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L’assaut israélien sur la “flottille pour Gaza” pose problème à l’UE (maj4)

(BRUXELLES2) Les ambassadeurs de l'UE doivent se concerter aujourd'hui sur l'attitude à adopter face à Israël après l'assaut donné à des navires de la "flottille de la liberté" qui avait pour ambition d'amener de l'aide humanitaire et à la reconstruction à Gaza. Une réunion des 27 ambassadeurs COPS des Etats membres de l'UE a été convoquée, en urgence, lundi après-midi. Et plusieurs pays ont déjà convoqué  l'ambassadeur d'Israël à leur ministère des Affaires étrangères.

Plusieurs députés nationaux (allemands et suédois notamment) étaient à bord des bateaux, ainsi qu'une survivante de l'Holocauste, et Mairead Corrigan Maguire, prix Nobel de la paix en 1976 (à bord du Mv Rachel Corrie qui n'a pas encore abordé).

Un dérapage des commandos marine

Les commandos d'élite de la marine israélienne, Shayetet 13, ont donné l'assaut, au petit matin (4 heures), sur le navire battant pavillon turc, Mavi Marmara, qui était le plus proche de la côte. La télévision turque annonce entre 10 et 15 morts et plusieurs dizaines de blessés (60). En fin de matinée, une chaîne de télévision israélienne annonçait le chiffre de 19 morts. Les forces israéliennes confirmaient 10 morts parmi les passagers et des blessés sans donner un chiffre. Mardi matin, le bilan semblait s'établir à 9 morts.

Les forces israéliennes ont expliqué avoir dû réagir face à une attitude menaçante, lors de l'arrivée des hommes droppés par les hélicoptères sur le pont du navire. Des armes blanches auraient été utilisées contre les militaires. Et une de leurs armes aurait même été retournée contre eux par les militants activistes. 4 membres des commandos marines ont été blessés. Tous les blessés (civils et militaires) ont été rapatriés sur des hôpitaux israéliens pour y recevoir des soins.

Convocation des ambassadeurs d'Israël en Europe, première mesure

L'Espagne qui assure actuellement la présidence de l'Union européenne a convoqué l'ambassadeur d'Israël à Madrid au ministère des Affaires étrangères. Le secrétaire d'Etat aux Affaires européennes, Diego López Garrido, a qualifié l'action militaire de "inacceptables" et la situation de "gravissime". En Grèce, le diplomate israélien a été convoqué d'urgence dès le matin. Idem en Irlande et en Suède (1) ainsi qu'au Danemark, en Belgique et en France.

A Paris, le président Sarkozy a été très prudent. Il a « condamné l'usage disproportionné de la force et adresse ses condoléances aux familles des victimes. Toute la lumière doit être faite sur les circonstances de cette tragédie, qui souligne l'urgence d'une relance du processus de paix. » D'autres réactions devraient suivre dans la journée.

Première réaction mesurée de la Haute représentante de l'UE : demande d'enquête interne

En attendant le résultat de la réunion des ambassadeurs, la Haute représentante, Cathy Ashton, qui est en déplacement à Varsovie a fait, par l'intermédiaire du porte-parole de la Commission européenne, une première déclaration plutôt mesurée. « Elle regrette profondément ce qui est survenu et exprime sa compassion aux familles touchées » a expliqué son porte-parole. Cathy Ashton a ainsi « condamné tout acte de violence et l'usage excessif de la force » et demandé « une enquête immédiate de la part des autorités israéliennes. »

Elle a aussi répété sa position déjà affichée en fin de semaine dernière : « La politique de blocus qui perdure est inacceptable et politiquement contreproductive ». Nous voulons « une ouverture immédiate, durable et inconditionnelle des points de passage pour l'aide humanitaire, les marchandises et les personnes venant de et ou allant vers Gaza ».

Vive condamnation au Parlement européen : une violation de la Convention de Genève

Au Parlement européen, le leader des Verts Dany Cohn-Bendit a demandé un débat d'urgence. Et Véronique de Keyser, qui revient d'une visite d'une délégation à Gaza, conduite par la députée française Eva Joly, estime que cet "incident nous montre qu'on a atteint un point de non-retour. Nous devons maintenant exiger d'Israël la fin du blocus de Gaza complètement".

Quant au président du Parlement européen, le polonais Jerzy Buzek (Plate-forme citoyenne PO / PPE), il a eu des mots très durs. Il a estimé que cette attaque est « injustifiée et constitue une violation claire et inacceptable de la loi internationale, en particulier de la 4e convention de Genève. Nous demandons qu'Israël s'explique ses actions immédiatement, avec la plus grande transparence et les garanties d'une pleine responsabilité en coopérant à toute enquête qui pourrait être mise en place. (...) Le Parlement européen demande de toute urgence à la Haute représentante de prendre des initiatives dans le cadre du Quartet pour forcer Israël à lever le siège sur la population de Gaza immédiatement et de façon inconditionnelle. Nous ne pouvons tolérer que 80% de la population de Gaza vive au-dessous du niveau de pauvreté. »

Situation "grave" pour Israël et Gaza

La situation paraît, en effet, grave pour l'Etat hébreux. Selon le droit international, la mise en place d'un blocus peut être assimilée à un acte de guerre. Cet assaut pourrait conduire à une évolution de certaines positions au sein de l'Union européenne, qui était pour l'instant assez divisée sur la question israélienne et palestinienne, et plutôt attentiste.

(1) Pays de provenance des bateaux. La flottille comprend en effet 6 navires, essentiellement européens : turc, irlandais, suédois, grec, koweitien et algérien.

Premières images

Voir le premier reportage de Aljazeera à bord du Mavi Marmara repris par CNN Türk (le bilan était seulement de 2 morts à ce moment):

(Nicolas Gros-Verheyde)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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