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Les différents agendas cachés des leaders européens dans la bataille de Libye

(BRUXELLES2) Si on a souvent parlé d'autres motivations pour le président Sarkozy dans sa fougue et son enthousiasme à défendre la révolution libyenne et à aller à l'action militaire, il n'est pas le seul à avoir un agenda caché. Et l'apparente foire d'empoigne qui règne depuis quelques jours au niveau européen cache d'autres enjeux tout aussi politiques chez plusieurs partenaires, allemand et italien particulièrement.

Coté français on a souvent commenté ce qui sous tendait la posture de Sarkozy : la campagne électorale à venir (présidentielles 2012), le souci de faire oublier les premières hésitations dans les révolutions arabes (Tunisie essentiellement) et la réception en grande pompe du leader libyen. Il faudrait aussi mentionner des enjeux plus stratégiques comme la promotion du savoir-faire français militaire et industriel (Rafale), sa place dans l'Alliance atlantique et son siège au Conseil de sécurité de l'ONU, et ce qui semble une inflexion de la politique française avec un retour plus traditionnel chez les gaullistes vers le monde arabe.

Guido Westerwelle au dernier Conseil des ministres des Affaires étrangères de l'UE (crédit : Conseil de l'UE)

Coté allemand, on peut mettre en évidence la traditionnelle prudence vis-à-vis des engagements militaires extérieurs et l'obligation constitutionnelle du Bundestag. Il y a aussi l'engagement allemand important au sein de l'ISAF en Afghanistan. Et tout dégât collatéral vis-à-vis des civils est perçu de façon très négative en Allemagne. Mais cela ne suffit pas à expliquer totalement la position très en pointe, voire agressive, de Guido Westerwelle, le ministre des Affaires étrangères. Nous sommes aussi en pleine période électorale en Allemagne, avec une défaite annoncée dans les prochaines élections de Länder qui pourront avoir deux conséquences. La coalition au pouvoir perdra la majorité au Bundesrat (la 2e chambre allemande) qui a un certain pouvoir (surtout en matière intérieure, pas pour les opérations extérieures). Mais surtout, le FDP, le parti de Westerwelle risque de voir particulièrement sa position affaiblie s'il continue à ne pas pouvoir dépasser la barre des 5%, barre qui permet d'exister politiquement en Allemagne. L'élection dans le Lan du Baden Würtemberg le 27 mars sera un test. Westerwelle joue donc sa survie politique.

Coté italien, la position est aussi contradictoire. Le cavaliere est aussi en campagne électorale, en butte à des poursuites judiciaires et à une attitude de la Liga Nord, qu'on peut qualifier d'isolationniste (anti-immigrés, anti-intervention en Libye, anti-Europe). S'il s'écoutait, il n'interviendrait pas ou peu. En même temps, l'attitude franco-britannique sur la Libye ressemble à une OPA stratégique sur le pays. Et l'Italie ne peut laisser d'autres pays prendre le leadership dans ce qui est et reste une ancienne colonie italienne, où les intérêts de la péninsule sont nombreux. De plus, il s'agit de défendre la position et le prestige de l'Italie, tant au niveau européen, qu'au niveau international... et de l'OTAN.

Tous ceci se déroule sur fond de discussions à l'OTAN avec notamment la diminution du nombre de bases, de commandements, d'effectifs dans les commandements. les grandes options politiques et stratégiques ne sont parfois pas éloignées de considérations plus... concrètes.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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