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Le petit dictateur ouzbek reçu par une porte dérobée à l’Otan et la Commission européenne

La Commission européenne commence à être gênée de la visite du président ouzbek, Islam Karimov à Bruxelles. Le "petit dictateur" d'Asie centrale doit être reçu, lundi, à la Commission européenne par José-Manuel Barroso, le président, et Günther Oettinger, le commissaire à l'énergie, ainsi qu'à l'OTAN, par A.F. Rasmussen.

Une visite qui a des relents stratégiques et économiques

A l'OTAN, l'objectif est de s'assurer d'un allié qui participe au Partenariat pour la paix (PPP) et au processus de planification et d'examen du partenariat (PARP) dans la guerre en Afghanistan. A la Commission européenne, la question portera surtout sur « la sécurité régionale, les questions économiques, l'énergie » mais aussi les « droits de l'homme » se hâte-t-on de préciser quand j'ai posé la question au "briefing" de la Commission.

Un Memorandum of Understanding sera d'ailleurs signé par le commissaire à l'Energie, Gunther Oettinger et son homologue ouzbek. Cet accord porte plusieurs aspects énergetiques, dont les infrastructures et la coopération. « L'Ouzbekistan est le dernier pays de cette region avec lequel nous n'avions pas encore un tel accord » précise-t-on à la Commission.

Un dirigeant de la vieille école soviétique

Seulement voilà... Karimov n'est pas n'importe quel chef d'Etat. Ayant gravi tous les échelons du PC sous l'Union soviétique et au pouvoir sans discontinuer depuis 21 ans à Tachkent, il est notamment l'auteur d'une répression sauvage en 2005 d'une manifestation à Andijan faisant près de 1000 morts selon les ONG. Les défenseurs des droits de l'homme et les opposants sont régulièrement emprisonnés, quand ils ne sont pas torturés ou violés, les journalistes menacés et les ONG internationales souvent gênées dans leur travail, voire expulsées. Bref, ce ne n'est pas un paragon de vertu. Et on est plus proche de la "petite dictature" que de la "grande démocratie". Mais les sanctions prises ont peu à peu été levées.

Une politique d'engagement critique et conditionnel

Mais le pays recèle de l'énergie. Et l'Allemagne, très présente dans le pays, pousse à une normalisation des relations européennes.  Alors les Européens ont desserré la vis. Selon une stratégie décidée en 2007 par les Etats membres, confirmée en octobre 2010, une « politique d’engagement critique et conditionnel » a été décidé. « L'UE a opté pour cette stratégie plutot que celle de l'isolement pour obtenir des progrès via le dialogue et les pressions constantes. » explique-t-on. Une politique qui a eu un certain succès selon la Commission. « Des progrès ont été observés et obtenus ces dernières années, notamment l'abolition de la peine de mort ». Il n'est ainsi pas anodin que le commissaire allemand soit présent à cette rencontre. Berlin pousse...

Le président Van Rompuy boude la rencontre

Mais le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, d'ordinaire associé aux visites de chefs d'Etat, n'a pas souhaité, cette fois, être présent. "Problème d'agenda" m'a précisé, fort diplomatiquement, son porte-parole, ne voulant sans doute pas embarrasser ses voisins de palier européen par des considérations plus politiques. On ne sera pas dupe. Van Rompuy ne tient pas à figurer sur une photo un peu compromettante.

Medias pas bienvenus

A propos de photo, les services de porte parole de la Commission sont largement embêtés. Interrogés par des confrères journalistiques, ce vendredi midi, il était précisé que la presse serait tenue informée. A 20h30, toujours rien. Je me suis enquis. Mais on se refusait toujours à indiquer quel dispositif (photo de famille, VIP corner, conférence de presse) était envisagé. La visite commence à sentir le souffre. Et on se passerait de cet exercice habituel en cas de visite de personnalité de premier plan. A l'OTAN, on n'a pas de ces pudeurs, et il vient d'être précisé qu'il y aura "no media opportunity". Autrement dit : circulez il n'y rien à voir...

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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