauvegarder ce programme dans les années futures.

A l'agenda. L’Italie, soutenue par dix Etats membres, dont la France, a décidé de mettre les pieds dans le plat et le sujet à l’agenda du prochain conseil des ministres de l’Agriculture, le 27 juin.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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