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Un mur de Berlin tombe dans le monde arabe. Et l’Europe roupille

Hillary Clinton sur les télévisions : « Nous voulons voir une transition vers la démocratie (...) Il y a beaucoup d'étapes au long du chemin qu'ont commencé les Egyptiens eux-mêmes, et nous soutenons cela» (*)

Alors que l'Egypte, qui a une autre place stratégique que la Tunisie (position clé sur le canal de Suez qui draine une large part du trafic mondial de marchandises et d'énergie, dans le processus de paix au Moyen-Orient, en Afrique et sur le bassin du Nil, proximité géographique avec Gaza, le Soudan, etc), connait un tremblement de terre politique, l'Europe a connu un long week end silencieux. Certes nous avons, très vite eu, vendredi, une déclaration de Cathy Ashton, la Haute représentante de l'UE, bien balancée, et appelant au calme. Une déclaration écrite. Et ce fut tout. Rien d'autre. Pas de déclaration orale. Pas de conférence de presse improvisée. Pas de "descente" dans les télévisions comme l'a fait Hillary Clinton tout au long du dimanche en multipliant les interviews.

La "prudence" est de mise

Pourquoi ? Mais voyons. Nous avons un Conseil des Ministres des Affaires étrangères, lundi. Autant attendre. Il faut agir « avec prudence », comme le rappelait (vendredi) un haut diplomate européen devant plusieurs journalistes estimant que les évolutions dans le monde arabe ne figureraient peut-être pas à l'agenda des Ministres lundi : « Il y a une réflexion à avoir. Cela demande un peu de temps. Il faut aller au-delà des premières réactions. Chaque pays a sa particularité. La Tunisie n’est pas l’Algérie qui n’est pas l’Egypte. Il faut tenir compte du contexte de chaque pays pour adapter notre aide et nos relations. ». Il a sûrement raison. C'est sage.

Même quand un mur de Berlin tombe ?

Donnons du "temps au temps". Cette bonne vieille règle est utile. Mais il y a des moments où quand l'histoire s'accélère, il faut accélérer le temps de la réflexion. Qui peut prédire ce que sera la Tunisie ou l'Egypte dans 15 jours ou 3 mois. Qui peut dire à qui ce sera le tour demain : le Yemen, la Jordanie ou l'Iran, le Gabon, le Soudan .... Pas grand monde. Mais, ce qui semble sûr, c'est qu'il y a un changement dans les têtes, dans les modes de pensées. On passe à une autre phase. Comme un mur de Berlin qui tombe.

Un peu de chaleur, bon dieu !

Et ce week-end, nous avions besoin d'autre chose venant d'Europe que de rationalité. Nous avions besoin de saveur, de chaleur, de présence tout simplement. Un « Nous sommes aux cotés de la démocratie » dit face caméra ne coute pas grand chose, n'obère pas de l'avenir. Mais combien elle montrerait que l'Europe, ce n'est pas qu'un chéquier, des procédures et des "partenariats stratégiques". Mais qu'elle a aussi une âme et des valeurs. Une petite déclaration, face caméras, face au monde donc, ne prend pas énormément de temps. Quand on a regardé la télévision Al Jazeera (english) - qui mène la danse en matière l'actualité en diffusant quasi en continu les évènements en Egypte -, on n'a pas vu, pas senti l'Europe. Ou alors j'ai loupé quelque chose ?

La révolte des pharaons gronde et l'Europe, berceau des droits de l'homme et de la démocratie, roupille...

(*) we have been very clear that we want to see a transition to democracy, and we want to see the kind of steps taken that will bring that about. We also want to see an orderly transition. (...) So there are many, many steps along the journey that has been started by the Egyptian people themselves, and we wish to support that

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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