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Situation délicate pour les militaires néerlandais en Libye. Premières images

(crédit : télévision d'Etat libyene / NOS Tv)

L'arrestation de trois militaires néerlandais et de leur hélicoptère à Syrte (lire : L’exfiltration tourne mal. 3 militaires néerlandais otages du régime de Kadhafi en Libye) est gênante politiquement, militairement et juridiquement. Et on peut se demander comment des militaires ont pu tomber ainsi facilement aux mains des Libyens. En tout cas, l'accusation d'espionnage des Libyens ne tient pas la route.

Une ligne de défense tenue

D'un point de vue légal, en effet, la ligne de défense des trois militaires néerlandais est tenue. Et ils n'auront que leur bonne foi pour se défendre face à leurs gardiens. Leur hélicoptère a, en effet, pénétré sans autorisation le territoire aérien libyen, avec des armes à bord, et ses occupants n'avaient pas d'autorisation d'entrée sur le territoire. En gros, ce sont des "immigrants illégaux", avec port d'armes prohibés et pas de plan de vol, dans un pays en guerre. Cela peut faire beaucoup. Et les militaires ne peuvent pas non plus être considérés comme des belligérants au titre des conventions de Genève.

Seule défense : la résolution des Nations-Unies

Mis à part les moyens diplomatiques, qui peuvent être entamés pour faire libérer, il existe cependant des arguments à faire valoir à l'appui de leur action. La résolution 1970 du Conseil de sécurité des Nations-Unies du 26 février prévoit de "garantir la sécurité de tous les étrangers et de leurs biens et à faciliter le départ de ceux qui souhaitent quitter le pays". Il demande également "de rendre accessible en Jamahiriya arabe libyenne une aide humanitaire et une aide connexe". Ce qui n'est pas le cas actuellement en Libye. Et le régime de Tripoli se trouve ici en nouvelle contradiction avec le droit international. Les militaires néerlandais peuvent donc arguer d'une nécessité d'évacuation médicale d'un ressortissant européen en danger.

L'accusation d'espionnage, avec un hélicoptère ?

Quant à l'accusation d'espionnage des autorités libyennes contre les militaires néerlandais, elle ne tient pas vraiment la route. L'hélicoptère n'est pas le moyen le plus discret pour l'espionnage, surtout à l'approche d'une ville. Des moyens beaucoup plus puissants et discrets peuvent être utilisés comme les avions Awacs britannique, français ou de l'OTAN actuellement déployés au-dessus de la zone concernée. Les civils (1 Néerlandais et 1 Suédoise) ont pu rentrer à bon port apparemment.

Une explication, quelles explications

(Crédit : Télévision d'Etat libyenne : NOS)

Au final, on peut se demander comment ces militaires aguerris sont tombés, aussi facilement aux mains des Libyens, et pourquoi ils n'ont pas résisté. Il sera sans doute possible, après coup, d'éclaircir ce point. Mais d'ores-et-déjà on peut donner deux éléments de fait. En premier lieu, les militaires néerlandais étaient entraînés et prévus pour une opération anti-pirates (apparemment au moins un des militaires pris porte d'ailleurs sur son uniforme le sigle européen de l'opération Eunavfor Atalanta). Et l'arrestation de pirates - qui généralement ne résistent pas outre mesure à l'arrivée des hélicoptères militaires - en haute mer, n'appartient pas au même "rayon" que l'intervention dans un territoire terrestre, avec des unités armées libyennes, qui ne dédaignent pas de faire les coups de feux mortels ou des otages. Deuxièmement, résister à supposer que cela aurait été possible aurait plutôt aggravé leur cas. Et la ligne de défense (opération de sauvetage d'un Européen) se tient ainsi de façon plus facile.

Voici les images de l'hélicoptère et des pilotes néerlandais aux mains des Libyens (interrogatoire plutôt courtois apparemment. Mais nous sommes sur une télévision, d'Etat, aux visées de propagande. Il faut donc se méfier doublement)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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