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Les remises de pirates somaliens à la justice stoppées, ou presque !

(Crédit photo : Louise Marie / Ministère belge de la Défense)Les pirates peuvent être assez tranquilles. En cas d'arrestation par les forces militaires déployées dans l'Océan indien, il y a peu de chance qu'ils terminent leur jour en prison.

Cela fait, en effet, plus de trois mois que plus aucune remise de pirates n’a été faite par les forces internationales à la justice. Les seules traductions possibles l’ont été soit quand les forces locales ont arrêté des suspects - cela a été le cas au Yemen, à la mi-octobre, après l’appréhension d’un bateau suspect par les gardes-cotes - soit quand les Européens ont accepté de traduire devant la justice de leur pays les pirates arrêtés (Belgique et Pays-Bas en dernier lieu). Ainsi la dernière remise aux autorités judiciaires date de fin septembre avec la libération du MT Sherry par le Galicia pour les forces d'Eunavfor. Tandis que coté américain (CTF 151), elle date de début septembre, avec la libération du MV Magellan Star par les navires USS Dubuque et USS Princeton. Précisons que l’OTAN comme les autres forces maritimes déployées à titre national n’ont pas d’accord de traduction des pirates en justice.

Les Etats de la région peu chauds pour l'accueil

La raison ? Certes les pirates ont largement étendu leur zone de chalandise qui s’étend désormais à l’est vers l’Inde et les Maldives, au sud vers la Tanzanie et les Comores. Et cela ne facilite ni les arrestations ni les traductions en justice. Mais la cause essentielle n'est pas là. Elle se trouve dans les difficultés qu'ont chacun des pays de la région pour accueillir les pirates. Des difficultés très différentes d'un Etat à l'autre.

Le Kenya qui a accueilli les deux années le plus de suspects est aux abonnés absents. D'une part, il estime avoir fait sa part de travail. L'application de l'accord avec les Européens a été vertement critiqué au niveau politique en interne. Et l'accueil de suspects se fait désormais au "cas par cas". Au niveau juridique, la situation n'est pas encore stabilisée. Un jugement de Haute Cour a stoppé tout accueil de suspects pris en Haute mer. Et on attend encore l'arrêt en appel (qui aurait dû être prononcé début décembre). Autre difficulté, soulevée par un expert européen du dossier : les Kenyans sont très exigeants en matière de preuve. "Ils n'acceptent pas ainsi l'intention de commettre l'acte. Or la plupart de l'action internationale en mer ces derniers temps est dirigée vers la prévention d'actes". Donc vers une "intention" plutôt qu'un "flagrant délit".

Aux Seychelles, la capacité limitée des prisons est quasiment déjà atteinte. Et l'archipel ne prend que les suspects pris dans ses eaux territoriales.

L'Ile Maurice n'a pas encore signé d'accord. Mais c'est imminent, selon les informations recueillies par 'Bruxelles2'.

Quant à la Tanzanie, pays qui pourrait s'ajouter sur la liste, il était jusqu'ici en processus électoral. Et si des contacts ont bien été pris, rien n'est encore acquis.

Il ne reste que le Yemen (qui n'accepte que les pirates pris dans sa zone) et le Puntland, entité fédérée de la Somalie. Deux Etats avec lesquels il n'existe aucun accord formel de transfert.

Seule solution : la libération ou l'Europe

Actuellement, faute de mieux, les pirates pris en flagrant délit ou suspects sont tout simplement remis en liberté, après interrogatoire et prise des empreintes ou identités. Quand c’est possible, ils sont rapatriés en Europe. Mais c'est rare. Moins d'une quarantaine ont été ainsi rapatriés. Peu de pays les acceptent. Et encore en quantité très limitée. La France pourtant très allante dans les actions de piraterie n'a ainsi plus accueilli de suspects, depuis avril 2009. Il faut dire que les premiers pirates transférés, en avril 2008 suite à l'affaire du Ponant n'ont toujours pas été jugés. Cela va faire maintenant trois ans... On commence à atteindre le délai "peu raisonnable".

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Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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