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Conflit libyen. L’OTAN rentre dans la danse et grille la politesse à l’UE. My god !

© NGV / Bruxelles 2 - Rasmussen au conseil informel des ministres de la Défense de l'UE, devant la presse, 25 février 2010

(BUDAPEST/GODOLLO) C'est habituel. En Suède, cela s'appellerait "sexe par surprise" (:-) Mais c'est somme toute un peu puéril vu les circonstances dramatiques en Libye. Le secrétaire général de l'OTAN, Anders Fogh Rasmussen, a convoqué la presse à l'aube pour annoncer « une réunion d'urgence, aujourd'hui, du Conseil de l'Atlantique Nord (les ambassadeurs des Etats membres auprès de l'Alliance) pour discuter de la Libye ». Et d'ajouter - sur son fil twitter - « La situation en Libye est une grande préoccupation. L'OTAN peut agir comme un acteur et un coordinateur si ses Etats membres veulent entreprendre une action ».

A 10h45, juste avant la conférence de presse finale de la réunion, il a répété son message et l'a précisé. « Nous avons discuté avec les ministres de la défense de l'UE des moyens de contenir ce phénomène de façon pragmatique. C'est un exemple concret de la nécessité de coopération entre l'OTAN et l'UE (...) La priorité est d'évacuer les personnes dans le besoin et de procurer une assistance humanitaire. Nous étudions toutes les options possibles Nous avons des outils pour assurer cette coordination. ».

Un revirement à 180 °

Ceci constitue un revirement doctrinal à 180°, en à peine 24 heures. A Kiev, jeudi, Rasmussen expliquait que la situation en Libye "une menace directe pour l'Otan ou ses alliés. Mais bien sûr, il peut y avoir des répercussions négatives", comme l'exode de réfugiés vers les pays voisins. Et il soulignait que "l'OTAN n'avait pas l'intention d'intervenir".

C'est aussi un coup bas personnel à l'encontre de Cathy Ashton, la diplomate en chef de l'UE, avec qui le secrétaire général de l'OTAN avait rendez-vous, dans la matinée (rendez-vous court de quelques minutes). Une Haute représentante qui n'avait pas vraiment besoin de cela aujourd'hui alors qu'elle est soumise à un feu de critiques croissant.

Mais ce coup bas a une résonance politique forte. Rasmussen ne semble pas avoir agi de sa propre initiative. Plusieurs Etats comme la Turquie ou le Royaume-Uni semblent avoir poussé à cette initiative, chacun pour des raisons différentes (la position de la France ne semble pas claire).

Du grand art de la communication

© NGV / Bruxelles 2 - conférence de presse de A.F. Rasmussen, 25 février 2010

Ce faisant, le secrétaire général grille la politesse aux Européens. L'UE a annoncé, depuis plusieurs jours, la mise en place d'une coordination des moyens civils et militaires pour l'évacuation des citoyens européens (et autres de Libye). Une coordination qui fonctionne, même si cela reste discret. Environ 1500 personnes ont déjà été rapatriées. L'aide humanitaire de l'UE qui dispose d'un outil incomparable (ECHO) s'est aussi mis en branle avec l'envoi d'experts sur le terrain à la frontière égyptienne et tunisienne.

Que peut faire l'OTAN en plus ?

L'OTAN ne peut sûrement pas de l'aide humanitaire (ce serait une grave confusion des genres). Et pour l'évacuation, les Européens ne peuvent pas déployer plus de moyens  sauf à recommencer la valse entamée lors des opérations anti-piraterie, un coup d'un coté, un coup de l'autre. En revanche, il reste les moyens américains et surtout turcs (le problème des relations OTAN-UE continue). L'OTAN peut surtout amener son "poste de conduite" des opérations militaires particulièrement utile si on va vers un embargo sur les armes ou une zone d'exclusion aérienne. Mais il n'est pas interdit de penser qu'à la manière des opérations des années 1990 dans l'Adriatique notamment, cette opération puisse aussi être coordonnée par les Européens.

Commentaire : cette méthode de communication est déplorable. Elle  constitue un dysfonctionnement grave et laisse une impression, désagréable, de concurrence entre deux organisations "soeurs". Ce qui, vu la gravité de la crise en Libye, paraît totalement indécent. Il y a effectivement nécessité de concertation entre les différentes structures européennes et occidentales. Mais pas de cette manière infantile. Une annonce commune OTAN-UE aurait été, elle, un signe politique, fort, à l'encontre du gouvernement libyen comme pour les opinions publiques européennes qui réclament un geste politique décisif et non plus de simples déclarations d'intention.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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