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L’UE renonce à assurer le contrôle de l’embargo sur les armes au large de la Libye

Gardes cotes déployés au large de Lampedusa dans l'opération Hermes menée par l'agence Frontex à partir de février 2010 (crédit : UE/Frontex)

(BRUXELLES2/exclusif) L'Union européenne a renoncé à contrôler elle-même l'embargo sur les armes en haute mer, rendu possible par la résolution 1973 des Nations-Unies, par la mise en place d'une opération de surveillance maritime de la PeSDC. Ce renoncement ne figure pas dans les conclusions adoptées par les ministres des Affaires étrangères, lundi. Et pour cause. Il n'a pas été accepté.

Une mini-opération Atalanta

La proposition figurait cependant dans le projet de "Crisis management concept" discuté par les ambassadeurs du COPS puis par les Ministres. Selon un militaire européen, cette opération nécessitait la présence d'environ 4 navires disposant d'une plateforme pour hélicoptères (destroyer ou frégate) ainsi que d'un pétrolier ravitailleur et un ou plusieurs avions de patrouille maritime. Le FHQ aurait pu être placé dans un pays riverain (Italie, Grèce, Malte). Et un service médical (Role 2 ou 3) devait être disponible à environ 1 heure. Ce qui avec un hélicoptère ne nécessite pas trop de tracas. En fait, une mini-opération Atalanta.

Une minorité de pays a soutenu l'opération

Seuls une minorité de pays ont estimé que cette option méritait de faire l'objet d'une planification détaillée (pas automatiquement d'une décision). Selon nos informations, la France, la Finlande, l'Estonie, la Lituanie et Malte ont montré de l'intérêt pour cette surveillance maritime. La majorité des Etats notamment le Royaume-Uni, l'Italie ou l'Allemagne préférant que cette option soit planifiée et conduite par l'OTAN. Ceci constitue à tout le moins une petite défaite pour l'Europe de la Défense pourtant promue par le triangle de Weimar (dont fait partie l'Allemagne et la Pologne) tout comme pour la Haute représentante, Cathy Ashton, qui n'a pas apparemment montré trop d'ardeur ni de savoir-faire pour défendre cette option.

Une opération qui avait le mérite de la cohérence économique et politique

Il faut préciser que d'un point de vue technique la surveillance maritime d'un embargo sur les armes ne présente pas énormément de difficultés, d'autant que l'UE a acquis avec l'opération maritime anti-piraterie un certain savoir-faire en la matière (*), et peu de risques. D'un point de vue politique, et économique, cette mission avait aussi une certaine logique. L'UE a, en effet, déjà déployé au large de la Libye plusieurs navires et avions de surveillance maritime, dans le cadre de l'opération Hermès menée par l'agence de sécurité aux frontières (Frontex).

Surveiller l'embargo sur les armes ou les arrivées de réfugiés sinon dans la même mission mais au moins par la même organisation aurait présenté un double intérêt : économies de moyens, démonstration politique. Il est d'ailleurs assez paradoxal que le même jour, les 27 affirment la nécessité de renforcer les liens entre la PSDC et les politiques de justice, sécurité et liberté... mais ne saisissent pas la première occasion pour mettre en accord leurs paroles et leurs actes.

Si à quelques dizaines de milles de ses côtes, l'Europe doit encore recourir aux moyens américains ou turcs pour assurer une fonction qui relève davantage de la fonction de "gardes-côtes" que de celle d'une force offensive, on peut douter de la volonté de sortir d'un certain infantilisme latent. Ce manque d'autonomie, qui apparait au moment où l'Amérique d'Obama ne considère plus vraiment l'Europe comme une de ses priorités stratégiques, est aussi dangereux.

(*) Sans revenir aux temps de l'UEO qui a déjà mené une telle opération de surveillance maritime de l'embargo au large de l'ex-Yougoslavie en 1992-1995. Lire: Quand l’UE(O) menait un embargo maritime conjoint avec l’OTAN. Un exemple pour aujourd’hui ?

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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