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Le conseil des ministres de la Défense… au rang des invisibles

En abandonnant le champ de la communication, la Haute représentante laisse le champ libre aux critiques. Comme un gardien de but qui abandonne la cage de but avant un pénalty (crédit : Fotolia)

(BRUXELLES2) La réunion du conseil des ministres de la Défense s'est terminé par un couac, hier. Encore ! Vers 19h30, à la fin du conseil, les ministres sortent un par un et, selon leur habitude, s'arrêtent (ou non - c'est selon leur humeur) devant les journalistes pour donner leur impression. C'est le cas du Français Gérard Longuet, du Polonais Bogdan Klich... Mais, contrairement aux usages, le président en exercice du Conseil (en l'occurence, Cathy Ashton, la Haute représentante) n'est pas descendu pour rendre compte à la presse de la tenue du Conseil. Ce n'est pas la première fois que la Haute représentante refuse de tenir une conférence de presse ou l'abrège au plus court.

Ce qui est plus notable cependant, c'est qu'aucun responsable du SEAE ou officier de presse ne s'est senti tenu d'informer la dizaine de journalistes qui était restée là, malgré tout, des résultats du Conseil. C'est en contradiction flagrante avec les règles de transparence que s'est fixées le Conseil des Ministres de l'UE, sous l'impulsion des présidences finlandaise et suédoises notamment (*), et avec les usages jusqu'ici suivis par chaque présidence tournante.

Cette pratique n'est pas tout à fait anodine. On sait que l'Europe de la défense n'était pas une priorité pour la Haute représentante. On connait sa volonté de ne pas donner aux ministres de la Défense un rôle trop important et formel (en témoigne la façon expéditive dont la réunion a été tenue et ses absences répétées). On a, maintenant, avec une succession d'autres faits (aucune opération, aucune impulsion, le minimum de compte rendu), une nouvelle preuve de sa volonté de détricoter le travail patient, effectué par ses prédécesseurs, pour bâtir une politique européenne de sécurité et de défense commune (PSDC), et au-delà de ne pas traduire dans les faits une partie des novations du Traité de Lisbonne.

Cette pratique est aussi symptomatique d'une relation, qu'on peut qualifier de "mauvaise", entre la presse et Lady Ashton. Les critiques se multiplient à son encontre. Souvent à juste titre. Parfois juste par ignorance. Et cela ne risque pas de s'arranger. Surtout si la Haute représentante s'en plaint ouvertement devant les Ministres. Pourtant, le service diplomatique européen (SEAE) trouve peu à peu sa place, son rythme. Il s'implique, de plus en plus, dans des questions très politiques. Les premiers résultats sont là comme le soulignait, à juste titre, le ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé. Mais nombre de ses actions sont méconnues malheureusement... tout simplement pour des problèmes d'ego. C'est dommage...

Contrairement à ce que pense l'entourage de Lady Ashton, la presse n'est pas, en effet, une ennemie de la Haute représentante, elle relate ce qui se passe, ce qui transpire, selon les informations mises à sa disposition ou qu'elle obtient. En coupant les lignes d'information, la Haute représentante se tire, tout simplement, une balle dans le pied. Elle permet que s'expriment encore plus facilement les critiques, tout simplement en leur donnant le monopole de l'expression. C'est comme un gardien de but qui quitterait la cage avant le pénalty. C'est mathématique...

Lire également :

* Usages formalisés dans le "guide de l'information du Conseil" : « Le pre?sident du Conseil tient, apre?s chaque session ministe?rielle — et souvent aussi lors d’interruptions des travaux —, des confe?rences de presse pour informer les journalistes des de?cisions et des conclusions du Conseil. Il se fait accompagner re?gulie?rement par le ou les membres concerne?s de la Commission europe?enne. » « Par ailleurs, tout au long de la session du Conseil, les porte-parole de la pre?sidence et du Haut repre?sentant, les membres du service de presse, les porte-parole des E?tats membres et de la Commission tiennent la presse au courant du de?roulement des travaux. »

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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